Lettre de Waingapu

Publié le par Ding

Lettre de Waingapu

L’est de l’Indonésie, c’est d’abord une autre lumière, plus claire et plus pure qu’à Java ou Bali. Zone de transition entre l’Asie et l’Océanie, les petites îles de la Sonde sont plus sèches. Elles reçoivent les vents, tour à tout froids et brûlants, du désert australien. D’où cette lumière digne des îles grecques qui accueille l’arrivant sur le petit aéroport de Waingapu, la « grande » ville de Sumba.

Près de WaingapuPrès de Waingapu
Près de Waingapu

Près de Waingapu

Longue de 300 kilomètres et large de 80, l’île offre un contraste marqué entre une moitié orientale plutôt aride, où la disparition du bois de santal a laissé la place à d’immenses pâturages, et un ouest beaucoup plus arrosé et luxuriant, d’apparence plus équatoriale. Dépourvue de volcans (comme Timor, contrairement à Sumbawa et Florès), elle n’en est pas moins accidentée : des collines seulement, mais si raides que la route prend des allures de montagnes russes avec des pentes à 30 % sur les routes secondaires, d’où une progression difficile. Ces reliefs aidant, les points de vue sont spectaculaires. Les plages de la côte sud sont remarquables, parfaites pour le surf. Et l’on y est seul, ce qui s’appelle seul.

Lettre de WaingapuLettre de Waingapu
Lettre de WaingapuLettre de Waingapu

Divisée en groupes ethniques qui ne peuvent se comprendre sans passer par la langue nationale, Sumba héberge une population à peau très sombre, mélange visible du monde malais et des races mélanésiennes. Le second type l’emporte nettement chez certains, les barbes poivre et sel n’étant pas rares chez des hommes encore jeunes. Ici comme à Timor, l’Asie s’estompe et l’Océanie s’annonce.

Convertis de gré ou (souvent) de force au protestantisme, parfois au catholicisme ou à l’islam, les Sumbanais restent marqués par la religion marapu, animisme fondé sur le culte des ancêtres. Sacrifices massifs d’animaux lors des funérailles, comme chez les Toraja des Célèbes, tabous, détention d’objets magiques dont la vue est parfois interdite aux non-initiés, pratique annuelle du pasola, ces joutes équestres où le sang coule, sont autant de moyens d’apaiser les esprits.

Rende, UmabaraRende, Umabara

Rende, Umabara

Au cœur du village trônent les pierres tombales, dolmens massifs apportés par voie d’eau, souvent sculptés. Autour s’ordonnent des maisons en bois, à toits en feuilles de palmier. Celles des gens du commun sont dites « maisons chauves » : ce sont de simples bungalows sur pilotis. Celles des nobles frappent au contraire par une forme particulière en en forme de tour, qui est devenue le symbole de l’île. Au rez-de-chaussée, les animaux ; au premier, la famille, autour du foyer, avec une géographie précise qui sépare les sexes et assigne à certains piliers de bois un rôle cultuel ou sacrificiel. Dans la tour les esprits ou, plus prosaïquement (m’a expliqué un vieux), les réserves de riz et de maïs ainsi mises à l’abri. Au mur sont accrochées par dizaines les cornes des buffles et les mâchoires des porcs sacrifiés, toujours pour apaiser les esprits.

Rende

Rende

A Rende, dans l’est de l’île, je suis arrivé six jours après la mort d’une « reine » locale. L’île entière défilait, parée de ses atours traditionnels.  L’édification d’une tombe digne de la disparue commençait, en vue d’une cérémonie grandiose de funérailles en octobre prochain.

Sumba fournissait jadis en esclaves les potentats de la région : les sultans de Bima, les rois de Florès et parfois les Hollandais. Faute d’esclaves et de santal, elle exporte aujourd’hui buffles et chevaux vers Java. Cela ne suffit pas pour financer tout ce dont elle a besoin : les produits manufacturés sont chers et les pénuries ne sont pas rares. Le tourisme n’apporte qu’un appoint marginal car les voyageurs préfèrent en général Komodo, avec ses varans, et Florès. Ils ne savent pas ce qu’ils perdent.

Départ de Waingapu

Départ de Waingapu

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