Autour du monde en 888 jours : le choix et la préparation du véhicule

Publié le par Ding

Un camion Mercedes Unimog aménagé, qui rappellera sans doute à certains leur service militaire, photographié par Thibaut en banlieue parisienne. Paré pour l'aventure et d'une robustesse éprouvée. Mais permis poids lourds obligatoire et bilan carbone très lourd. Ce n'est pas notre choix.

Un camion Mercedes Unimog aménagé, qui rappellera sans doute à certains leur service militaire, photographié par Thibaut en banlieue parisienne. Paré pour l'aventure et d'une robustesse éprouvée. Mais permis poids lourds obligatoire et bilan carbone très lourd. Ce n'est pas notre choix.

Abstract : For our future long distance roadtrip, we faced many hard choices : a car, a small camper van or a larger Recreational Vehicle ? Electric or rechargeable hybrid ? After years of research, we selected an electric van (Opel Vivaro-e manufactured by Stellantis) and converted it into a camper van. It was far from easy. We hope it will work !

Remarque liminaire : cet article complète le précédent : une longue genèse, un grand projet, beaucoup d'incertitudes. Il est assez long et un peu technique. C’est le sujet qui veut ça. Recommandé aux lecteurs intéressés par le débat sur les véhicules électriques et la possibilité d’aménager ces véhicules en véhicules de loisirs. Les autres pourront le sauter ou le survoler et attendre le prochain article sur le choix de notre itinéraire.

Au salon des véhicules de loisirs, octobre 2022. Une offre considérable, mais en véhicules de loisirs thermiques.Au salon des véhicules de loisirs, octobre 2022. Une offre considérable, mais en véhicules de loisirs thermiques.

Au salon des véhicules de loisirs, octobre 2022. Une offre considérable, mais en véhicules de loisirs thermiques.

Ce choix a demandé des années de réflexion et de discussion, ponctuées de visites annuelles, début octobre, au salon des véhicules de loisirs au Bourget. Il a d’abord fallu, et le sacrifice n’est pas mince pour un tel voyage, renoncer aux 4x4 et autres vrais véhicules tous terrains : les 4x4 électriques commencent à exister (Ford F 150, ou Bollinger) pour les vrais véhicules de franchissement, auxquels s’ajoutent de nombreux SUV [1] électriques, mais leur poids et leur prix restent rédhibitoires. Même en renonçant aux véhicules tous terrains, le choix reste très contraint.

 

[1] : SUV pour Sport Utility Vehicle ; ces voitures, qui envahissent nos routes et nos villes et font la fortune des constructeurs, sont dotés de quatre roues motrices, pèsent deux tonnes ou davantage et sont un peu surélevées, mais dépourvues de vraies capacités de franchissement. Elles sont tous chemins plutôt que tous terrains.

 

Deux pick-ups électriques made in USA, pas encore commercialisés en France : le Ford F-150 Lightning et le Bollinger B2  (photos des constructeurs). Autonomie importante, capables de tracter une grosse remorque, mais poids (2 835 kg pour le F 150) et consommation électrique en proportion.Deux pick-ups électriques made in USA, pas encore commercialisés en France : le Ford F-150 Lightning et le Bollinger B2  (photos des constructeurs). Autonomie importante, capables de tracter une grosse remorque, mais poids (2 835 kg pour le F 150) et consommation électrique en proportion.

Deux pick-ups électriques made in USA, pas encore commercialisés en France : le Ford F-150 Lightning et le Bollinger B2 (photos des constructeurs). Autonomie importante, capables de tracter une grosse remorque, mais poids (2 835 kg pour le F 150) et consommation électrique en proportion.

Pourtant, nous avons vu les mentalités changer (trop) lentement. Jusqu’en 2019, professionnels et particuliers nous affirmaient sur un ton péremptoire qu’un véhicule de loisirs électrique « n’existe pas et n’existera jamais », le poids des batteries étant l’argument le plus souvent invoqué, avant même la faiblesse de l’autonomie.

Ceci nous a parfois été asséné avec une véritable hargne car le débat sur le véhicule électrique n’est pas que technique : il est souvent politique et passionnel. Le Français qui achète un camping-car pour sa retraite avec les économies d’une vie est souvent peu sensible à l'empreinte carbone. La propulsion électrique lui semble un luxe des beaux quartiers et l’écologie une quasi-agression de « bobos » déconnectés (si l’on peut dire) du réel. Nous avons rencontré, plusieurs années après la COP 21, d’authentiques dévots du diesel.

