Voyage de noces en Sicile

Publié le par Ding Thibaut

(Album du voyage visible ici)

Presque sept mois après notre mariage, un peu plus de trois mois avant l’heureux évènement que nous attendons, tel était le moment choisi pour notre voyage de noces. Oubliant le Taklamakan en roller ou le tourisme en Syrie pour des raisons évidentes, la Sicile convenait parfaitement à nos envies et à nos contraintes. Retour en Italie me direz-vous ? Oui, mais une autre Italie, celle du Sud !

Sicile2011 DSC00886r

Premières impressions de la Sicile à Catane

Aussitôt arrivés à Catane, notre premier trajet en bus nous révèle une circulation chaotique rythmée par les klaxons, animée par les trajectoires improbables des deux-roues,  le tout baignant dans une odeur de pot d’échappement presque oubliée en France. Si ce spectacle ne manque pas d’évoquer  une arrivée dans un pays en développement, l’architecture baroque de la vieille ville nous rappelle que l’on est bien en Italie !

Tous les immeubles affichent de fait ce style, mais l’impression générale est dominée  par leur apparence vétuste et la noirceur des murs. Quelques rues plus loin, il faut aussi se rendre à l’évidence que les  graffitis n’épargnent pas le moindre bâtiment de la ville. Un peu désenchantés, nous ne tardons pas à nous retrouver sous une pluie battante tandis que le thermomètre ne dépasse pas 15°C.

Heureusement, nous, nous voulions éviter à tout prix le voyage de noces  type « lézarder au soleil sur une plage de rêve des Seychelles bercée par les vagues ». Car le premier pique-nique improvisé  sur les bancs mouillés d’un abribus tagué, à deux pas du port industriel, c’est tout le contraire ! En plus, la pluie n’a que peu d’importance quand on veut « faire du culturel », et vous savez tous comme j’aime ça. La cathédrale baroque de Catane et le château médiéval d’Ursino ouvrent le bal.

Palerme et ses environs

Le lendemain de notre arrivée, il nous faut tout juste deux heures et demie de car pour traverser une bonne partie de la Sicile jusqu’à Palerme. Entre ces deux grandes villes, le paysage est magnifique : des vallées et des collines vertes, fleuries, respirant le printemps… Mais l’arrivée à Palerme nous replonge d’emblée dans l’atmosphère urbaine décrite à Catane. La circulation et les graffitis y sont peut-être encore pires. Mais cette fois-ci, il fait beau entre deux averses, et le thermomètre atteint 16°C, donc nous commençons à profiter de notre voyage !

Des deux demi-journées passées à visiter Palerme, nous retiendrons avant tout l’éblouissante Chapelle Palatine. Encastrée au milieu du château des Normands ou siégeait Roger II, toute la surface intérieure, des plafonds aux murs en passant par les sols et les colonnes, tout est couvert de mosaïques étincelantes où le doré domine. Le majestueux Christ Pancreator, pourrait être celui de mon manuel d’histoire en classe de Seconde. Je dis bien « pourrait », car aussi impressionnantes que sont ces représentations du Christ, elles sont nombreuses en Sicile. L’une d’elle se retrouve à deux pas de la Chapelle Palatine, sur le plafond de la cathédrale de Palerme.

Cette Cathédrale est d’ailleurs l’un des meilleurs exemples de la multiplicité des influences qui caractérise l’architecture sicilienne : mur crénelé normand du 12è siècle, tours carrées du 14è siècle, porche gothique catalan du 15e siècle, dôme baroque du 18è siècle. On peut voir également un passage du Coran gravé sur une colonne du porche, provenant de la mosquée du 9è siècle convertie en église par les Normands. A l’intérieur de la cathédrale, les tombeaux de Roger II, Frédéric II de Hohenstaufen et de son épouse Constance d’Aragon étaient cachés par de grands panneaux disgracieux qu’on pouvait passer contre un ticket d’entrée que nous n’avons pas acheté (technique bien connue des Chinois, cf. mon récit de voyage au Yunnan en octobre 2009). A quelques kilomètres de là, la cathédrale de Monreale domine Palerme et doit également  sa célébrité à cet intriguant mélange arabo-normand.

