Dans l’Adrar en Mauritanie

Le "belvédère de Fort Saganne" près de Chinguetti

Abstract : We left our car in Nouakchott, Mauritania, for four days and ventured northeast 600 km (375 miles) inland with a guide and a rental 4WD car. The Adrar region around the city of Atar offers an impressive variety of landscapes, from endless sand dunes to Grand Canyon like mountains. A lot of rocks and sand for sure, but also trees and bushes, enough for camels, cows and goats to feed. Several refreshing oases. Two historic cities, Chinguetti and Ouaddane, with a very long tradition of islamic studies.

Après une incursion dans le parc national du banc d’Arguin, sur le rivage de l’Atlantique (récit et photos dans notre journal, 9 et 10 janvier), nous avons laissé notre petite voiture se reposer à Nouakchott. Pour quatre jours dans l’intérieur de la Mauritanie, du 11 au 14 janvier, nous avons confié notre sort à M. Bih, un guide natif de Chinguetti, à son conducteur, un pro de la conduite dans le désert, et à un robuste pick-up 4x4. C’était un très bon choix dont nous n’avons eu qu’à nous louer.

A 500 kilomètres au nord-est de la capitale, l’Adrar, comme presque toute la Mauritanie, est une contrée de désert. Mais c’est un désert d’une variété presque infinie : tantôt plat, tantôt de petites montagnes  qui peuvent en imposer malgré leur hauteur modeste : le film Fort Saganne a été tourné en 1984 dans un décor gris style Grand Canyon près de Chinguetti. Tantôt du sable jaune ou ocre et de belles dunes modelées par le vent qui évoquent le Sahara des aventures de Tintin. Tantôt des solitudes de pierre grise, plus rarement des roches noires basaltiques. Décor pas si austère qu’on pourrait le penser car la végétation y est plus fournie qu’au Sahara occidental que nous avions traversé quelques jours plus tôt. Tamaris, acacias et arbustes divers mettent des touches de vert dans le désert. Ils assurent la subsistance des troupeaux de dromadaires (on dit ici « des chameaux »), qui vaquent en liberté, des chèvres et même de deux vaches improbables rencontrées dans les dunes au sud-ouest de Ouaddane.

En quelques lieux rares et privilégiés, l’eau surgit en plein désert. C’est le cas dans l‘oasis de Terjit avec sa source chaude et ses bassins. Puis au sud de Mirheft où nous avons descendu le lit d’un oued pour gagner les « piscines de Jacques Chirac » (dixit M. Bih, en souvenir d’anciennes visites présidentielles).

Même sans eau apparente, plusieurs palmeraies abritent des villages sédentarisés qui vivent d’élevage, d’un peu d’agriculture (excellentes carottes de sable, divers légumes et céréales) et surtout du tourisme : la situation sécuritaire s’étant améliorée, l’Adrar accueille à nouveau des touristes qui arrivent directement à Atar par le vol charter du samedi. Nous avons eu la chance, à 24 heures près, d’avoir l’Adrar presque pour nous et d’échapper aux groupes de touristes majoritairement français et au rallye « Monaco Dakar », héritier du Paris Dakar plus connu, avec ses deux-cents véhicules (« ils cassent la piste » se plaint notre guide).

Cette terre désertique est en fait chargée d’histoire. A Agrour, près de Chinguetti, deux petites grottes abritent des peintures rupestres dont certaines – une girafe, deux éléphants, des boeufs - suggèrent que le climat était jadis moins désertique qu’aujourd’hui.

La mosquée et la vieille ville de Chinguetti

Fondée en 777, Chinguetti revendique le statut de septième ville sainte de l’islam même s’il ne manque pas des villes concurrentes pour ce titre.  Sa mosquée actuelle date de 1378. Des caravanes s’y formaient régulièrement pour le long pèlerinage vers la Mecque (six mois de chameau dans chaque sens). Nous avons visité l’une des trois bibliothèques familiales transmises de génération en génération qui contiennent des manuscrits séculaires. Nous sommes restés un peu sur notre faim car lesdits manuscrits sont actuellement en cours d’inventaire à la mosquée voisine. Mais il est clair que Chinguetti reste une ville intellectuelle héritière de traditions millénaires. « Mauritanie » est d’ailleurs une appellation assez récente d’origine française. On parlait naguère du « pays de Shinguett ».

La vieille ville de Ouaddane avec la rue des quarante savants et l'ancienne mosquée

La vieille ville fortifiée de Ouaddane, fondée en 1141, est peut-être la plus remarquable, très bien restaurée il y a une vingtaine d’années. Elle est fière de sa tradition intellectuelle avec sa rue « des quarante savants », les maisons des trois fondateurs, un puits fortifié et surtout l’ancienne mosquée, très belle avec ses voûtes ogivales.

Anciens casernements français à Amalit, Chinguetti et Ouaddane

Après ces siècles d’histoire, la France est passée brièvement : des années 1880 à 1959. Nous avons visité un petit « musée de la résistance à la coloniale » à Amalit, avec quelques vieux fusils et nombre de photos, sur les lieux d’un affrontement en décembre 1908. Puis le casernement de l’armée française à Chinguetti avec des lits Picot garantis d’époque. Ce petit fort est hélas en mauvais état avec des toits qui s’effondrent, il faut souhaiter qu’il soit restauré. Le casernement de Ouaddane, au contraire, a été restauré à neuf et est utilisé par la Gendarmerie ¹. Nous avons marché sur les pas d’Odette du Puigaudeau (1894 – 1991) et de Théodore Monod (1902 – 2000) qui ont sillonné ces régions et dont le souvenir reste très présent.

1: sur ce que pouvait être la vie d’un jeune administrateur français (un « commandant de cercle ») dans les régions reculées de Mauritanie dans les années 1950, voyez notre lettre du 5 juillet 1983 : un serviteur de l’État.

Dans les oasis les plus touristiques, les dames commerçantes peuvent être un peu trop insistantes pour fourguer leurs colifichets. Ailleurs, dans les villages les plus pauvres du désert, l’accueil est toujours chaleureux bien que l’on devine un quotidien difficile.

A bout de souffle mais increvables : vieilles Mercédès diesel à Chinguetti et Atar ; on les trouve partout y compris sur les pistes malgré la concurrence des pick-ups 4x4 Toyota

Nous garderons un souvenir ému de la soirée musicale que plusieurs dames et jeunes filles de Chinguetti, cousines de M. Bih, ont donnée en notre honneur. Instant privilégié pour rencontrer des femmes dans un pays où l’on côtoie surtout les hommes. Mais tout se paie : après avoir écouté et regardé, il a fallu participer et danser la « danse du dromadaire ». C’est le seul sujet sur lequel nous préférons ne pas vous montrer nos photos, pour le cas où le ridicule tuerait.

La photo 2 montre notre guide, notre conducteur et la voiture. Les coordonnées de M. Bih figurent dans le guide Petit futé Mauritanie, 2023, p 177

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