Shandong
Qingdao, plage n° 3
Au sud-est de Pékin, la péninsule du Shandong (« les montagnes de l’est », par opposition au Shanxi, les montagnes de l’ouest) joue un rôle de premier plan dans l’histoire, la culture et l’économie chinoises. La province compte aujourd’hui plus de cent millions d’habitants, ce qui en fait l’une des plus peuplées du pays. Ses plaines agricoles – il n’y a pas que des montagnes loin de là – en font l’un des greniers de la Chine et les cultures sous serres s’y étendent à perte de vue, bien que l’agriculture ait souffert d’une sécheresse sévère cet hiver. En huit jours, nous n’avons pu la découvrir entièrement, bien sûr, mais nous avons pu admirer plusieurs de ses sites les plus connus :
- Jinan, la capitale provinciale, n’est pas la ville la plus séduisante de Chine. Mais on y trouve un musée provincial tout neuf, énorme, avec une superbe collection d’art bouddhiste. Nous avons aussi aimé son petit quartier hui – musulman – avec ses marchés de rue. Nous avons arpenté l’ancienne concession, menacée par une urbanisation rapide, mais avec des restes d’architecture allemande dont le fleuron est la cathédrale catholique, massive. Au sud-est de la ville, nous avons aimé le temple vénérable de Shentong avec sa « pagode à quatre portes » du 7ème siècle.
- sans être la plus haute, le Mont Taishan (1 545 m) est la plus célèbre et la plus emblématique des montagnes sacrées chinoises. Tout ce que la Chine compte de célébrités s’y est rendu ; le pèlerinage au sommet est une tradition plus de deux fois millénaire. Cet escalier de plus de 6 000 marches (1 250 m de dénivelé à peu près) est surtout un parcours culturel et spirituel avec quantité de petits temples ou oratoires et des centaines – sans doute des milliers - de pierres calligraphiées. L’ascension est fatigante car raide, mais on en vient à bout. Plus éprouvante est l’affluence : la première moitié de la montée est calme mais la seconde se fait avec beaucoup de compagnons, tous ceux qui sont montés en minibus jusqu’à mi-pente. Au sommet, on retrouve en plus ceux, plus nombreux peut-être, qui ont opté pour le téléphérique et déjeunent dans des restaurants disgracieux. Plus affligeante encore est la saleté du parcours : malgré de nombreux balayeurs qui s’affairent sans relâche, le Taishan est par endroits un vrai dépotoir avec les touristes par milliers qui jettent leurs déchets sans vergogne. Pourtant, le spectacle est beau du sommet et l’on se sent en communion avec des pèlerins, des rois et des lettrés venus du fond des âges. Nous ne regretterons pas cette ascension.
- Deux des plus grands penseurs chinois, Confucius (Kongzi) et Mencius (Mengzi) sont originaires du Shandong, plus précisément des villes de Qufu et Zoucheng, distantes de 23 km seulement. Chacun a laissé un temple et un palais. Ceux de Confucius sont devenus des attractions touristiques nationales qui attirent les touristes en foule, alors que le temple et le palais de Mencius, beaucoup moins visités, gardent une ambiance presque intime qui nous a séduits. Malgré ou à cause de la pluie, nous avons particulièrement aimé la « forêt de Confucius » à Qufu : un immense cimetière en forme de forêt où les stèles et les statues, plantées dans un désordre apparent, disparaissent sous les herbes folles.
- A Rizhao, sur la côte sud, nous avons découvert la Mer jaune, de belles plages et des tours en front de mer qui surprennent dans une petite ville peu connue. Des immeubles de luxe qui ne dépareraient pas en Floride voisinent littéralement avec des installations industrielles ou des ports de pêche crasseux. En longeant la côte vers l’est, nous nous sommes copieusement égarés dans le port de conteneurs de Huangdao, image impressionnante de modernité industrielle.
- Mais la ville la plus séduisante du voyage est sans conteste Qingdao, en bord de mer, avec de belles plages propres au cœur de la cité. La présence allemande, pourtant brève (1897-1916) a façonné le centre avec une architecture germanique dans un décor presque méditerranéen. Qingdao (Tsingtao dans sa graphie ancienne) est aussi la patrie de la bière du même nom, la plus célèbre de Chine, dont nous visitons les caves centenaires. Un peu plus loin, les plages continuent devant les gratte-ciels et l’on se croirait à Shanghai, Singapour ou Dubaï. Ces plages sont exploitées intensivement : une véritable industrie de la photo de mariage les utilise comme studios de plein air. Des douzaines de couples se font photographier sur fond de grand large en prenant des poses romantiques, théâtrales ou inspirées, chaperonnés par des agences dont ces séances sont le gagne-pain. Pas une anfractuosité, pas un promontoire qui n’ait ses mariées prenant la pose en robe blanche, rouge, jaune, rose ou bleue selon les goûts. Il faut s’éloigner encore vers l’est, sur les pentes de la célèbre Laoshan, pour trouver une vraie côte sauvage genre Esterel, avec son granit ocre et ses pins.
Deux haltes intéressantes sur le chemin du retour :
- Jiangjiayu, un village séculaire remarquablement préservé qui est devenu – au sens propre comme au figuré – un vrai décor de film sur l’histoire chinoise. Bien que vivant du tourisme et du commerce qui en découle, les habitants sont accueillants et nous n’oublierons pas le sourire de triomphe d’un paysan sourd-muet à qui nous venions d’acheter – un peu cher peut-être dans le contexte local – l’humble panier qu’il venait de tresser.
- A Dezhou, dernière ville de la province avant de regagner Pékin, nous sommes une nouvelle fois surpris par le contraste entre la cité administrative moderne qui fait un peu figure de ville fantôme avec ses avenues immenses et vides et la vraie ville, où l’ambiance est à l’opposé : nombreux restaurants, petits marchés en plein air où les jeunes dînent dans la rue de brochettes et de bière ; nous retrouvons l’ambiance de l‘Asie du sud-est il y a une trentaine d’années.
Grâce à son réseau d’autoroutes, le Shandong se parcourt rapidement, mais non sans risques. Les excès de vitesse, les doublages imprudents, les voitures à contresens sur l’autoroute (à trois reprises) requièrent une vigilance constante. Nous avons même été témoins d’un fait divers spectaculaire : une voiture noire, bientôt rejointe par une autre, contraint par ses zigzags une voiture tierce à s’arrêter devant nous en pleine autoroute comme dans un film de gangsters. En sortent de gros bras qui empoignent le conducteur du véhicule immobilisé et le rossent d’importance tandis qu’une belle éplorée cherche refuge dans un autobus immobilisé comme nous-mêmes. Nous n’en saurons pas plus.
Il resterait beaucoup à découvrir – Yantai, Weihai et des centaines de sites mineurs – mais le Shandong avec son histoire, ses montagnes et ses plages nous a d’autant plus séduits que nous y avons été très bien reçus avec impression d’être les seuls visiteurs étrangers ou peu s’en faut.
Voyez aussi notre album de photos : Shandong-mai-2011
et notre journal de voyage : Journal du Shandong (mai 2011)