Meilleure ville, meilleure vie
Deux semaines après son ouverture, l'exposition universelle de Shanghai n'attire pas autant de visiteurs que prévu. Il n’est pas sûr qu'il faille s'en plaindre, car l'affluence est déjà importante : deux ou trois heures pour entrer sur le site si l'on n'a pas la chance de bénéficier d'un traitement de faveur et deux heures de queue pour entrer dans les pavillons les plus courus.
Une exposition universelle est un curieux exercice. Chaque pays essaie d'attirer l'attention par l'originalité de son pavillon. Le caractère éphémère de ceux-ci libère les architectes des contraintes de la pérennité et permet un certain défoulement. Certains pays font dans le sobre et le classique, d'autres laissent libre cours a leur fantaisie. Parmi les pavillons les plus remarqués : l'Espagne avec son panier géant ( http://en.expo2010.cn/c/en_gj_tpl_74.htm ); le Japon avec une masse rose informe – mais technologiquement très avancée – que les visiteurs surnomment déjà « le poumon » ; le Royaume uni avec son cube porc-épic hérissé de 60 000 épines en fibre de verre dont chacune contient une graine d'arbre (elles seront données à 60 000 écoles chinoises après l'exposition) ; l'Arabie avec sa coupole renversée surmontée de palmiers et le plus grand écran Imax du monde (http://en.expo2010.cn/c/en_gj_tpl_35.htm - coût : 120 millions de dollars).
Du pavillon chinois (http://news.bbc.co.uk/2/hi/8503913.stm ), on dira sans grande originalité qu'il en impose. Structure massive en forme de couronne rouge renversée, il a suscité quelques controverses (d'aucun lui reprochent de ressembler beaucoup au pavillon nippon d'une exposition précédente). Mais le but premier est atteint puisqu'il domine l'ensemble du site et projette une image de tradition chinoise autant que de modernité. Seuls quelques heureux élus peuvent monter sur le toit, dont une partie est fait de plaques de verre. Marcher ainsi à 60 m du sol en dominant l'ensemble du site laisse une forte impression. A l'intérieur, l'étage consacré aux provinces de Chine sent un peu son Disneyland mais certaines attractions sont assez remarquables : l'animation sur grand écran d'un manuscrit Ming où l'on voit vivre une ville de l'époque sur une fresque monumentale animée; un film 3D sur l'histoire de Shanghai, les spectateurs étant attachés sous la coupole et secoués comme s'ils se déplaçaient à toute vitesse à travers les ages. Une Chine entrée de plain pied dans le futur et les hautes technologies tout en puisant dans son histoire millénaire : le message est simple, mais l'effet est réussi.
De petits pays parviennent avec des moyens limités a se faire une vraie publicité : c'est le cas de Monaco (http://en.expo2010.cn/c/en_gj_tpl_84.htm ) qui joue sur son rocher, son histoire, son image de luxe et une animation vidéo échevelée qui part de l’homme des cavernes s'achève dans l'espace à la verticale du rocher en 3010. Un peu extrême, mais une exposition universelle n'est-elle pas le lieu de l'imagination débridée ?
Deux semaines après son ouverture, le pavillon français attire beaucoup de commentaires de ses visiteurs français, pas toujours flatteurs. Outre sept œuvres venues du musée d'Orsay, il se compose pour l'essentiel d'un mur d'images qui propose un voyage en France avec des paysages, la tour Eiffel et des scènes de rue et de vie à la française. D'aucuns lui reprochent de projeter une image trop classique voire passéiste de la France, peu tournée vers l'avenir, les technologies et la recherche. Inversement, le pavillon peut plaire par son classicisme, son jardin intérieur vertical et une sobriété plutôt de bon aloi. Quoi que l'on puisse en penser, c'est un succès d'affluence incontestable : le pavillon est l'un des plus visités, la file d'attente est longue et l'on se fraie un chemin au coude à coude, preuve s'il en était besoin que la France « romantique » - c'est ici le qualificatif constant - attire et fait rêver.
Quand on quitte l'Expo, il reste Shanghai et en particulier Pudong, la ville nouvelle à l'est du Huangpu, incarnation de la modernité chinoise. En face le Bund, cette promenade mythique sur la rive occidentale du fleuve, vient d'être rénovée pour attirer les piétons et les attire en effet par milliers. La nuit tombée, la vue du Bund avec ses immeubles des années 1920 derrière et les tours futuristes de Pudong avec leurs éclairages multicolores en face est spectaculaire. Vitrine de la Chine moderne, Pudong éblouit le visiteur chinois ou étranger - alors qu’il reste sur l’autre rive, à Puxi, des quartiers beaucoup moins glamour : voir l'article Au Sud de l'Avenue du Tibet par le Sud du Boulevard de la Montagne du Milieu . Mais, comme Cendrillon, il faut en profiter vite car ensuite les lumières s'éteindront dans un souci louable d'économiser un peu cette énergie dont la Chine a une soif insatiable. « Meilleure ville, meilleure vie » : réalité ou simple slogan pour une exposition hors normes? La question reste ouverte quand les gratte-ciels assombris veillent comme des fantômes sur la ville immense, sous fond de nuages plombés, au cœur de la nuit.