Fourgonnette soviétique 4x4 UAZ 452 dans l'Altaï mongol, août 2018. Très robuste, performant sur terrains difficiles, facile à entretenir, mais confort très spartiate.Fourgonnette soviétique 4x4 UAZ 452 dans l'Altaï mongol, août 2018. Très robuste, performant sur terrains difficiles, facile à entretenir, mais confort très spartiate.

Fourgonnette soviétique 4x4 UAZ 452 dans l'Altaï mongol, août 2018. Très robuste, performant sur terrains difficiles, facile à entretenir, mais confort très spartiate.

A partir de 2021, pourtant, le discours s’est infléchi. Les constructeurs ou aménageurs n’offrant que des véhicules de loisir thermiques restent la très grande majorité mais ils  ne répondent plus « jamais » quand on leur pose la question de l’électrique ; ils répondent désormais « pas encore ». La décision de l’Union européenne, prise en 2022 et toujours contestée, de cesser la commercialisation des voitures thermiques en 2035 a été un choc et un point de bascule. L’électrification est bien en marche, même pour les véhicules de loisirs qui semblent s’y prêter le moins. Les premiers véhicules de loisirs électriques arrivaient sur le marché en 2022 et ce n’est certainement qu’un début. Bonne nouvelle, mais qui est loin d’épuiser le débat.

Van aménagé Ford Nugget Plus (thermique), vu au salon des véhicules de loisirs en septembre 2021. Spécificité du Nugget : le toit s'ouvre vers l'arrière et non vers l'avant comme sur la majorité des camper vans.Van aménagé Ford Nugget Plus (thermique), vu au salon des véhicules de loisirs en septembre 2021. Spécificité du Nugget : le toit s'ouvre vers l'arrière et non vers l'avant comme sur la majorité des camper vans.

Van aménagé Ford Nugget Plus (thermique), vu au salon des véhicules de loisirs en septembre 2021. Spécificité du Nugget : le toit s'ouvre vers l'arrière et non vers l'avant comme sur la majorité des camper vans.

Electrique ou hybride rechargeable ?

Nous avons écarté d’emblée le véhicule hybride classique, non rechargeable, qui n’est au fond qu’un véhicule  thermique adapté et un peu moins polluant, dont l’essence est l’unique carburant.

Nous avons en revanche envisagé très sérieusement l’achat d’un véhicule hybride rechargeable, au point d’avoir failli nous décider pour une camionnette  Ford Transit Custom PHEV [2], disponible comme véhicule de loisirs sous le nom de Nugget, l’aménagement étant réalisé pour Ford par l’aménageur allemand Westfalia.

 

[2] : PHEV pour Plug-in Hybrid Electric Vehicle, hybride rechargeable en français.

L’avantage était évident : l’autonomie électrique d’un hybride rechargeable est réduite à 50 km environ mais le moteur thermique recharge ensuite la batterie.  Il permet d’éviter la panne et la hantise de ne pas trouver de bornes de recharge.

C’est tentant, bien sûr. Surtout pour un utilisateur avant tout urbain qui recharge sa petite batterie chaque jour et n’utilise le moteur thermique que pour de grands trajets occasionnels. Car tout est là. Pour un grand voyage continu, l’hybride rechargeable n’a pas grand sens car l’impossibilité de recharger la batterie tous les 50 km conduit à utiliser l’essentiel du temps le moteur thermique et à consommer finalement davantage d’essence et à émettre davantage de CO² qu’un véhicule thermique. Car le véhicule hybride rechargeable est plus lourd avec sa batterie et ses deux moteurs. Ce n’est sans doute pas « un scandale » comme cela a été écrit. Mais le véhicule hybride rechargeable ne fait sens que pour une utilisation urbaine majoritaire, et encore à condition de recharger la batterie une, voire deux fois par jour.

Camion aménagé dans l'Altaï sibérien, en juillet 2018

Camion aménagé dans l'Altaï sibérien, en juillet 2018

Si cela peut dépassionner un peu le débat, disons qu’il n’y a pas de « mauvais » véhicules mais des véhicules adaptés ou pas à l’usage que l’on veut en faire. Malheureusement, et pour quelques temps encore, le moteur thermique reste le mieux adapté aux grands voyages. Pour un vrai voyage bas-carbone, le véhicule électrique s’impose malgré ses graves inconvénients. Le véhicule à hydrogène sera peut-être un jour une option mais nous en sommes loin.

