Journal des Moluques (février-mars 2016)
Premier jour (13 février) : Surabaya - Saumlaki : arrivé hier soir de Yogyakarta, je décolle de Surabaya vers Ambon à 7 h 45 sur Batik Air. Survol du sud, puis du sud-est des Célèbes, avec de belles vues mais sans s’y arrêter. C’est la première fois que je rejoins directement les Moluques sans faire escale à Makassar (alias Ujung Pandang) ou à Manado.
Courte escale en correspondance à l’aéroport Pattimura d’Ambon (128˚ 05’E, 3˚ 42’S), qui s’est modernisé et connaît un trafic bien plus important semble-t-il que lors de mes visites précédentes (1992 et 2004). Ambon est une plaque tournante, toute une flottille d’ATR dessert les autres îles des Moluques et nombre de localités de Papouasie.
En arrivant de Java, il faut avancer sa montre de deux heures. Les Moluques sont à l’heure de l’Indonésie orientale (TU + 9, comme Séoul et Tokyo). Du coup, la nuit ne tombe ici que vers 19 heures.
Décollage quelques minutes plus tard dans un ATR 72 de Wings Air avec une vingtaine de passagers seulement. Nous mettons le cap au sud-est et survolons la mer de Banda. Le temps, beau à Ambon, devient très couvert et c’est au milieu d’épais nuages noirs que Yamdena, l’île principale de l’archipel des Tanimbar apparaît après 1 h 20 de vol.
Malgré le mauvais temps, je savoure ce moment car un vieux rêve se réalise : j’avais beaucoup entendu parler des Tanimbar et des Moluques du sud-ouest lors de mes voyages aux îles Kei et Aru (janvier 2004) puis à Timor et Alor (mars 2008). Elles me faisaient rêver et le moment est arrivé.
L’approche finale se fait au dessus d’une vaste forêt, sous un plafond de nuages noirs très bas. Nous nous posons sous une pluie battante. Heureusement, l’éclairage de piste fonctionne.
Première surprise du voyage après ce trajet sans histoires : le nouvel aéroport de Saumlaki, dénommé Mathilda Batlayeri en l’honneur d’une héroïne locale, qui était en construction depuis longtemps, est entré en service en mai 2014. Mais il est beaucoup plus loin de la ville (18 km environ) que l’aéroport d’Olilit et la pluie tombe à verse. Il faut donc partager un taxi pour gagner Saumlaki (131° 19’E, 7° 57’S).
La capitale sous-régionale des Tanimbar (“régence des Moluques du sud-est occidentales” en jargon administratif, créée en 2000) est une très petite ville (15 000 habitants ?), une vraie sous-préfecture aux champs. Sorti du port et du quartier du marché, on tombe très vite dans une zone résidentielle semi-rurale, puis dans la campagne. Mais c’est la ville des Tanimbar ... Tout est petit ici sauf deux choses : les bureaux du Bupati (le sous-préfet en quelque sorte) qui sont vastes sinon démesurés, et les églises, modernes et impressionnantes. Saumlaki, où le catholicisme domine, en compte trois grandes et plusieurs petites.
Types ethniques assez mélangés en ville, souvent intermédiaires entre les mondes asiatique et mélanésien, comme il est fréquent aux Moluques. Des commerçants chinois dans le quartier du marché.
Une longue recherche, demeurée infructueuse car je suis balloté entre des conseils contradictoires, des bureaux de la compagnie de navigation Pelni me donne l’occasion de visiter la ville sous la pluie. Il semble néanmoins se confirmer que le Pangrango de la Pelni, sur lequel je compte pour commencer ce voyage, est attendu demain soir. En attendant, le petit port de Saumlaki ne compte que des barques de pêche et quatre ou cinq cargos plus ou moins mangés par la rouille, dont ce qu’on appelle ici des “navires pionniers” qui font le cabotage entre les iles. Ils ne paient pas de mine (litote) mais je vais sans doute devoir bientôt compter sur eux.