Il y aurait beaucoup d’édifices à décrire tant Palerme est riche de monuments historiques. Mais la vérité oblige à dire que nous n’en avons visités qu’une petite partie. Basés dans un B&B de la station balnéaire de Mondello, de l’autre côté du Mont Pellegrino, nous avons aussi profité de la réserve naturelle de Capo Gallo. Gravir la falaise qui surplombe la ville a fait l’objet d’une excursion mémorable. Après plus de deux heures de marche dans une forêt de pins sur un sentier raide, le balisage fait d’étoiles de David bleues peintes sur les cailloux nous conduit à notre grande surprise à une chapelle juive perchée sur le rocher. Surplombant la mer de plusieurs centaines de mètres, la façade de la Chapelle est étrangement ornée d’anges annonçant l’Apocalypse pour 2012. L’Ermite dont découvrons la présence arbore quant à lui une barbe blanche qui s’accorde avec l’esprit de l’édifice.

Cherchant à redescendre sur Mondello par un autre chemin, non balisé, nous finissons par nous perdre. Le chemin disparaît dans les broussailles. Mondello est nos pieds, ou plutôt quelques centaines de mètres en dessous de nos pieds. Or ni moi, et encore moins Romy avec son ventre n’avions envisagé de faire de l’escalade sur un flanc de falaise. Heureusement, nous finissons par trouver un vieux chemin qui nous ramène à bon port en jouissant d’une vue magnifique.

Ségeste

Si le bref paragraphe du guide consacré aux vestiges grecs du site de Ségeste nous donnait envie de nous y rendre,  les difficultés d’accès de ce site loin dans les terres ont bien failli nous y faire renoncer. Qui plus est, les horaires et les arrêts des lignes de bus siciliennes s’apprennent avant tout par le bouche à oreille.

Cette excursion impliquant quatre heures de bus aller et retour reste l’un de nos meilleurs souvenirs de Sicile. Le site est d’abord grandiose : niché sur les flancs du Mont Barbaros, le temple dorique émerge d’une vallée fleurie. Un parfum de fleurs embaume l’atmosphère ! Le site permet de pénétrer dans les restes d’une maison antérieure au Ve siècle avant Jésus-Christ, puis de suivre les remparts dressés par le peuple des Elymes, originaire d’Anatolie. Une supposée filiation troyenne a valu à ces habitants l’aide d’Athènes pour lutter contre la ville proche de Sélinonte. C’est finalement en s’associant avec les Carthaginois que les Elymes de Ségeste viendront à bout de la cité rivale. De cette période datent le fabuleux amphithéâtre et le temple.

Détruite par les Vandales au Vé siècle, Ségeste connaît un nouvel essor sous la domination Arabe. En marchant sur ce qui reste de la grande voie qui reliait le théâtre à l’Agora, on peut d’ailleurs voir les vestiges d’une mosquée. Quant au point le plus haut du site, il est dominé par les vestiges du château des Normands.

Cefalù et Castelbuono

Située à une centaine de kilomètres à l’est de Palerme, la petite ville de Cefalù s’étend au pied d’un grand rocher qui surplombe la mer. Les petites rues médiévales achèveraient un tableau pittoresque, si la déferlante touristique ne gâchait pas l’authenticité du lieu. En cette saison, la mer est heureusement encore assez froide pour cantonner les masses de touristes aux terrasses des restaurants, plus que sur les plages. Pourtant, mon bain de mer en fin de journée n’était pas si froid, comparable à une baignade estivale à Bréhat. Mentionnons aussi la montée au temple de Diane, perché au-dessus de Cefalù, et la visite de la cathédrale baroque qui méritent le détour.

Soucieux aussi de découvrir autant que faire se peut l’intérieur de la Sicile et d’entrevoir le parc naturel des Madonies, nous avons opté pour une excursion au village de Castelbuono. Le paysage y est radicalement différent, avec une allure alpine et des monts culminant à près de 2 000 m. Les petites rues du village et son authenticité lui confèrent son caractère médiéval. Si bien que le château normand qui surplombe les toits s’impose naturellement. Plus étonnant en revanche, l’intérieur « rococo » de la chapelle qu’il abrite. L’opulence d’anges sculptés de stuc n’est pas de mon goût. Le style est radicalement différent dans l’église du XIVè siècle bâtie sur le site d’une mosquée qui s’était elle-même dressée sur le site d’un temple grec.