Des véhicules de loisirs se rencontrent désormais assez souvent en Chine. Ici à Pékin, septembre à novembre 2023.Des véhicules de loisirs se rencontrent désormais assez souvent en Chine. Ici à Pékin, septembre à novembre 2023.
Des véhicules de loisirs se rencontrent désormais assez souvent en Chine. Ici à Pékin, septembre à novembre 2023.Des véhicules de loisirs se rencontrent désormais assez souvent en Chine. Ici à Pékin, septembre à novembre 2023.

Des véhicules de loisirs se rencontrent désormais assez souvent en Chine. Ici à Pékin, septembre à novembre 2023.

Voiture, caravane, camping car ou camper van ?

Une voiture électrique, berline ou SUV, aurait été un choix défendable. L’économie importante à l’achat par rapport à un véhicule de loisirs permettrait de financer des centaines de nuits d’hôtel dans des conditions de confort bien supérieures. L’économie de poids permettrait de gagner 100 ou 200 km d’autonomie pour une recharge, ce qui change beaucoup de choses.

Mais il faudrait alors chercher un hôtel chaque soir et s’interdire de dormir en pleine nature autrement que sous la tente. Nous avons encore le souvenir de recherches d’hôtel interminables, de nuit, sur les routes de l’Inde. Le coût élevé des hôtels en Amérique du nord et en Australie serait une contrainte forte pour des voyageurs non autonomes. Nous avons donc choisi de transporter notre maison avec nous.

Au salon des véhicules de loisirs, octobre 2022

Au salon des véhicules de loisirs, octobre 2022

Nous avons brièvement envisagé l’achat d’une petite caravane à faire tirer par une voiture électrique. La Mini Freestyle 290 de Trigano, avec ses 900 kg, nous a un peu tentés. Il en existe de plus légères encore. Mais tirer une caravane au long cours est loin d’aller de soi. L’autonomie de la voiture aurait fortement chuté. Et la traversée des mers aurait nécessité un conteneur de 40 pieds. Nous avons vite renoncé.

Un ferry "Roro" (conçu pour transporter voitures et camions) en Papouasie occidentale, août 2017 ; notre voiture est chargée dans un conteneur à Bombay, février 2014 ; clairement, un "vrai" camping car ne pourrait pas y entrer.Un ferry "Roro" (conçu pour transporter voitures et camions) en Papouasie occidentale, août 2017 ; notre voiture est chargée dans un conteneur à Bombay, février 2014 ; clairement, un "vrai" camping car ne pourrait pas y entrer.

Un ferry "Roro" (conçu pour transporter voitures et camions) en Papouasie occidentale, août 2017 ; notre voiture est chargée dans un conteneur à Bombay, février 2014 ; clairement, un "vrai" camping car ne pourrait pas y entrer.

Malgré le confort qu’il offre, un véritable camping-car long de 6 mètres ou plus et haut de 2,40 m au minimum aurait présenté un grave inconvénient pour les traversées maritimes : en raison de sa hauteur, un vrai camping-car n’entre pas dans un conteneur ordinaire et doit être chargé dans un conteneur spécial plus haut ou sur un navire « Roro » spécialement conçu pour le transport des véhicules. Or les liaisons maritimes de de type sont peu nombreuses dans le monde et inexistantes vers beaucoup de destinations, tant le transport par conteneurs s’est imposé. Il nous fallait donc trouver un véhicule d’une hauteur inférieure à 2,25 m, pouvant entrer dans un conteneur classique.

Le nouveau camion chinois aménagé de Sinotruk, sur chassis allemand MAN (photo du constructeur, 2023). 13 tonnes en charge, réservoir de 400 litres pour 1 800 km d'autonomie. C'est plutôt un véhicule utilitaire mais il pourrait être utilisé pour voyager au long cours. L'ID. Buzz de Volkswagen, version électrique toute récente du légendaire Combi de la grande époque.Le nouveau camion chinois aménagé de Sinotruk, sur chassis allemand MAN (photo du constructeur, 2023). 13 tonnes en charge, réservoir de 400 litres pour 1 800 km d'autonomie. C'est plutôt un véhicule utilitaire mais il pourrait être utilisé pour voyager au long cours. L'ID. Buzz de Volkswagen, version électrique toute récente du légendaire Combi de la grande époque.