L’accès à Internet semble des plus réduits. Il existe bien un “centre de services Internet” à la périphérie mais ... il a brûlé. Je sais à quoi m’attendre sur ce plan pour la suite du voyage.
Deuxième jour (14 février) : Saumlaki Arui Bab et retour, 115 km environ : Le beau temps est revenu pour la journée. Départ de l’auberge à 7 h 05 pour la gare routière de Saumlaki qui est déserte : c’est dimanche matin, tout le monde est, me dit-on, à la messe.
Je parviens néanmoins à gagner les villages de Sangliat Dol (42 km) et d’Arui Bab (55 km, 131° 32’E, 7° 44’S) avec les moyens du bord y compris la marche et l’autostop. Jusqu’au village d’Amdasi, la route est parallèle à la côte orientale de l’île mais elle est dans l’intérieur. La forêt est encore visible par endroits mais de nombreuses clairières de défrichement permettent de petites cultures : maïs, riz sur brûlis, bananiers, palmiers. A partir d’Amdasa, la route longe la côte mais reste accidentée.
Sangliat Dol et, à un moindre degré, Arui Bab attirent les touristes à cause de leurs trois mégalithes en forme de bateaux. Il arrive, plutôt en octobre, que des paquebots de croisière mouillent devant Sangliat Dol et débarquent leurs passagers, ce qui donne lieu à un vrai choc culturel. Rien de tel aujourd’hui : je suis le seul visiteur (depuis assez longtemps à Arui Bab).
Comme il est fréquent dans l’est de l’Indonésie, il est exclu de se rendre directement sur les sites qui sont la propriété des villages. Il faut d’abord se présenter au chef de village et remplir le registre des visiteurs. Puis on se rend chez le tuan tanah (chef coutumier) ou a lieu une petite cérémonie pour demander le pardon et la bénédiction des esprits que l’on va déranger en prenant des photos. A chaque village, il faut remettre au tuan tanah une petite bouteille de sopi (alcool de palme) et un don en espèces. La cérémonie consiste en une invocation des esprits du lieu et ... de la Vierge Marie, avec une libation au sopi et des signes de croix. C’est évocateur du syncrétisme entre catholicisme et croyances anciennes. Comme il est courtois de parler d’abord de la pluie et du beau temps avec chacun de ces notables, ces préliminaires prennent pas mal de temps.
Les mégalithes en forme de bateaux, témoins d’une époque revolue, valent en effet le déplacement. Il y en a deux à Sangliat Dol, en haut et en bas d’un escalier de pierre qui monte de la plage.
Celui d’Arui Bab, sur une colline qui domine le village actuel, est plein de charme, largement enseveli sous l’herbe. Ces trois mégalithes sont bien la principale attraction touristique de l’île de Yamdena.
Sur le chemin du retour, je gagne à pied le village “touristique” de Tumbur, proche de l’aéroport. Intérêt et ressources limités (en fait une petite industrie locale de sculpture sur bois). Je regagne Saumlaki vers 14 heures.
Vers 17 h 30 les employés du port me disent que l’arrivée du Pangrango est imminente mais ils semblent bien peu informés. Je rejoins donc le port sans trop me presser et bien m’en prend. Le navire accoste en effet vers 20 heures dans l’atmosphère de kermesse habituelle aux escales de la Pelni (la compagnie nationale de navigation). Des centaines – au bas mot – de jeunes de la ville sont là pour aider au déchargement moyennant rétribution ou pour commercer. Une seule passerelle étant abaissée, le déchargement prend plus d’une heure et donne toutes les apparences du chaos. Outre les passagers venus d’Ambon qui débarquent avec leurs gros bagages, des tonnes de fret sont déchargées à la main car la Pelni joue un rôle important dans le ravitaillement des îles.
