Sur la route des villages-fantômes
Au cours d’une excursion précédente à l’ouest de Pékin, en avril, nous avions reconnu l’impossibilité de traverser la montagne au nord de la route nationale 108 en empruntant au départ du temple de Tanzhe une piste pittoresque – la route X004 – qui traverse une région de mines artisanales et permettait naguère de rejoindre la nationale 109 une fois la montagne franchie, comme nous l’avions fait plusieurs fois pendant notre premier séjour.
Dans une portion escarpée à flanc de montagne, .un éboulement avait obstrué la piste et des tonnes de rocher nous avaient contraints à faire demi-tour, renonçant à regret à une excursion classique dans une nature sauvage. Nous avions trouvé la montagne percée de toutes parts par des routes nouvelles desservant des carrières et avions constaté la fermeture des mines de charbon artisanales encore en activité dix ans plus tôt.
Ne voulant pas rester sur cet échec, nous avons fait ce dimanche une nouvelle tentative. Au départ du même village de Tanzhe, nous avons pris une autre route, la X016: petite route étroite mais goudronnée qui monte en lacets au nord-ouest, dans une nature luxuriante à cette période de l’année et permet de gagner en 8 km sans difficulté l’ancien village minier de Zhaojiatai.
Là, les choses se compliquent un peu. La route goudronnée se termine en impasse. Mais une route cimentée prend à gauche 300 m avant le fin de la route principale et permet de continuer à s’élever dans la montagne, vers le nord. La route se transforme bientôt en piste, impraticable pour une voiture ordinaire mais plutôt facile en 4x4. Par chance, la piste est déserte, car d’éventuels croisements seraient difficiles.
Nous déjeunons à un carrefour de pistes, dont les deux branches permettent en principe de rejoindre le village de Wangping et la nationale 109. Nous choisissons une peut arbitrairement la branche de l’est et la piste devient bientôt plus sauvage encore, pour ainsi dire abandonnée : étroite, sans trace de pneus et envahie d’herbes folles. Au voisinage du col qui sépare les deux versants de la montagne, nous avons notre récompense : le premier de quatre villages abandonnés : maisons en ruines, envahies par la végétation, avec le charme nostalgique de ces lieux désertés. L’abandon n’est pas complet, cependant : quelques lopins restent cultivés et des animaux domestiques sont toujours-là, sans doute gardés irrégulièrement par des villageois montés de villages encore occupés ; nous en croisons un ou deux, chargés de fagots. La fermeture des mines de charbon et l’attrait de la grande ville, si proche (60 km) bien qu’elle paraisse si lointaine, ont tué ces villages. La luxuriance des feuillages à cette période de l’année rend pourtant l’endroit bucolique malgré le sentiment d’abandon qui s’en dégage.
Le deuxième village fantôme, un peu après le col, m’intéresse particulièrement car il me semble le reconnaître : je crois l’avoir visité à la fin des années 90. mais l’erreur est possible, car il peut exister plusieurs sites semblables. Nous constatons que les mines artisanales, encore nombreuses il y a une douzaine d’années, semblent toutes fermées : l’impression de désert n’en est qu’accentuée.
Au troisième village, rencontre imprévue avec un serpent de grande taille (4 m ?) jaune-verdâtre, qui prend la fuite au bruit de la voiture. Sans doute n’est il pas souvent dérangé. Le quatrième village passé, nous retrouvons une petite route goudronnée (C141) et l’aventure s’achève : la nationale 109 nous ramène lentement mais sûrement vers Pékin.
L’excursion est finalement facile à condition de ne pas se perdre, la piste ne présentant aucun passage vraiment délicat. Nous avons la satisfaction de pouvoir à nouveau traverser cette belle région de montagne qu’une désertification aujourd’hui complète rend tout à fait sauvage. Les touristes et les randonneurs ne s’aventurent pas dans ce désert alors qu’ils sont si nombreux ailleurs. Mais pour combien de temps ?
PS (novembre 2010) : six mois plus tard, la piste décrite ici n'existait plus et les collines étaient méconnaissables; voir Villages fantômes et feuillages d'automne