Le nouveau camion chinois aménagé de Sinotruk, sur chassis allemand MAN (photo du constructeur, 2023). 13 tonnes en charge, réservoir de 400 litres pour 1 800 km d'autonomie. C'est plutôt un véhicule utilitaire mais il pourrait être utilisé pour voyager au long cours. L'ID. Buzz de Volkswagen, version électrique toute récente du légendaire Combi de la grande époque.

Le camper van ou fourgon aménagé s’est donc imposé malgré son exiguïté et l’inconfort qui en résultera pour un grand voyage. C’était le seul moyen de combiner la liberté du véhicule de loisirs et la flexibilité du transport par conteneur.

Camper van électrique E-Fixxter produit aux Pays Bas sur une base Peugeot e-ExpertCamper van électrique E-Fixxter produit aux Pays Bas sur une base Peugeot e-Expert

Camper van électrique E-Fixxter produit aux Pays Bas sur une base Peugeot e-Expert

Nous n’étions pas au bout de nos peines pour autant. Nous n’avons trouvé sur le marché, en 2022, qu’un seul camper van électrique, le E-Fixxter produit aux Pays Bas sur un fourgon Peugeot e-Expert . Véhicule ingénieux sans doute mais très cher et non commercialisé jusqu’à présent en France, ce qui aurait entrainé des contraintes non négligeables pour l’immatriculation et l’entretien. Il fallait attendre 2023 pour espérer l’arrivée d’un Ford Nugget sur base Transit Custom électrique.

Pour nous faire patienter pendant cette longue réflexion, nos petits-enfants nous avaient offert ce modèle réduit pour Noël 2022.

Pour nous faire patienter pendant cette longue réflexion, nos petits-enfants nous avaient offert ce modèle réduit pour Noël 2022.

Il fallait donc faire l’acquisition d’une  camionnette électrique à usage utilitaire et trouver ensuite un aménageur acceptant de la convertir en camper van, et ce pour la première fois tant le concept est nouveau.

La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.
La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.

La famille des utilitaires électriques de Stellantis : e-Expert (Peugeot), e-Jumpy (Citroën), Vivaro-e (Opel), e-Scudo (Fiat). C'est le même véhicule, seule la calandre diffère. Et leur proche cousin, Toyota Proace électrique.

Notre choix s’est porté sur l’utilitaire électrique de Stellantis, aujourd’hui présent en force sur le marché français. Nous avons opté pour la variante Opel Vivaro-e, beaucoup moins courante en France que le Peugeot e-Expert ou le Citroën e-Jumpy bien qu’il s’agisse en fait du même véhicule. Nous avons passé commande au début d’octobre 2022, avec un délai annoncé de huit ou neuf mois … qui s’est finalement réduit à notre grande surprise à moins de trois mois. Le fait est inhabituel car les pénuries de composants constatées depuis 2020 entrainent le plus souvent des retards. Cette livraison précoce, début janvier 2023, n’était pas une bonne nouvelle car nous n’avions aucun lieu pour stocker notre camionnette et celle-ci aura déjà plus d’un an d’âge quand nous prendrons la route.

Trouver un aménageur pour convertir notre camionnette nue en une petite maison sur roues n’a pas été simple non plus. Une solution rapide et un peu moins chère aurait constitué à faire installer un aménagement en kit préfabriqué. Le montage est rapide et le mobilier peut être retiré aisément si l’on désire revenir à un usage utilitaire. Mais une camionnette aménagée en kit ne peut transporter que le conducteur et deux passagers à côté de lui, la partie aménagée située à l’arrière n’étant pas homologuée pour rouler avec des passagers.

Nous y avons donc opté pour un « vrai » aménagement en camper van. Ce fut difficile car la demande est forte, les délais peuvent être longs et les aménageurs n’ont encore aucune expérience des véhicules électriques avec leurs grosses batteries. Un aménageur réputé, dont le concept nous séduisait, nous a finalement demandé plus de deux ans de délai, ce qui nous a découragés.

Nous avons fini par opter par un aménagement par Sunroad Equipment, filiale du groupe Narbonne Accessoires, un des principaux acteurs du marché français. L’accueil a été chaleureux, avec une vraie volonté de se lancer dans cette aventure puisque notre camper van électrique a été leur premier. Nous avons innové ensemble.