Comparé aux navires de la Pelni que j’avais empruntés auparavant – l’Umsini en 2004 entre Tual et Ambon, le Bukit Siguntang en 2008 entre Kupang et Surabaya – le Pangrango, port d’attache Surabaya, fait figure de parent pauvre. Il est plus petit (500 passagers), assez sale et déglingué. Les première et deuxième classes ont officiellement été supprimées, les billets ne donnent plus accès qu’à la classe économique en dortoirs. Il subiste en fait quelques cabines de première et de seconde mais il faut en négocier l’accès avec l’équipage et elles sont mal entretenues. Je négocie ainsi l’accès à une cabine de seconde que je partage avec un autre passager. Malgré ces imperfections, la possibilité de passer la nuit sur une couchette, dans une cabine climatisée, est un luxe que je regretterai certainement par la suite. Nous appareillons à 23 h 35.
Troisième jour (15 février), Saumlaki Tepa : nuit acceptable malgre le réveil par haut parleur à 5 h 06 pour la première prière musulmane du jour et plusieurs annonces bruyantes par la suite.
Vers 7 h 45, nous longeons déjà le nord-ouest de l’île Babar. Elle est montagneuse et couverte de forêt. Aucun village n’est visible. Nous faisons route plein ouest. Une petite île est visible au nord-ouest (Dai) et nous en avons déjà dépassé deux autres (Dawera et Dawelor). Deux villages apparaissent un peu plus tard sur la côte nord. L’île de Wetan apparaît ensuite à l’ouest de Babar. Nous accostons à Tepa (129º 35’E, 7º 52’S) à 10 h 10.
Je trouve une auberge et on me laisse espérer un cargo “pionnier” pour Moa entre le 17 et le 19. Je me présente à la police pour être bien en règle, comme il est souhaitable dans les lieux reculés.
Tepa est un gros village, 3 000 habitants à peu près, autour du marché, de l’église protestante et de la petite mosquée. Quasiment pas de voitures. La chaleur de midi est redoutable et les petites maisons à toits de tole, dépourvues de ventilation naturelle, sont intenables. L’électricité n’est distribuée que la nuit. Une centrale solaire serait fort utile pour capter un peu de cette énergie que que le soleil déverse à profusion. Les premières ont fait leur apparition dans cette partie des Moluques mais pas encore ici.
Quand la température a un peu baissé, vers 16 h 30, j’arpente les parages au sud de Tepa. La route principale, non goudronnée, traverse bientôt (2 km) une large rivière que je préfère ne pas passer à gué. La forêt est bien là sur les hauteurs mais l’étroite plaine littorale a été défrichée : quelques cocoteraies, un peu de maïs protégé par des clôtures de bois, des manguiers, quelques vaches et porcs. Une belle plage, Pasir panjang, part de Tepa vers le sud mais on me dit qu’elle ne peut être longée qu’à marée basse.
Je dîne comme j’avais déjeuné : dans une petite échoppe constituée d’une table et de deux bancs dans la rue.
Quatrième jour (16 février), Tepa Palyora et retour, 38 km : temps un peu couvert ce matin, idéal pour la marche. Je quitte Tepa à 7 h 15 vers le nord par la route improprement appelée « trans Babar » qui fait en fait le tour de l’île. Je marche 10 km, puis un camion transportant du riz m’achemine jusqu’au km 19. La route suit la côte et traverse l’étroite plaine littorale où se pratique de la petite agriculture : maïs, cocotiers, quelques vaches. Elle traverse les villages vus hier en naviguant : Letsiara, Watrupun, Manumui (450 habitants). On est ici en pays protestant, sur les terres de l’Eglise protestante des Moluques (on me demande s’il en est de même en France ...).
Au km 19, je rebrousse chemin jusqu’au km 17,5 au lieu dit Palyora (pas de village) d’où je gagne la plage. Légèrement au sud se trouvent des amoncellements de roches coralliennes qui forment des grottes. Celles-ci semblent avoir été utilisées jadis à des fins religieuses et peut être pour entreposer des crânes humains (à vérifier). Intérêt limité somme toute mais joli endroit solitaire qui serait inaccessible à marée haute.
