La fête du printemps

Publié le par Ding

 

 

(mis à jour le 9 février)

 

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L'année du lapin a commencé le 3 février.

 

Le nouvel an a été précédé de tous les rites qui en font la fête chinoise par excellence : dès le 21 janvier, les écoles fermaient et les travailleurs migrants repartaient dans leurs villages, formant la plus grande migration saisonnière du monde. Malgré un déploiement de moyens considérables, ce grand exode a été contrarié par l'hiver, rigoureux cette année dans le sud du pays, qui a bloqué les routes et les voies ferrées. Malgré toutes les précautions du Ministère des chemins de fer, dont la généralisation du billet de train nominatif, il reste très difficile de trouver des billets de train et le marché noir reste actif : 491 revendeurs clandestins ont été arrêtés pendant les fêtes et 15 000 fauisses cartes d'identité ont été saisies. De nouvelles tendances apparaissent toutefois : nombre de travailleurs migrants prennent des vacances plus courtes (5,3 millions de voyageurs ont regagné les grandes villes en train dès le 6 février), ou n'en prennent pas du tout, sachant qu'ils trouveront aisément du travail à une période où la main d'oeuvre est rare.

 

 

Pour ceux qui ne partent pas en vacances, cet exode a ses avantages : les embouteillages ont disparu de Pékin comme par enchantement et les environs de la capitale étaient déserts lors de notre dernière excursion dominicale : la muraille était pour nous (1).

 

Les maisons se sont couvertes de lanternes et d'inscriptions rouges pour le nouvel an. Les étals regorgent de marchandises et notamment de comestibles pour les repas et les cadeaux du nouvel an. Bien que la recrudescence de l'inflation soit le grand sujet du moment, les Chinois ont beaucoup dépensé et l'atmosphère reste résolument à l'optimisme. Les restaurants affichaient complet pour le réveillon du 2 au soir.

 

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Les Chinois ont préparé des cadeaux, garni d'argent des enveloppes rouges pour les enfants (avec des billets toujours en nombre pair), sont allés chez le coiffeur (il ne faudra plus y aller pendant le premier mois lunaire, cela porte malheur). Toutes les institutions ont offert des réceptions de nouvel an, transformant le mois de janvier en une suite de banquets un peu éprouvante à la longue.  Les temps changent, cependant : les visites à la famille et aux amis le matin du nouvel an, rite séculaire, cèdent le pas aux envois en nombre de messages de voeux sur les téléphones portables ; les Pékinois en ont envoyé un milliard - un milliard ! - le 3 février, provoquant l'agacement d'abonnés dont le téléphone sonnait sans discontinuer.

 

Les sujets propres au nouvel an sont traités en bonne place par les journaux. De nombreux jeunes célibataires urbains appréhendent de rentrer seuls dans leur famille, sachant qu'ils feront face à des questions pénibles sur leur retard au mariage, assorties de rencontres arrangées par leurs parents. Un petit commerce de "fiancé(e)s à louer" est donc apparu. Pour quelques centaines d'euros, parfois davantage, un ou une fiancée de complaisance accompagnera le jeune célibataire chez ses parents et se fera passer pour un vrai fiancé. Pas très moral, observent les journaux, mais faut-il s'en plaindre si tout le monde passe ainsi un bon nouvel an ? Autres bonnes affaires du nouvel an ; des sociétés proposent des chauffeurs aux conducteurs pris de boisson qui craignent, à juste titrre, les rigueurs de la loi s'ils prennent le volant.

 

Les pétards sont au coeur des réjouissances et cet article est écrit au son de leurs déflagrations ininterrompues, qui donnent l'impression factice d'un pays en guerre (2). Censés naguère effrayer les mauvais esprits, ils contribuent aujourd'hui à "rendre l'atmosphère festive", comme nous le dit l'agence Chine nouvelle. Il s'en est vendu 900 000 boîtes à Pékin ces derniers jours et toute la ville a résonné de leur vacarme la nuit du nouvel an : de simples particuliers n'hésitent pas à dépenser 2 000 euros et toute société qui se respecte organise ses feux d'artifice. Les pompiers sont mobilisés, d'autant plus que la grave sécheresse qui frappe la Chine du nord aggrave les risques d'incendie. Un hôtel cinq étoiles a brûlé à Shenyang, reproduisant le désastre qui avait frappé Pékin en 2009; un temple millénaire a en partie brûlé à Fuzhou..

 

Pour la seule ville de Pékin, le bilan des accidents causés par les pétards s'élevait à deux morts et 388 brülés le 8 au matin (ce n'est pas terminé, car la pétarade se poursuivra jusqu'à la fête des lanternes, le 17). 2 380 tonnes de déchets de pétards avaient été ramassés au matin du nouvel an par 20 000 employés de la voirie municipale. La police a mis en place un vrai cordon aux frontières de la municipalité, pour tenter d'empêcher les Pékinois d'acheter des pétards trop bruyants ou de mauvaise qualité, que l'on trouve en abondance dans la province voisine du Hebei. A l'échelle du pays, les pompiers ont recensé 11 800 incendies pendant la semaine de congés du nouvel an. Des voix se font entendre pour rappeler que les pétards contribuent à une pollution de l'air déjà considérable. Mais rares sont ceux qui préconisent de rétablir leur interdiction (telle qu'elle était en vigueur à Pékin de 1993 à 2006) tant les pétards sont au coeur des réjouissances du nouvel an.

 

Après le repas de réveillon, partagé en famille, le jour de l'an - le 3 - a été plus calme : on rend visite aux aînés et à la famille, on va faire quelques dévotions dans les temples - certains sont pris d'assaut - on va passer la journée dans les parcs, d'autant plus volontiers que le temps, après un mois de froid relatif, est quasiment printannier depuis deux jours. C'est ainsi que nous avons passé cette journée, déambulant autour du Temple du ciel dans un grand concours de peuple et une ambiance bon enfant.

 

  

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Un étal de sucreries. Au fond, les caractères "Chun Jie" : fête du printemps.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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De nombreux temples organisent ces jours-ci leur fête annuelle : les dévotions, les distractions et une activité commerciale pure et simple se mêlent sans que ce mélange des genres semble gêner quiconque. Ce sont des foires colorées où l'on peut tout acheter ... même des tigres en peluche de l'an dernier à prix réduit.  

 

 

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A tous, bonne année du lapin !

 

(1) : nous avions déjà eu la bonne surprise de trouver les routes vides au nouvel an précédent : voir l'article Shanxi .

(2) : "dans cette partie du monde, on distingue mal l'éclatement des pétards de celui des grenades" (Malraux, Antimémoires).

Publié dans Nouvelles de Pékin

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