Poids plume et propulsion à pédales : le véhicule zéro carbone idéal, vu à Yogyakarta (Indonésie) en février 2016Poids plume et propulsion à pédales : le véhicule zéro carbone idéal, vu à Yogyakarta (Indonésie) en février 2016

Poids plume et propulsion à pédales : le véhicule zéro carbone idéal, vu à Yogyakarta (Indonésie) en février 2016

Restait une question importante : trouver un nom pour notre nouvelle camionnette. Un véhicule objet d’autant d’attentes, d’autant de soins et source probable d’autant d’ennuis futurs méritait un nom bien à lui. Ce choix ne fut pas si simple. Nous avons écarté anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle, un peu long et déjà pris par le savant Cosinus [3], et Bucéphale, déjà pris par nos amis les jeunes explorateurs au début des années 1990 [4]. Nous avons finalement, non sans débats, opté pour e-sCargo! :

  • e- comme pour (presque) tous les véhicules électriques : e-Ducato ou e-Scudo (Fiat), e-Sprinter (Mercedes), e-Jumpy (Citroën), e-Expert (Peugeot),  Vivaro-e (Opel), etc. ;
  • Cargo, car c’est au départ une camionnette conçue pour transporter des  marchandises ;
  • et un peu d’auto-dérision en pensant à la lenteur probable de notre voyage ;
  • tout en nous différenciant de S-Cargo, nom d’un petit utilitaire électrique de Nissan, produit seulement de 1989 à 1991 pour le marché japonais.

Longue vie, e-sCargo! !

 

[3] : Véhicule imaginé par le savant Cosinus pour faire le tour du monde, «utilisant toutes les forces propulsives connues et même inconnues » ; pas plus que son inventeur, l’engin ne franchit les portes de Paris ; Christophe, L’idée fixe du savant Cosinus, VIIIe chant, page Ce que Cosinus avait « Euréké », Armand Colin, Paris 1900.

[4] : Les " jeunes explorateurs ", les frères Olivier et Hervé Archambeau et Denis Gittard, trois étudiants en géographie, économie et informatique ont, à partir de 1990, parcouru vingt-sept pays et 160 000 kilomètres. Un tour du monde pour jeter un regard neuf sur la manière dont l'être humain a façonné son environnement. Dans leur véhicule, un fourgon Renault B 90 4x4 baptisé Bucéphale,  les jeunes explorateurs ont casé un ULM (ultra léger motorisé) pour réaliser des photos aériennes. Voir le Monde, 22 mars 1990 et le livre d’Olivier et Hervé : 600 jours de route, une aventure géographique, Expéditions Géographiques Françaises, Paris, 2002. Nous avons accueilli les « J.E. » lorsqu’ils sont passés à Singapour où nous résidions à l’époque (mentionné dans 600 jours de route p 115). Olivier, devenu professeur à l’Université Paris 8, préside aujourd’hui la Société des explorateurs français.

D’une banale camionnette au campervan électrique

Après des mois de réflexion et de longues réunions téléphoniques avec notre aménageur – qu’il soit remercié de sa patience – nous avons opté pour l’aménagement suivant :

 

  • Une banquette trois places à l’avant, pour le conducteur et deux passagers ; il aurait mieux valu installer deux sièges pivotants, comme cela se pratique presque toujours sur les vans aménagés, pour former avec la banquette de deuxième rang un petit salon. Mais nous avions choisi la banquette de devant avant de trouver notre aménageur et Opel a refusé toute modification de notre commande. C’est dommage mais cela permettra de transporter un passager de plus.
Le kit Orlando avec rangements, coin cuisine, réfrigérateur DometicLe kit Orlando avec rangements, coin cuisine, réfrigérateur Dometic

Le kit Orlando avec rangements, coin cuisine, réfrigérateur Dometic

  • Une banquette trois places en deuxième rang, qui peut se mettre à plat pour devenir un lit ;
  • Une table amovible pour prendre nos repas ;
  • Un kit de mobilier Orlando, implanté du côté gauche avec un petit coin cuisine, un réfrigérateur et des rangements ;
  • Un toit relevable SCA 264 dans lequel est implanté un lit que nous utiliserons sans doute plus souvent que la banquette dépliable ;
  • Pas de douche dans le véhicule, malheureusement, car la place et la hauteur font défaut, mais une petite douchette extérieure à l’arrière ;
  • Une batterie secondaire EZA Lithium-ion (12 volts, 100 Ah, 15 kg) pour les besoins domestiques, car la batterie de propulsion (75 kWh, 534 kg) ne peut être utilisée que pour cet usage ; pour des raisons de sécurité, ces deux batteries ne pourront être connectées entre elles ;
  • Deux panneaux solaires de 140 watts chacun fixés à demeure sur le toit pour charger la batterie secondaire ;
  • Un réservoir d’eau de 20 litres et un petit chauffe-eau électrique de 6 litres connecté à la batterie secondaire ;
Une batterie Delta Pro et un panneau solaire pliable pour alimenter un camping car (photo Ecoflow)