Je prends le chemin du retour. En quittant Manumui, j’ai la chance - ou la malchance comme on voudra – de croiser le chef du village qui me conduit chez lui d’autorité. Il me reproche gentiment d’avoir voulu traverser son village sans venir le voir et, pire encore, de m’être rendu sur le site de Palyora sans son accord et sa présence. Je profère des excuses embarrassées mais suis bien conscient d’avoir manqué à l’usage local bien connu.
Nous nous réconcilions et je suis convié à partager le déjeuner à la paroisse (protestante bien sûr). Une petite église est toujours là mais une nouvelle, bien plus grande, est en construction depuis onze ans. J’en ai pour deux heures au moins mais nous nous quittons bons amis.
Je rentre ensuite lentement car le temps s’est levé et la chaleur est forte. Je regagne Tepa à 17 h 45 après 30 km de marche. A la capitainerie du port, on n’a toujours pas d’information précise sur les prochains navires vers Moa.
Cinquième jour (17 février), Tepa Tela et retour, 38 km : j’aurais aimé visiter l’île de Wetan, juste en face de Tepa mais c’est compliqué : les bateaux partent en milieu de journée et reviennent le lendemain car ils suivent les horaires du marché.
Je pars donc à pied vers 7 h 15 sur la route circulaire, vers le sud cette fois. Un camion m’aide à passer la grande rivière à pieds secs. Les paysages sont les mêmes qu’hier mais cette portion de l’île est plus boisée, moins cultivée, presque inhabitée. Non goudronnée, la route est une piste parfois en mauvais état, avec plusieurs radiers et quelques passages en forte pente qui doivent être impraticables sauf en 4x4 quand le sol est détrempé.
Je suis recueilli en chemin par une équipe de PLN – la compagnie nationale d’électricité – qui va faire des formalités avec ses usagers dans deux villages : Imroing (km 14) et Tela (km 19). Je suis associé à cette tournée ce qui me permet de rencontrer les chefs de villages et de parler un peu à tous.
Imroing compte 480 habitants et Tela 1 300 avec une majorité d’agriculteurs (maïs, fruits). Une église protestante imposante est en construcution à Tela. J’y rencontre un ménage canadien que tout le monde connait ici : ils sont installés à Babar depuis neuf ans et traduisent la Bible dans les dialectes locaux, lesquels diffèrent fortement d’un village à l’autre.
La route, me dit-on, continue quelques kilomètres après Tela, puis devient un simple sentier sur 20 km environ. L’accès en voiture à la côte est de l’île se fait donc nécessairement par la côte nord.
On m’affirme qu’un “aéroport international” ouvrira cette année à Imroing. C’est peu probable car, même si le projet paraît avéré, les travaux n’ont pas encore débuté (ceux de l’aéroport et ceux de réfection de la route). Babar devrait à terme sortir de son isolement, suivant en cela les Tanimbar, Moa et Kisar.
Sur le chemin du retour, je fais halte sur la plage de Watrorona au km 11 (orientation ouest-sud-ouest, belles formations coralliennes très déchiquetées) puis sur une autre au km 8 environ (orientation ouest, face à Wetan).
Comme hier, la mer est absolument déserte : pas un cargo, pas une barque de pêche. Pas un avion dans le ciel. Babar est à l’écart de toutes les routes.
Sixième jour (18 février), départ de Tepa : un appel de la capitainerie confirme le départ pour Moa cet après midi.
Promenade ce matin sur la plage de Pasir Panjang au sud de Tepa, face à l’ile de Wetan. Je la suis jusqu’à l’embouchure de la grande rivière.
Le navire attendu accoste vers 12 h 30. C’est le Populair, un cargo construit au Japon il y a un peu plus de vingt ans. Des centaines de passagers sont déjà entassés sur le pont et dans les coursives quand je monte à bord mais d’autres montent encore avec leurs bagages. La houle étant trop forte à quai, nous allons mouiller à 200 brasses de là et y restons de 13 h à 16 h 15. La patience d’un tel concours de peuple entassé dans la chaleur et les fumées de gas-oil a de quoi édifier. Un service de chaloupes s’organise pour amener les derniers passagers et nourrir les autres.
