Une journée à Hanoi (2/2)

Publié le par Ding

Le mur d'enceinte de l'ambasade, sur l'avenue Tran Hung Dao (ex-boulevard Gambetta). La herse de sécurité qui surmonte le mur n'existait pas en 1983.

Le mur d'enceinte de l'ambasade, sur l'avenue Tran Hung Dao (ex-boulevard Gambetta). La herse de sécurité qui surmonte le mur n'existait pas en 1983.

Le 17 mai 1983

 

Midi est l’un des temps forts de la vie de l’ambassade. C’est là que les agents se retrouvent pour les libations d’usage, puis pour le repas.

La popote est une institution originale. Créée compte tenu des irrégularités du marché local et du fait que toutes les femmes travaillent 1, elle emploie un personnel vietnamien très fidèle (notre serveur attitré raconte par le menu l’époque où l’ambassade vivait sous les bombes) mais elle est gérée par un comité de gestion où tous les agents passent à tour de rôle (mon tour commencera le 1er juin). On y mange généralement assez bien, quoiqu’en disent certains 2. Il est vrai que l’Ambassadeur est vigilant sur ce chapitre.

 

1: Tous les hommes aussi. (Cette note et les suivantes ont été insérées en 2022.)

2 : Cuisine vietnamienne une fois par semaine à la demande des agents, française les autres jours. La cuisinière préférait cuisiner français, cela demande moins de travail.

 

Arrive l’après-midi, et le cycle recommence : les dépêches, les télégrammes, l’A.F.P., les paperasses. Sans compter le téléphone, les visites, les doléances du chiffre (qui n’arrivera jamais à transmettre tous ces télégrammes, et que personne ne comprend 3). A partir du mardi, on commence à préparer le week-end : projets, conciliabules, signature par l’Ambassadeur, puis dépôt de la demande d’autorisation au Protocole …4

 

3: Les ordinateurs n’existant pas à l’époque, un agent de l’ambassade, le chiffreur, devait assurer le chiffrement ou le déchiffrement des télégrammes et leur envoi ou leur réception à l’aide d’une machine spécifique et de bandes perforées aléatoires. Cela demandait beaucoup de temps, d’où des doléances quand le trafic télégraphique était jugé trop abondant.

4: Les déplacements des diplomates hors de Hanoi étaient soumis à autorisation. Il fallait soumettre une demande officielle au Protocole du ministère des affaires étrangères avec plusieurs jours de préavis.

 

 

Dix-sept heures trente. Si tout se passe bien, la journée est finie. C’est l‘heure du tennis pour certains, de la promenade pour moi. Puis du dîner ; jusqu’à ces derniers jours, dans les quelques petits restaurants d’Hanoi. Mais la plupart viennent de fermer, les autorités désapprouvant ce vestige du capitalisme 5. Du coup, on découvre les joies de la cuisine à la maison.

 

5 : Il s’agit des quelques restaurants privés de la capitale, que les autorités firent fermer au printemps 1983 pour lutter contre le commerce privé. Il existait aussi quelques restaurants d’Etat, non concernés par cette campagne politique, mais que les étrangers évitaient, jugeant leur cuisine insipide et le service insatisfaisant.

Ça, ce sont les soirées « calmes ». Mais il y a les autres, où l’on dîne chez les collègues, sans parler des dîners officiels à la résidence. Car, si l’on peut parfaitement être diplomate sans danser et sans jouer au bridge, les dîners font partie intégrante du métier. On passe au demeurant des soirées fort agréables. Mais, après le dîner, le café et les digestifs, on parle, on parle à n’en plus finir. Et, bien entendu, c’est du Vietnam que l’on parle. Ce pays est si passionnant et si insaisissable qu’après avoir lu et écrit sur lui depuis le matin, on en parle le soir, parfois jusqu’au matin. Et, après quelques heures de sommeil (je soupçonne certains de rêver au Vietnam !), une nouvelle journée qui recommence …

Situle thạp : jarre de bronze sans doute utilisée pour conserver des denrées, entre - 500 et - 50, musée Cernuschi, Paris

Situle thạp : jarre de bronze sans doute utilisée pour conserver des denrées, entre - 500 et - 50, musée Cernuschi, Paris

Heureusement, il y a le week-end. Munis de la précieuse autorisation et des indispensables glacières, nous partons, en voiture ou à moto, à travers la campagne tonkinoise 6. Les pagodes succèdent aux pagodes. Mais, bien qu’elles soient fort belles, c’est surtout l’escapade dans la campagne qui compte. Dans les rizières et dans les villages, le pays paraît moins étrange car on y retrouve les images habituelles de l’Asie. Et l’on approche d’un peu plus près ce pays assez déroutant mais combien attachant : le Vietnam.

 

6 : Plusieurs agents de l’ambassade, dont l’auteur, avaient fait quelques semaines plus tôt l’acquisition de motos. Faute d’offre commerciale, ils les avaient achetées d’occasion à des Suédois employés sur le chantier de la papeterie de Bãi Băng (voir lettre du 12 avril). Ceci étant sans précédent, les autorités avaient créé une nouvelle série de plaques diplomatiques pour motocyclettes. Les sorties en moto hors de la capitale se faisaient accompagnées d’une camionnette de l’ambassade, pour satisfaire à la réglementation qui interdisait les sorties non accompagnées et pour charger les motos en cas de panne, ce qui se produisait souvent.

Les pagodes de Bút Tháp et Phật Tích, dans la province de Bac Ninh, buts d'excursion fréquents (photos orientalarchitecture.com)Les pagodes de Bút Tháp et Phật Tích, dans la province de Bac Ninh, buts d'excursion fréquents (photos orientalarchitecture.com)

Les pagodes de Bút Tháp et Phật Tích, dans la province de Bac Ninh, buts d'excursion fréquents (photos orientalarchitecture.com)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article