Une batterie Delta Pro et un panneau solaire pliable pour alimenter un camping car (photo Ecoflow)

  • Une centrale électrique Ecoflow Delta Pro de 3,6 kWh, grosse batterie qui doit permettre de recharger soit la batterie de propulsion, soit la batterie secondaire, pouvant elle-même être chargée sur des stations de recharge, sur des prises électriques ordinaires ou à l’aide de trois panneaux solaires pliables de 400 W chacun ; il en résultera, si nous emportons le tout avec nous, un petit complément d’autonomie au prix d’une charge de 105 kg et d’un encombrement notable en plus.

e-sCargo! est donc 100 % électrique. Nous n’y installons aucun appareil (chauffage, plaque chauffante, chauffe-eau) fonctionnant à l’essence ou au gaz, alors que ces appareils sont habituels dans les véhicules de loisirs. C’est un choix écologique, cohérent avec la propulsion électrique. C’est aussi un choix de sécurité, du moins nous l’espérons. L’inconvénient est bien sûr que la batterie secondaire sera très sollicitée et devra très souvent être chargée sur le secteur, car il est peu probable que les panneaux solaires de toit soient suffisants pour assurer nos besoins de vie quotidienne. Un défi de plus.

e-sCargo! à Béziers puis Narbonne, 19 mai 1923 ; tant qu'il n'est pas aménagé par des spécialistes, ce n'est encore qu'un utilitaire électrique.e-sCargo! à Béziers puis Narbonne, 19 mai 1923 ; tant qu'il n'est pas aménagé par des spécialistes, ce n'est encore qu'un utilitaire électrique.e-sCargo! à Béziers puis Narbonne, 19 mai 1923 ; tant qu'il n'est pas aménagé par des spécialistes, ce n'est encore qu'un utilitaire électrique.

e-sCargo! à Béziers puis Narbonne, 19 mai 1923 ; tant qu'il n'est pas aménagé par des spécialistes, ce n'est encore qu'un utilitaire électrique.

Le 19 mai 2023 au matin, dans une zone industrielle proche de Béziers, c’est un e-sCargo! tout neuf, tout blanc et tout propre qui apparait dans un vaste hangar, au milieu de dizaines d’autres véhicules neufs. Une prise en main en quelques minutes et c’est parti dans les rues de Béziers, puis sur l’ex-nationale 9 vers Narbonne. La conduite est très facile et agréable, avec très peu de bruit et l’impression de conduire une voiture dotée d’une boite automatique. Pour ce premier trajet de 38 km, pas d’autoroute ni de pointe de vitesse. Tout se passe pour le mieux, le nouveau véhicule conquiert tout de suite son propriétaire. Deux petites surprises en levant le capot : celui-ci est en partie vide, un moteur électrique étant bien plus compact qu’un moteur thermique ; et découverte, en complément de la batterie de propulsion dissimulée dans le plancher,  d’une petite batterie de 60 Ah dont on ne soupçonnait pas l’existence et dont le rôle et le mode d’alimentation sont inconnus. A Narbonne, e-sCargo! est confié - avec, il faut l’avouer, une pointe de regret de s’en séparer si vite - à son aménageur qui doit le transformer de fond en comble. Cela aurait dû prendre entre un et deux mois.

e-sCargo! en juillet, pendant les travaux d'aménagement. Le toit ouvrant est maintenant installé, de même que les rangements intérieurs à gauche et la banquette arrière ici dépliée en lit. Une prise d'eau, visible sur le côté gauche, permet de remplir le réservoir.
e-sCargo! en juillet, pendant les travaux d'aménagement. Le toit ouvrant est maintenant installé, de même que les rangements intérieurs à gauche et la banquette arrière ici dépliée en lit. Une prise d'eau, visible sur le côté gauche, permet de remplir le réservoir.e-sCargo! en juillet, pendant les travaux d'aménagement. Le toit ouvrant est maintenant installé, de même que les rangements intérieurs à gauche et la banquette arrière ici dépliée en lit. Une prise d'eau, visible sur le côté gauche, permet de remplir le réservoir.

e-sCargo! en juillet, pendant les travaux d'aménagement. Le toit ouvrant est maintenant installé, de même que les rangements intérieurs à gauche et la banquette arrière ici dépliée en lit. Une prise d'eau, visible sur le côté gauche, permet de remplir le réservoir.