Nous appareillons à 16 h 15, contournons Wetan par le nord puis mettons le cap ouest-sud-ouest. Le capitaine m’informe que le Populair assure la navette entre Tual (îles Kei, Moluques du sud-est) et Makassar (Célèbes sud) via Saumlaki, Marsela, Tepa, Moa, Kisar et Wetar. Il doit toutefois cesser de naviguer quand le vent est trop fort. Ces lignes “pionnières” sont le seul lien de certaines îles avec l’extérieur. Elles sont subventionnées par l’Etat. A la tombée de la nuit, l’archipel de Babar a disparu derrière nous mais je n’ai pu reconnaître l’île de Sermatang, au sud.
Septième jour (19 février), arrivée à Moa : La nuit se passe sans incident autre qu’une forte pluie peu avant 5 heures mais elle est très inconfortable dans de telles conditions de surpeuplement, froide de surcroît.
Nous accostons au petit port de Kaiwatu (127º 49’E, 8º 06’S), sur la côte nord de Moa, à 6 h 15. Le jour vient de se lever. Kaiwatu dispose, comme Saumlaki et Tepa, d’une jetée et d’un quai de débarquement, mais dans une anse à peine évasée qui n’offre aucun abri contre les vents du large. Même par temps calme, le débarquement est rendu malaisé par la houle. Avec une mer un peu forte, il serait impossible. Le groupe des îles Leti (Leti, Moa et Lakor) ne dispose à ma connaissance d’aucun port naturel ce qui interrompt toute desserte maritime par gros temps.
La capitainerie me parle d’un départ pour Kisar demain, ce qui est trop tôt, et d’un autre le 22, qui devrait convenir.
Je me rends l’après midi à Tiakur, à 6 km au sud, qui est depuis 2012 la capitale de la régence des Moluques du sud-ouest, laquelle avait vu le jour en 2008.
Curieuse impression d’une cité administrative neuve et inachevée. De larges avenues ont été tracées à angle droit en pleine campagne. Bien que le Bupati (régent) et les services administratifs aient construit des bureaux sans luxe ni ostentation, la ville est encore très peu habitée et fait un peu figure de ville fantôme. On attend encore un vrai tissu urbain.
Huitième jour, 20 février, Kaiwatu Patti et retour, 28 km : départ ce matin à 7 heures pour Tiakur en profitant en partie du car de ramassage scolaire. Du marché de Tiakur, une petite route part vers le sud, passe le village de Wakarleli, puis continue vers le sud-est. Elle longe la côte ouest puis la côte sud de l'île de Moa et traverse une zone tantôt boisée, tantôt en partie défrichée mais presque déserte.
Pas de village après Wakarleli et circulation presque nulle. L’île voisine de Leti, plus montagneuse, est visible à l'ouest (photo ci-dessous).
La plage, sur la côte sud, est belle et propre, face au large. Mais les prélèvements de corail et de sable pour la construction ont altéré son intégrité.
Je prends la route du retour à 10 heures. Quelques nuages bienfaisants atténuent la forte chaleur. Je retrouve Tiakur à midi et y trouve la première connexion Internet digne de ce nom depuis mon arrivée aux Moluques, de sorte que je consacre l’après midi à me mettre un peu à jour. Un cargo pour Kisar m’est annoncé pour demain soir.
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la piste a été allongée et élargie en 2015
Je me présente au port à 21 h 40. L’attente commence avec une forte pluie d’orage vers 23 h 30. Le petit phare qui signale le port est éteint mais les lumières de Kaiwatu et la croix lumineuse de son église doivent suffire à guider les navires. La mer est heureusement calme car il m’est bien confirmé que les navires ne peuvent accoster lorsque le vent vient du large.