Ainsi, on ne s’étonne pas d’y trouver un chapiteau dorique dans un coin de l’église, des figures païennes peintes sur une poutre, une fenêtre en arabesque, et une crypte abritant des fresques bibliques du Moyen-Âge et de la Renaissance. 

Syracuse

Située au sud de la côte Est de la Sicile, Syracuse est à vol d’oiseau à 200 km de Cefalù. L’itinéraire en bus impliquant un retour à Palerme et des détours dus aux reliefs, nous avons préféré faire le voyage en train, avec un changement à Messine. Soit un trajet de 330 km le long de la côte,  ponctué d’arrêts dans toutes les petites gares. Ce voyage intéressant en soi nous a aussi permis de voir un peu de la ville (la cathédrale et le port). Quant au fameux détroit de Messine, il avait l’air bien calme. Charybde et Scylla auraient été neutralisé par un grand tremblement de terre au début du XXè…

De notre première promenade dans Syracuse, nous retiendrons l’impressionnante place en marbre sur laquelle est bâtie la cathédrale baroque, en marbre également. Pour le reste, la ville a beau être plus accueillante que Palerme, elle n’est pas en elle-même une merveille si l’on pense aux Venise, Bergame, Vérone autres villes d’Italie du nord. Les vestiges grecs sont quant à eux intéressants, mais bien moins spectaculaires que ceux de Ségeste. Les catacombes chrétiennes en sont toutefois assez impressionnantes.  

Enfin, nous ne sommes pas prêts d’oublier le fort qui se dresse sur la mer à la pointe sud de la presque l’île. Plus que la visite que nous avons raté, c’est la délicieuse soirée que nous y avons passé que je voulais mentionner. S’étant laissés enfermer sur le site après sa fermeture, nous avons profité du spectacle des derniers rayons de soleil venant éclairer le mur d’enceinte, sur fond d’un coucher de soleil sur la mer. L’occasion pour moi d’apprécier un bain du soir dans la mer ionienne en attendant que Romy prépare le pique-nique. Je vous passe les quelques acrobaties dont il a fallu nous acquitter pour ressortir du site…

Taormine et la Côte des Cyclopes

Faute d’avoir pu prendre l’unique bus du samedi, nous avons dû renoncer à une escapade sur les flancs de l’Etna dans la mesure où aucun bus n’assurait la liaison avec le refuge le lendemain, dimanche de Pâques. Nous avons toutefois bien profité de ces derniers jours pour visiter la côte au nord de Catane tout en nous reposant. C’est ainsi que nous sommes allés à Taormine. J’étais très curieux de découvrir l’un des lieux de tournage du Grand Bleu, et la ville se trouve être la station balnéaire la plus réputée de Sicile.

Cette réputation se comprend rapidement quand on découvre la situation de la ville. Perchée sur une paroi montagneuse, la vieille ville domine la mer. Des gradins de l’amphithéâtre grec (puis romain), on aperçoit entre deux colonnes derrière la scène les clochers et les toits de la ville, et en arrière-plan l’Etna. Sous nos pieds, la mer se glisse dans une longue baie le long d’une côte de lave. Malheureusement, la ville médiévale est devenue un grand étalage de magasins de souvenirs et de restaurants. Heureusement, des petites ruelles, des églises ou des palazzi  aident à se figurer l’ambiance de la ville authentique.

Pour notre dernière journée en Sicile, nous avons opté pour une excursion à Acireale. Située entre Catane et Taormine, la situation est semblable à celle de Taormine, le tourisme en moins. En regardant la côte depuis la mer à l’occasion d’une dernière baignade, j’ai essayé de penser aux Cyclopes qui étaient réputés habiter ici, sur les flancs de l’Etna. Les grands rochers basaltiques qui émergent un peu plus loin sur la côte seraient d’ailleurs les projectiles lancés par Polyphème tandis qu’Ulysse s’échappait après l’avoir aveuglé.

Ainsi, notre voyage de noces nous a emmené à la découverte d’un patrimoine exceptionnel de par la multiplicité des influences : grecque, romaine, byzantine, arabe, normande, ou encore catalane ! Ces visites ne nous ont pas empêché de profiter des grands espaces dans de magnifiques paysages méditerranéens. Enfin ces dix jours m’ont laissé tout le temps de profiter pleinement de ce merveilleux moment que  Romy et moi avons la chance de vivre depuis quelques mois.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article