En fait, cela a pris davantage. Si l’essentiel des travaux a respecté le rythme prévu, quelques aménagements ont demandé plus de temps : la pose d’une vitre sur la porte arrière gauche, un peu difficile à trouver, et d’une caméra de recul.

La vraie difficulté a résidé dans l’homologation. Une camionnette transformée en véhicule de loisirs subit des changements importants. Ceux-ci doivent être approuvés par l’administration compétente sur la base d’un dossier qui peut être complété par une inspection. Parmi les pièces du dossier figure le certificat de conformité, par lequel le constructeur certifie que le véhicule est conforme aux normes européennes. Cela parait tout simple mais nous avons su trop tard que ce document était indispensable et la procédure d’obtention, malgré des relances quasi-quotidiennes, a nécessité cinq longues semaines. Heureusement, notre concessionnaire Opel a fini par se mobiliser vraiment et le précieux document a été obtenu le 3 août.

Autour du monde en 888 jours : le choix et la préparation du véhiculeAutour du monde en 888 jours : le choix et la préparation du véhicule

Le 21 août, e-sCargo! est enfin homologué. Son propriétaire en prend aussitôt livraison et y passe une première nuit sur un parking de Narbonne, sans charme et en pleine canicule. C’est un peu rude en l’absence de climatisation mais il faudra s’y faire. Une déconvenue le lendemain : impossible de poser la caméra de recul, l’installateur ne s’estime pas en mesure d’opérer sur un véhicule électrique qu’il ne connait pas. Il faudra renoncer ou revenir plus tard. Malgré 40° C et une climatisation à l’arrêt pour économiser l’électricité, le voyage de Narbonne vers les Alpes de Haute Provence, 290 km, se passe bien, avec une première  recharge de batterie à Nîmes – merci au garage Ford qui nous accueille. A son arrivée, e-sCargo! fait la joie de nos petits-enfants et entre (de justesse) dans notre garage où il devra, comme nous, patienter plusieurs mois.

Notre Vitara en forêt au Karnataka (Inde), décembre 2013

Notre Vitara en forêt au Karnataka (Inde), décembre 2013

Notre vieux Vitara

Ayant décidé de rouler jusqu’au Sénégal dans notre antique 4x4 Suzuki Grand Vitara de 1999, cf. article précédent et article suivant, il a fallu remettre celui-ci en état : révision soigneuse dans un garage ami de Cavaillon (Vaucluse) en avril et remplacement en juillet de la courroie de transmission qui n’avait pas été fait depuis notre départ pour l’Inde il y a dix ans. Comme à l’époque, nous nous procurons un carnet de passages en douane qui doit nous permettre, Inch’Allah, de rouler en Mauritanie et au Sénégal [5].

 

[5] : délivré par l’Automobile Club Association (désormais Mobilité Club France), le carnet de passages est un document douanier qui permet d’importer temporairement un véhicule pour visiter certains pays sans acquitter de droits de douane. Un engagement du propriétaire et le dépôt d’une caution au moins égale à la valeur argus du véhicule sont censés garantir que celui-ci ne sera pas vendu sur place.

Après des années de réflexion et des mois de préparatifs, nous voici parés, autant que possible.

 

Prochain article dans quelques jours : notre itinéraire

#adm888

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S
Venons de lire en couple par le menu, outre les 4 récits du blog sur Pékin Automne 2023, les tribulations ayant conduit au choix de l'Opel Vivaro-e, désormais presque membre de la famille sous son nom de e-sCargot ! Sommes émerveillés par la ténacité de la démarche et sa détermination. Merci pour la pédagogie de l'histoire : pas possible de décrocher avant l'épilogue. L'article évoque de possibles "soucis futurs" : on vous les souhaites minimaux et l'aventure magnifique. Félicitations ! On va se tenir attentifs à vos récits à-venir. Delphine S. à Mulhouse
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