Dixième jour (22 février), Moa Kisar : les feux du navire apparaissent dans la nuit vers 0 h 10 et l’accostage a lieu à 0 h 55. Bien qu’à plus petite échelle que dans les ports précédents, le débarquement et l’embarquement prennent du temps et je ne peux dormir que vers 2 heures.
Le Sabuk Nusantara 34 (littéralement : “ceinture de l’archipel n° 34”) est l’un des navires “pionniers” qui sillonnent les Moluques et au delà : sa destination finale est Kupang, à Timor ouest. C’est un vrai navire conçu pour le transport des passagers, sur le modèle des paquebots de la Pelni, avec des dortoirs, quelques cabines et des équipements de sécurité. Il est loin d’être surpeuplé et je peux louer une cabine à l’équipage. C’est donc infiniment mieux que le Populair trois jours plus tôt. Points faibles : une propreté perfectible et surtout la pratique habituelle mais consternante de jeter tous les déchets en plastique à la mer.
Nous faisons escale en fin de nuit à Servaru, dans l’île de Leti. Au réveil, à 7 h 50, Kisar est déjà bien visible devant nous. Romang est visible au loin à tribord. A bâbord une grande île montagneuse : c’est la pointe orientale de Timor, la région de Los Palos où j’avais fait étape en 1990 – avant l’indépendance donc. Timor paraît toute proche, nous devons être tout près de la frontière maritime internationale. Dans ce détroit, les téléphones captent les signaux des deux pays : Indonésie et Timor-est.
L’ancienne église, construite en 1665 et reconstruite en 1778. Aujourd’hui en ruines, il en subsiste les murs et une cloche de bronze brisée;
Juste à côté, la “maison des rois”de Wonreli, en bon état avec un beau toit de chaume (l’intérieur ne semble pas accessible);
À quelques mètres de là, dans les bureaux locaux du ministère de la culture, un ancien canon portugais ou hollandais qui porte le monogramme VOC de la Compagnie des Indes;
Au port de Wonreli, 2 km à l’ouest de la ville, le fort Vollen Hafen, construit par la VOC à partir de 1668, bien plus vaste que le précédent. Seul subsiste en grande partie le mur d’enceinte mais celui-ci continue à se dégrader faute d’entretien (chute récente d’un escalier, me dit-on).
À 2 km au sud du port à peu près, sur la vaste dalle rocheuse qui domine celui-ci, une curieuse pyramide à degrés construite en 1774 par le Pr.Dr. V. Felcher, un chercheur allemand, pour commémorer un échouage ou un naufrage.
Cette pyramide est en bon état dans l’ensemble, sauf à son extrémité sud-ouest un peu endommagée. Quelques dizaines de mètres plus haut, un petit monument métallique récent mais déjà rouillé atteste du passage d’une expédition dans "les îles les plus extérieures de l’Indonésie”.
la côte elle-même, déjà vue depuis la mer, est une falaise corrallienne abrupte, mais qui comporte quelques cassures étroites au fond desquelles se trouvent de très petites plages, dont trois que j’ai visitées.
De Wonreli et d’Abusur, une route ouest-est permet de rejoindre en 7 km la côte orientale. Elle suit dans sa dernière partie le fond d’une vallée encaissée, couverte de forêt et de bambous arborescents;
En cheminant sur la dalle rocheuse au sud de Jawalang, on domine la mer de quelques dizaines de mètres avec de belles vues sur les fonds coralliens. Quelques buffles et chèvres paissent une herbe rase, sur la dalle pourtant très sèche, cuite par le soleil.
Les plages de Liti (Kisar)
Juste après le pont du km 38,1 en venant d’Ilwaki, on aperçoit des sources chaudes sortant d’une vaste concrétion de roches de couleur. La rivière étant gonflée par les pluies, nous ne pouvons que les observer à courte distance.
