Lettre de Nemberala

Publié le par Ding

Le bac Ile Mandiri qui relie Waingapu, Seba et Kupang. Arrivée à Seba (Savu).
Le bac Ile Mandiri qui relie Waingapu, Seba et Kupang. Arrivée à Seba (Savu).Le bac Ile Mandiri qui relie Waingapu, Seba et Kupang. Arrivée à Seba (Savu).

Le bac Ile Mandiri qui relie Waingapu, Seba et Kupang. Arrivée à Seba (Savu).

Avez-vous jamais voyagé dans un poulailler ? En prenant pied sur le bac mangé par la rouille qui relie Sumba à Timor en 34 heures, c’est d’abord le vacarme des volailles qui assaille le voyageur. Les porcs, beaucoup plus calmes, ne protestent que lorsqu’on les descend dans la chaloupe d’accostage. Les passagers sont plutôt silencieux eu égard à leur nombre. Beaucoup dorment pendant ce long voyage, malgré les variétés timoraises diffusées à grand volume par une généreuse sonorisation. J’occupe le temps par une longue discussion avec le capitaine sur la rigueur des temps et la situation en Irak. La mer de Savu est vide : pas un navire hormis le nôtre, pas un avion dans les airs.

Savu : campagne proche de SebaSavu : campagne proche de Seba

Savu : campagne proche de Seba

A Savu je n’ai fait qu’une brève escale, faute d’autre bateau si j’avais laissé partir celui-ci. Seba, le chef-lieu, est une bourgade pleine d’animation en ce jour de passage du bateau. Dès que l’on en sort on rencontre la principale richesse de l’île : le palmier borasse [1] aux 801 possibilités d’utilisation : vin de palme, sucre de palme, bois de construction pour maisons et bateaux, nattes, pinceaux, balais, supports d’écriture pour n’en citer que quelques unes. Les rizières inondées n’existent que sur l’étroite plaine littorale : bien que petite (460 km²), Savu est accidentée. Les collines, sèches et caillouteuses, ne se prêtent qu’à de modestes cultures et du petit élevage. Les biens de consommation, importés, sont chers : l’essence coûte deux fois plus qu’à Sumba. Aussi la pauvreté reste-t-elle fréquente dans les villages, où l’émigration reste un exutoire nécessaire. L’animisme reste répandu, comme à Sumba.

 

[1] : borassus flabellifer, en indonésien lontar, dit aussi palmier de Palmyre ou arbre à vin. Palmier en éventail pouvant atteindre 30 mètres de haut, répandu de l’Afrique à la Nouvelle-Guinée. Il joue un rôle économique important dans les îles orientales de l’Indonésie.

Départ de Seba

Départ de Seba

Presque tout ce qui précède vaut aussi pour Rote, où je suis arrivé le lendemain après un détour obligé par Timor. L’île est pourtant beaucoup plus vaste (100 km de long, 1 214 km²) et moins isolée puisque quatre heures de bateau seulement la séparent de Kupang, la capitale régionale. Si ce qui m’a été dit est exact (je m’interroge), l’animisme a disparu et Rote est presque entièrement protestante. De fait les temples sont innombrables et il s’en construit de nouveaux un peu partout. A Baa, le chef-lieu, l’affluence est telle pour l’office du vendredi saint qu’il faut ajouter des chaises à l’extérieur. Toute petite ville avec ses inévitables commerçants chinois, Baa vient néanmoins d’être promue dans la hiérarchie administrative : c’est désormais un bupati (régent) qui veille sur le sort de Rote et de Ndao, sa petite voisine de l’ouest.

Près de Baa (Rote)Près de Baa (Rote)

Près de Baa (Rote)

Les richesses sont les mêmes qu’à Savu : le palmier borasse, quelques rizières inondées, des rizières pluviales plus étendues mais qui ne permettent qu’une récolte par an. Rote possède de surcroît une richesse potentielle considérable avec des plages extraordinaires, dont l’exploitation touristiques n’a quasiment pas commencé. Le spectacle est superbe avec, comme partout dans les îles de la Sonde, un contraste entre les eaux calmes et transparentes de la côte nord et les vagues déferlantes de l’Océan indien. Dans quelques semaines, l’hiver austral verra l’arrivée d’un petit nombre de surfeurs australiens qui viendront prendre leurs quartiers à Nemberala, où la vague est de réputation mondiale. Le reste de l’île ne connaît pas le tourisme. A quelques kilomètres au sud, l’île de Dana est la plus méridionale d’Indonésie (122° 52’ E, 11° 00’S). Elle est déserte et la légende veut que ses habitants aient été massacrés par une tribu rivale. Au-delà, l’Australie [2]. S’il y a un bout du monde, ce pourrait être ici. Il faudra bien que cela change, car les Rotinais méritent un peu plus d'aisance. Pourvu que cela ne change ni trop, ni trop vite.

 

[2] : le récif d’Ashmore et la très petite  île australienne de Cartier, inhabités et dépourvus d’arbres, sont situés à 140 km au sud de Dana. Le point le plus proche du continent australien est situé à 280 km au sud-est. Beaucoup d’habitants des petites îles de la Sonde s’imaginent une Australie encore plus proche, d’aucuns affirmant qu’elle est visible par beau temps. Il n’en est rien. Ces îles sont en revanche nettement influencées par le climat australien avec une relative fraîcheur pendant l’hiver austral.

Oesuli, Nemberala (Rote)Oesuli, Nemberala (Rote)

Oesuli, Nemberala (Rote)

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