Au nord de la Grande terre

Publié le par Ding

Les falaises de Lindéralique, à l'est de Hienghène

Les falaises de Lindéralique, à l'est de Hienghène

Loin à tous les sens du terme : c’est ainsi que l’on pourrait résumer en une phrase la province nord de la Nouvelle Calédonie. Loin en kilomètres, puisque Kone, la petite capitale provinciale, est à 274  km de route  de Nouméa ; Koumac, la ville la plus au nord, est 100 km plus loin. Mais surtout loin dans les têtes : Nouméa la grande ville sophistiquée, où résident (avec les communes limitrophes) les deux tiers des Calédoniens est dans un autre monde que la Nouvelle Calédonie profonde que représente la province nord. Mais les généralités s’arrêtent là, car la province nord est elle-même très diverse, davantage peut-être que la province sud et la province des îles (Loyauté) où les contrastes ne manquent portant pas. Quelques aperçus de quatre jours de voyage.

La route à horaires et le col de Pethécara (photo 2)La route à horaires et le col de Pethécara (photo 2)
La route à horaires et le col de Pethécara (photo 2)

La route à horaires et le col de Pethécara (photo 2)

Je suis entré en province nord par le chemin des écoliers : le col de Pethécara, point culminant de la « route à horaires », une piste dans les collines qui relie Thio à Canala, sur la côte est, où une circulation alternée a été instituée car les croisements sont difficiles (peu de gens du pays respectent ces horaires, au demeurant). C’est une région sauvage, vide de population, qui relie deux zones minières, celles de Thio, en province sud, et celle de Canala et Kouaoua, en province nord.

mines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambomines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambo
mines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambomines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambo
mines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambomines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambomines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambo

mines proches de Kouaoua; l'usine de Koniambo

Chacun sait que la Nouvelle-Calédonie vit du nickel, mais le spectacle de ces collines chauves à perte de vue, mises à nu et scarifiées pour en extraire le minerai (la garniérite) impressionne. C’est une terre sacrifiée, qui porte longtemps la marque des mines même lorsque celles-ci deviennent « orphelines » selon l’expression locale, c’est-à-dire ne sont plus exploitées. Le nickel est acheminé des mines vers la côte par camions ou par des « serpentines », tapis roulants qui peuvent dépasser 10 km de long. La province nord possède son usine de nickel à Koniambo, près de Kone. C’est un des projets emblématiques de la politique de rééquilibrage conduite depuis trente ans. Mais la planète ne trouve pas son compte avec les deux grands fours à charbon qui font tourner l’usine.

Au nord de la Grande terreAu nord de la Grande terre
Au nord de la Grande terreAu nord de la Grande terre

J’ai longé la côte est sur 300 km, jusqu’au col d’Amos qui en marque à peu près l’extrémité nord. Après la « route à horaires » qui est une piste, toute la route vers le nord est asphaltée mais elle est par endroits étroite et lente, avec de très nombreux ponts et ponceaux à voie unique car il faut couper de larges rivières. La prudence impose aussi de ralentir en traversant les tribus. Il subsiste un bac en activité, sur la rivière Ouaième (photo ci-dessus), qui est très connu ici et ouvert nuit et jour.

les falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghèneles falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghène
les falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghène
les falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghèneles falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghène

les falaises de Lindéralique; la"poule couveuse"; la baie de Hienghène

Le plus beau site est sans conteste la baie de Hienghène avec ses remarquables formations rocheuses : la « poule couveuse », le « sphynx » et, non loin de là, les falaises noires de Lindéralique plongeant dans une lagune. Mais les très beaux paysages sont partout sur cette côte sauvage, qui est un paradis pour les randonneurs. Il faut toutefois souvent se faire accompagner et « faire la coutume » (petite cérémonie d’accueil des étrangers) pour se rendre dans les tribus. Et le mont Panié, point culminant de l’île (1628 m) est tabu, interdit d’accès.

Mahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte estMahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte est
Mahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte estMahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte est
Mahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte estMahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte est

Mahamat, site de la première messe en Nouvelle Calédonie (1843); église de Balade, la plus ancienne; monument des 60 ans de la colonisation à Balade (1913); monument indépendantiste à Pouébo (2011); sur les routes de la côte est

Les sites historiques ne manquent pas, surtout près de Pouebo, car c’est là, bien loin de Nouméa, que les Européens sont arrivés : Cook en 1774, Mgr Douarre, le premier évêque calédonien, en 1843 et l’Amiral Février-Despointes qui prit possession de l’île au nom de la France en 1853. Dire que cette histoire n’a pas toujours été pacifique et n’a pas laissé que de bons souvenirs relèverait de la litote : les deux monuments de Pouebo, l’un qui commémore la colonisation, l’autre qui la condamne sans appel, le confirmeraient s’il en était besoin (voir journal, 27 juin). Sur la côte est, comme aux îles Loyauté, les Kanak sont très fortement majoritaires. Les drapeaux kanak sont partout, le drapeau français ne flotte que sur les mairies (avec le drapeau kanak depuis 2010) et les gendarmeries. Les inscriptions « Kanaky vaincra » ou similaires sont nombreuses. Hienghène a voté « oui » à 95 % au referendum du 4 novembre 2018. Comme à Ouvéa, le visiteur venant de France est accueilli avec une grande gentillesse mais la France est loin et le poids de l’histoire est lourd.

Collines près de KoumacCollines près de Koumac

Collines près de Koumac

L’extrême nord de l’île et la côte ouest sont très différents et le contraste est immédiat juste après le col d’Amos. Une nature moins luxuriante, des forêts de pins et d’eucalyptus dispersées et de vastes zones d’élevage campent un décor très nouveau pour le voyageur venant de la côte est. On se sent moins au bout du monde et le peuplement est plus mélangé. Les drapeaux kanak sont ici invisibles et la commune de Koumac, petite ville pionnière, a voté « non » au referendum à 64 %.

Le retour vers le sud est beaucoup plus rapide que l’aller, sur la RT1 (route territoriale 1) où la vitesse est limitée à 110 km/h, ce qui est beaucoup trop. Les paysages, moins spectaculaires peut-être, restent remarquables avec les grandes zones d’élevage et les montagnes qui dominent la côte.

Entre Kaala Gomen et Kone, sur la côte ouestEntre Kaala Gomen et Kone, sur la côte ouest

Entre Kaala Gomen et Kone, sur la côte ouest

C’est un très beau voyage, mais qui interroge : que se passera-t-il après le nickel, ressource non durable ? la Nouvelle-Calédonie, pays du nickel dévoreur d’énergie et des gros 4x4,  réussira-t-elle à décarbonner son économie ? On peut l’espérer au vu des fermes solaires qui se multiplient, mais il reste du chemin à faire. Surtout, ces communautés qui semblent vivre sur des planètes différentes donneront – elles un jour une réalité au vivre ensemble tant évoqué depuis trente ans ? On ne peut que le souhaiter.

Voir aussi le journal quotidien du voyage.

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