Le train sucrier de la côte de corail
Amateurs d’histoire ferroviaire, nous vous avons déjà présenté le chemin de fer à voie étroite du Yunnan, les « trains jouets » indiens de Simla, Darjeeling, Materai et quelques autres. Dans la série des trains miniature, il nous restait à découvrir les trains sucriers des Fidji.
Apparus en 1876, ces trains à voie très étroite (61 cm d’écartement, à comparer à 1 m pour le chemin de fer du Yunnan et 1,435 m pour l’écartement standard européen) avaient pour fonction de transporter la canne à sucre entre les plantations et les usines de traitement. La canne, produit périssable, doit en effet être traitée 36 heures au maximum après avoir été coupée, ce qui nécessite des sucreries proches des plantations et un réseau de transport rapide. Des voies ont été construites sur les deux îles principales, Viti Levu et Vanua Levu, l’ile de Taveuni (site du tout premier train) et sans doute d’autres. La plupart des voies ont été construites par la Colonial Sugar Refining Company, qui a raffiné le sucre à Fidji de 1880 à 1973. Le réseau atteignait 645 km en 1988. Ces voies ont aussi servi au transport des voyageurs, qui n’était pas leur raison d’être. Le réseau a décliné ces dernières années, nombre de lignes sont aujourd’hui désaffectées mais le train transporte encore la récolte de canne à l’ouest de Viti Levu, entre Nadi et Lautoka.
Au sud de Viti Levu, le train de la côte de corail reliait Natadola à Sigatoka en passant par Cuvu, sur quelque 30 km. La région ne produisant plus guère de sucre, la ligne s’est reconvertie dans le transport des touristes, d’abord sur toute sa longueur, puis entre Cuvu et Sigatoka seulement à raison de trois trains par semaine aujourd’hui.
La petite gare de Cuvu, déserte le dimanche, abrite deux petites motrices diesel – plus de vapeur, hélas – et quelques voitures pour le transport des voyageurs. Puisqu’il n’y a pas de train aujourd’hui, c’est à pied qu’il faudra suivre la voie. Solution lente certes, mais qui permet de profiter pleinement du trajet, d’autant plus que les sentiers de randonnée sont rares aux Fidji. Les villageois ne se privent pas d’utiliser la voie comme sentier.
Ce trajet offre de très belles vues sur le lagon et le grand large, avec les vagues qui se brisent sur la barrière de corail. C’est d’autant plus appréciable que les plages ne sont pas publiques : celles qui n’appartiennent pas à des hôtels sont la propriété des communautés locales et le simple visiteur n’y est guère le bienvenu. De la voie, on peut au moins voir la mer à loisir alors que le grande route (Queen’s Road) passe le plus souvent dans l’intérieur des terres.
La voie traverse par endroits des villages ou des jardins, où l’on rencontre à l’occasion chevaux, chèvres, porcs et volailles.
Le plus souvent, elle taille à travers bois, parfois dans de véritables forêts où l’on absolument seul … avec les moustiques.
La voie franchit de nombreux ruisseaux et rivières. Les ponts et ponceaux sont parfois délabrés, avec des poutres manquantes. Personnes sujettes au vertige s’abstenir.
A l’approche de Sigatoka, la voie passe en bordures des dunes qui sont ici une attraction connue et un refuge de biodiversité.
Arrivée à Sigatoka presque au crépuscule, entre la grande mosquée et une petite église anglicane. On retrouve la ville après quelques heures d’une petite aventure.
Crédit photos : La photo en noir et blanc vient de railwaywondersoftheworld.com . Les autres photos sont de l'auteur.