Après le dernier col (alt. 240 m environ), la route descend vers la côte nord. Ces 7-8 derniers kilomètres ne sont pas achevés de sorte que la progression y est plus difficile. Nous arrivons au village de Lurang, sur la côte (126° 21’E, 7° 42’S), à 10 h 15.
La rivière proche de Lurang ; la pancarte visible sur l’une des photos met en garde contre les crocodiles (buaya)
Le relais téléphonique du village ayant été en panne jusqu’au 29 février, Lurang était largement coupé du reste du monde. Pas entièrement toutefois car à Lerokis, 5 km à l’ouest sur la côte, se trouvent des installations de l’entreprise minière Batutua Kharisma Permai (BKP), à capitaux majoritairement australiens, qui exploite une importante mine de cuivre répartie sur deux sites, Lerokis et Kali kuning.
Cette entreprise emploie nombre d’habitants du village (et du reste de l’Indonésie, et quelques expatriés). Elle possède une logistique importante en engins et véhicules de toutes sortes qui contraste avec le dénuement de la région. Elle rend au village divers services et lui permet en particulier une alimentation électrique presque continue, exceptionnelle sinon unique dans la régence. Elle dispose aussi d’une connexion wifi qui fonctionne plus ou moins, dont elle fait bénéficier les visiteurs sur demande ; ceci me conduit à y faire des visites quotidiennes pour ne pas être totalement privé de communications en attendant un bateau dont nul ne sait vraiment quand il arrivera.
La côte nord de Wetar à l’ouest de Lerokis
Nous appareillons à 17 h 55 et mettons le cap à l’ouest, longeant la côte nord de Wetar. C’est un littoral sauvage au possible : la mer, la forêt, la montagne et rien d’autre. Pas un village (en fait un seul avant la tombée de la nuit, par 106° 06’), pas un champ, pas une route. C’est la nature sauvage à l’état brut. Juste avant la nuit, à 19 h 25, nous franchissons un petit détroit entre Wetar et une petite île (Roeng, 125° 56’E, 7° 39'S) et mettons le cap au sud-ouest sous des milliers d’étoiles. Wetar se perd dans la nuit.
Je quitte ainsi les Moluques, comblé par ce séjour.
X X X
Vingtième au vingt-huitième jour, 3 au 11 mars, Kupang (Timor-ouest) et l’archipel d’Alor: au lever du jour, nous avons dépassé l’ile est-timoraise d’Atauro, franchi le détroit d’Ombai entre Alor et Timor et longeons la partie occidentale de Timor. Nous arrivons au port de Tenau, près de Kupang (123° 34’E, 10° 10’S), à 7 h 25 locales après 14 h 30 de traversée. Nous reculons nos montres d’une heure, la province étant à TU +8 comme Pékin et Singapour. Il me reste huit jours à occuper le mieux possible.
Comme il n’y aura pas de ferry avant samedi pour Alor, je gagne l’aéroport à temps pour le vol quotidien de Wings Air et arrive à Kalabahi (124° 31’E, 8° 13’S) vers 14 h, sûrement bien avant l’hypothétique cargo attendu en vain à Lurang.
Je retrouve ainsi l’ile d’Alor, déjà visitée en 2008 (voir l’article de l’époque).
Les 4 et 5 mars, je séjourne dans l’île voisine de Pantar, séjour intéressant mais dans des conditions matarticle séparé.
rielles sommaires, proches de celles rencontrées récemment aux Moluques. Il en est rendu compte dans un
Le 11 mars, je décolle à nouveau de l’aéroport d’El Tari (123° 40’E, 10° 10’S), mais vers l’ouest cette fois. Ceci conclut pour de bon ce voyage et ce journal. Avec la même conclusion qu’en 2008 : « adieu, provisoire, aux plus belles îles du monde ».
Voyez aussi :
- l'article consacr aux Tanimbar et aux Moluques du sud-ouest;
- si l'aventure vous tente ou simplement vous intmode d'emploi de ce voyage. resse, voyez la page qui donne le