Rinjani

Publié le par Ding

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Le lac de cratère du Rinjani (Segara Anak)

La masse imposante du volcan Rinjani occupe tout le tiers nord de l'île de Lombok (voir l'article précédent), entre Bali et Sumbawa. Culminant à 3 726 m, Ie Rinjani domine Lombok et est visible de toute l'île par beau temps. C'est un des volcans principaux de la "ceinture de feu" indonésienne, entre le Merapi (Java), l'Agung (Bali), le Tambora (Sumbawa) et le Keli Mutu (Florès). C'est un volcan à caldeira, celle-ci étant occupée par un lac (Segara Anak). Particularité notable : le volcan découle de l'explosion et non de l'implosion du cratère d'origine. Cette explosion catastrophique s'est produite en 1257, recouvrant la capitale de l'île et modifiant le climat dans le monde entier (le même phénomène s'est reproduit avec l'explosion du Tambora en 1815).Un cône volcanique, le Barujari, reste actif au bord du lac de cratère. Le Rinjani est considéré comme sacré tant par les Sasak musulmans de Lombok que par les Balinais hindouistes.

 

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Bien que des dizaines de randonneurs l'entreprennent chaque jour même en saison des pluies,  l'ascension du volcan n'est pas une mince affaire et suppose une réelle endurance.  J'avais la fierté d'être de très loin le doyen du groupe qui a quitté le village de Senaru (alt. 600 m), au nord de l'île le 17 décembre au matin.  Après les formalités d'entrée dans le parc national, notre petite troupe avec guide et porteurs a commencé à s' élever dans une belle forêt équatoriale aux arbres centenaires. 

 

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Le sentier est jalonné de quelques abris et c'est heureux car c'est sous une forte pluie que nous avons pris notre premier déjeuner. 

L'excursion a failli finir là en ce qui me concerne car mon sac, que je croyais porté par qui de droit, était resté en bas ! Le temps d'y remédier, cinq heures avaient passé et mes compagnons avaient repris la montée. C'est seul et sac à dos que j'ai repris la marche vers 15 h 30.

 

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La taille des arbres diminue avec l'altitude et la forêt cesse vers 2 000 m. On progresse alors dans des coulées de lave ancienne couverte d'herbe. Malgré la défense qui en est faite, des troncs noircis attestent de brûlis fréquents.  Le sentier de lave est raide et gravillonné, glissant par endroits. 

 

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C'est à 18 h 30, que j'atteins le rebord de la caldeira (alt. 2 639 m). La nuit tombe mais le spectacle du lac Segera Anak, 630 m plus bas, récompense des fatigues de la montée.  Mes compagnons sont là et le bivouac dressé depuis longtemps sur une étroite plate forme surplombant le cratère. 

Il fait froid à cette altitude même à 9 degrés de l'équateur surtout quand on est mouillé.  Le repas chaud et un petit feu de bois (combustible trouvé tant bien que mal) sont réconfortants mais le couchage est fort dur et la nuit repose peu. 

 

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Le soleil levant révèle la caldeira dans tout son développement.  A 6 h 50 nous commençons à y descendre par un chemin escarpé car la paroi est presque verticale.  Le spectacle au petit matin est remarquable.  On rencontre plusieurs essences, surtout des casuarinas. En face,  sur la rive opposée du lac, le volcan Barujari est trop récent pour être végétalisé. De son cône de lave noire s' élèvent des colonnes de vapeur.  Un peu plus à gauche,  des solfatares dans la forêt attestent aussi d'un travail plutonien qui se poursuit. 

 

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La descente est raide et lente. Vers 9 h nous sommes au bord du lac (alt. 2 008 m).  L'endroit est pittoresque avec l'eau,  la forêt et un soleil qu ne tardera pas à être masqué par le brouillard. 

 

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A la pointe nord du lac, une brèche s' ouvre dans la muraille basaltique.  Le lac ne s' y déverse pas directement cependant. Des sources chaudes issues des roches ignées alimentent un torrent qui s' écoule vers la plaine.  Ses eaux, trop chargées en souffre, sont impropres à l'irrigation. Les blocs de lave ont formé quelques piscines naturelles où les amateurs peuvent se délasser dans des eaux souffrées à 30 °C environ.

Le déjeuner pris,  nous commençons l'ascension de l'autre côté de la caldeira en nous éloignant du lac. Plus de forêt mais des coulées anciennes de lave herbeuse,  très escarpées et profondément creusées par l'érosion. Plusieurs passages difficiles - pas tous - ont été aménagés avec des marches ou des rampes de sorte que la montée n'est pas dangereuse malgré la forte pente. Nous montons dans le brouillard.

