L’île des kangourous

Près de la baie de Pennington, sur la côte sud

Abstract : 223 years after it was « discovered » on the southern shores of Australia, Kangaroo Island remains a wonderfully quiet place, at least in early spring. Lush pastures, eucalyptus forests and the big waves of the Southern Ocean crashing on its granite cliffs. A lot to discover.

« Le soir, le cap Borda fut doublé, et l’île Kanguroo (sic) prolongée à quelques encablures. C’est la plus grande des petites îles australiennes, et elle sert de refuge aux déportés fugitifs. Son aspect était enchanteur. D’immenses tapis de verdure revêtaient les rocs stratifiés de ses rivages. On voyait comme au temps de sa découverte, en 1802, d’innombrables bandes de kanguroos bondir à travers les bois et les plaines. »

Jules Verne, les enfants du Capitaine Grant, 1868, deuxième partie, chapitre VI

L’ile des kangourous (Kangaroo Island), se trouve sur la côte sud de l’Australie, au sud du cap Catastrophe et à un peu plus de cent kilomètres au large de la ville d’Adelaide. Depuis la fonte des glaciers du quaternaire, elle est séparée du continent australien par le Backstairs Passage, un détroit de 13,5 kilomètres de large. Nous avions prévu de franchir celui-ci en ferry mais une mer trop forte, le 19 septembre, a paralysé la navigation. Nous avons dû nous rabattre sur un vol de vingt-cinq minutes.

Désertée par les anciennes populations aborigènes, l’île fut re-découverte en 1802 par les capitaines Matthew Flinders (britannique) et Nicolas Baudin (français). Tous deux y séjournèrent en bonne intelligence bien que leurs nations fussent en guerre à l’époque et souvent concurrentes dans les mers du sud. De cette découverte conjointe est restée une toponymie en partie française : le cap Borda, le cap du Couedic, le cap d’Estaing, la baie Maupertuis, la baie d’Estrees, Baudin Beach et plusieurs autres. Baleiniers, chasseurs de phoques et convicts en fuite fréquentèrent l’île dès le début du 19ème siècle mais la colonisation britannique proprement dite commença en 1836.

Kingscote, la « capitale », est une très petite ville (1 900 habitants) qui avait pourtant été retenue à l’origine pour être la capitale de l’Australie méridionale. Lors de notre visite, un dimanche après-midi, nous n’avons guère rencontré âme qui vive – si ce n’est un otarie et les oiseaux de mer sur la jetée.

L'est de l'île et la péninsule de Dudley (photos 2 à 5) ; le champ des cygnes (photo 6) ; rouge-gorge écarlate (photo 7)

L’est de l’île, jusqu’à la péninsule de Dudley, est une zone uniformément verte, pâturages, champs cultivés et vignobles, qui nous a beaucoup rappelé les campagnes de Nouvelle Zélande visitées il y a six mois. Même les moutons étaient au rendez-vous. Quelques petites réserves naturelles cependant, où nous avons pu observer plusieurs types d’oiseaux dont le rouge-gorge écarlate, oiseau symbole de l’île.

La plage de Langsham (photos 1 à 3) ; Emu Bay (photos 4 et 5)

Les plages de sable blanc, à l’est et au nord de l’île, sont plutôt calmes et se prêtent à la baignade en été. Nous les avons trouvées désertes aux premiers jours du printemps et ne nous en sommes pas plaints. C’est bien l’« aspect enchanteur » évoqué par Jules Verne. L’île, peuplée par 5 000 habitants, accueille paraît-il 140 000 visiteurs par an mais ceux-ci sont très rares hors saison. Nous avons eu les routes et les plages pour nous.

Les dunes de Little Sahara (photos 1 et 2) ; dans le parc de Flinders Chase (photos 3 à 7).

L’ouest de l’île, jusqu’au parc national de Flinders Chase, est beaucoup plus sauvage. Les champs cultivés laissent la place aux forêts d’eucalyptus qui se régénère aujourd’hui après les incendies catastrophiques de 2019 et 2020. Et aussi des tamaris, des mimosas en fleurs au sortir de l’hiver, des yuccas, des araucarias. Nous y avons fait quelques rencontres : un kangourou surpris en pleine forêt, un échidné – ce mammifère qui pond des œufs, ça n’existe qu’en Australie – qui creusait son terrier et ne s’est pas dérangé pour nous.

Nous avons aperçu quelques autres kangourous et un deuxième échidné sur les routes. Mais, tristement, nous en avons vu des dizaines écrasés ; la faune sauvage paie un lourd tribut à la circulation automobile, surtout la nuit.

Vivonne Bay (photos 1 et 2) ; un navire en détresse (photo 3) ; le cap du Couédic (photos 4 et 5) ;

La côte sud, exposée aux colères de l’océan - nous empruntons aussi cette expression à Jules Verne -, était jadis redoutée des navigateurs. Elle fut le théâtre de plusieurs naufrages meurtriers. Les navires s’égaraient dans le brouillard au risque de se perdre sur les brisants de la côte qui ne leur laissaient aucune chance. Des phares furent construits seulement au début du siècle dernier pour arrêter l’hécatombe.

Vues du cap du Couédic (photos 1 à 3) ; l'"arche de l'Amiral" (photo 4) ; "rochers remarquables (photos 5 à 7)

Nous avons contemplé la grande houle de l’Océan austral s’écrasant sur les falaises du cap du Couédic. Et les « rochers remarquables » sculptés par l’érosion sur un dôme de granit dominant la mer. Spectacles majestueux.

Petit concentré d’Australie, l’île des kangourous nous a séduits. Elle nous a préparés à partir à la découverte de l’Australie en grandeur réelle, dans quelques jours si tout va bien.

#adm888

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