aux tombeaux Ming
Plus de vingt-et-un ans après ma première visite et plus de dix ans après ma dernière, je suis retourné aujourd'hui aux tombeaux Ming, à 45 km de Pékin.
Franchement, je m'attendais au pire. De fait, cela a beaucoup changé :
- là où il fallait moins d'une heure de route, il m'en a fallu aujourd'hui plus du double; il est vrai que ce week-end est exceptionnel avec les congés de la fête nationale, mais il y a surtout beaucoup plus de voitures : près de 2 000 voitures neuves sont immatriculées chaque jour dans la capitale; cette nouvelle classe moyenne sort le dimanche et encombre de petites routes qui n'ont pas été élargies; entre les tombeaux, la petite départementale est complètement envahie de grosses voitures qui klaxonnent à qui mieux-mieux, même si les camions sont moins nombreux, peut-être parce qu'interdits le dimanche;
- surtout, presque tous les tombeaux sont désormais restaurés à la chinoise, c'est-à-dire remis à neuf; c'est superbe, c'est clinquant, mais le charme de ces vieilles nécropoles croulantes et envahis par la végétation, dans lesquelles nous pique-niquions avec tant de bonheur, n'est plus qu'un souvenir bien nostalgique.
J'ai retrouvé un seul tombeau non restauré, Yu Ling, dans un état très dégradé et menaçant ruine : larges fissures dans les murs, charpente en lambeaux. Il est de plus clos hermétiquement, de sorte que je n'ai pu que l'apercevoir de loin, hélas. Juste à côté, Mao Ling est en cours de restauration - j'allais écrire "de reconstruction" - couvert d'échafaudages, toiture enlevée en attendant un toit tout neuf ... Quant aux temples restaurés, la plupart sont aussi clos et inaccessibles, seuls trois sont ouverts aux (hordes de) visiteurs. Kangling, niché au creux d'un petit vallon, présente tout de même un intérêt particulier car on peut en prendrdeune bonne vue sans y pénétrer, il suffit d'en faire le tour.
L'amoureux des vieilles pierres ne peut que déplorer ces rénovations à la chinoise qui consistent à reconstruire à neuf : c'est la méthode héritée des archéologues soviétiques (cf les palais de Samarcande). En toute justice, il faut reconnaître que laisser les tombeaux en état aurait été les condamner à disparaître , tant les intempéries et peut-être les secousses sismiques les ont conduits au bord de la ruine. De ce point de vue, les tombeaux Ming peuvent être comparés aux vieux quartiers de Pékin, dont on déplore volontiers la disparition, mais qui ne pouvaient guère rester en l’état.
Quant à laisser les tombeaux ouverts à la libre flânerie, c'était peut-être possible il y a quinze ans quand les visiteurs étaient peu nombreux : avec un tourisme chinois massif, ce n'était manifestement plus possible. Il fallait donc enclore et restaurer. On aurait seulement aimé une restauration qui aurait laissé un peu de ces tombeaux ensevelis sous l'herbe ...
Dès que l'on quitte la route et ses embouteillages, la campagne d'octobre reste en revanche très plaisante avec un temps magnifique, du maïs prêt pour la récolte et des pommiers et des plaqueminiers chargés de fruits que les paysans vendent aux touristes.
Poursuivant la remontée de la vallée, j'ai traversé plusieurs villages désormais rebaptisés "folkloriques" pour les JO, malgré l'absence de toute architecture remarquable, et envahis de petits restaurants et d'enclos piscicoles. Une petite gorge où nous nous promenions naguère est désormais promue au rang d’attraction touristique avec un vaste parking et des restaurants.
Il faut remonter plus haut, presque au bout de la route, pour trouver enfin la tranquillité. La marche sous le soleil, en montant dans les granits abrupts, dans la forêt, est alors un vrai bonheur. A 55 km de Pékin, on se sent enfin bien loin et on retrouve fugitivement le temps envolé, avant de replonger dans les embouteillages du retour.