Nous retrouvons le rebord de la caldeira (alt. 2 641 m) après deux heures de montée.  Nous dressons le bivouac un peu au sud (alt. 2 700m). Beaucoup de pluie dans l'après midi. Quelques contacts sont possibles avec le reste du monde car le signal téléphonique et Internet sont captables par intermittences.

A 18 h 33, alors que la nuit est toute proche,  un grondement retentit pendant plus de trente secondes. Il ne s'agit pas du tonnerre qui a grondé de temps à autre aujourd'hui mais d'une chute de pierres massive sur le versant d'en face. Des centaines ou des milliers de tonnes de roches,  fragilisées par la pluie,  sont précipitées dans la vallée. Il est heureux que notre camp soit installé en sécurité sur une crête. Sinon ...

La  seconde nuit sous la tente est encore moins reposante que la première car elle s' interrompt dès 1 h 30 le 19 décembre. Nous commençons l'ascension finale à 2 h 10. Les 300 premiers mètres de montée sont pénibles dans une coulée de lave raide et glissante. A 3 000 m, nous trouvons une ligne de crête. Les lumières de Mataram sont bien visibles au sud, la région de Bayan au nord. La montée est ensuite moins raide et plus facile sur la crête,  mais une lave très meuble où le pied enfonce comme dans du sable ajoute à la fatigue. Notre groupe étant en tête de plusieurs autres, les lampes LED dont chacun est muni tracent une longue chenille sur la lave noire. Nous cheminons sous le ciel étoilé avec un mince quartier de lune.

A 3 500 m la montée devient à nouveau plus rude car se conjuguent une pente à nouveau raide, une lave poudreuse où les pieds enfoncent et un air qui commence à se raréfier avec l'altitude. C'est dire le soulagement ressenti lorsqu'à 5 h, nous atteignons le sommet tant désiré (116° 27' E, 8° 24' S, alt. 3 726 m).

 

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Sumbawa, vue du sommet du Rinjani

 

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Il fait encore nuit mais l'aube point à 5 h 10 et révèle un panorama circulaire de premier ordre. A nos pieds, 1 700 m en contrebas, le lac de cratère qui retrouve peu à peu son bleu diurne. Dans un deuxième cercle, les pentes verdoyantes du volcan et toute l'île de Lombok. A l'ouest les trois petites îles Gili et, beaucoup plus loin, le volcan Agung de Bali. Vers l'est Sumbawa est  toute proche et le volcan Tambora se distingue au loin . Ce spectacle est une leçon de géographie.  C'est aussi la plus belle des récompenses après l'effort de la montée. 

 

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Reste la descente que nous débutons à 5 h 45. Nous croisons les malheureux qui peinent encore pour monter. Vue de jour, la lave n'est pas uniformément noire, elle est rougeâtre ou brune, voire jaune par endroits.  On retrouve les premiers arbustes à 3 500 m.

 

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Après nous être restaurés et avoir levé le camp, nous commençons à 8 h 30 la longue descente finale, vers le nord-est cette fois. Elle présente peu d'attrait avec une lave gravillonnée glissante et peu de forêt,  contrairement au chemin de montée. En dessous de 1 500 m, on trouve quelques vaches. A 13 h 30,  nous retrouvons enfin la civilisation : un plateau (alt. 1 150 m) bien cultivé où poussent du riz,  quelques épices (girofliers) et de nombreux légumes qui prospèrent en demi-altitude. Au village de Sembalun se terminent au soulagement général cette dernière etape de 9 h 30 et cette descente de 2 700 m.

 

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le Rinjani vu du sud-est de Lombok

Magnifique est le terme qui convient pour qualifier le Rinjani. Il est parmi les plus beaux dans un pays pourtant richement doté du nord de Sumatra jusqu'aux  Moluques. Le spectacle du sommet et celui de la caldeira sont inoubliables.

Il y a hélas un envers du décor.

Les arbres brûlés qui jalonnent les pentes malgré la défense de faire du feu. Et surtout l'énorme quantité de détritus que les randonneurs jettent sur leur passage. Le sentier est sale et les lieux de bivouac,  pourtant placés dans de très beaux endroits, sont de vraies décharges publiques.  L'obligation de rapporter tous les déchets est certes dûment affichée à l'entrée du parc mais nul n'a cure de la respecter, de la faire respecter ou de nettoyer.  Nous n'avons rencontré aucun garde du parc national en trois jours hormis bien sûr ceux chargés d'encaisser le droit d'entrée.  Il faudra du temps et beaucoup d'éducation avant que le geste simple d'emporter ses déchets passe dans les moeurs.  Souhaitons que cette prise de conscience survienne avant qu'une merveille du monde soit devenue un dépotoir. 

 

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le Rinjani vu du ciel

 Voyez aussi notre album de photos de Lombok et du Rinjani.

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