Au sud de la Patagonie argentine et en Terre de feu
Abstract : The southern plains of Argentina are a vast, dry and empty place. Very few towns, villages and fellow human beings. Huge pastures with a few sheeps, many guanacos and some nandus, the South American ostriches. We went back to the Andes to admire the graphic Fitz Roy peak near El Chaltén and the mighty Perito Moreno Glacier crashing into a lake near El Calafate. Finally we left the Americain continent for the Island of Tierra del Fuego and reached « the end of the world », that is Ushuaia, Argentina’s southernmost city.
Venant du Chili et de la Carretera Austral (notre article précédent), nous avons retrouvé une autre route mythique que nous connaissions déjà : la route 40, qui longe la cordillère des Andes sur 5080 kilomètres de la frontière bolivienne au sud de l’Argentine. Plus qu’un changement de route, c’est un changement de décor complet : finies les montagnes, même si nous les retrouverons plus loin, finis les lacs et les forêts. Ce piémont argentin est légèrement vallonné, il est aride car la barrière des Andes arrête les nuages venant du Pacifique. C’est une immense région quasi-désertique avec une végétation d’herbe jaune et d’arbustes. Ces immenses espaces peuvent être beaux, de la beauté désolée des espaces à perte de vue.
Très peu de villages, quelques fermes solitaires, un peu d’élevage extensif sur d’immenses domaines. Quelques bœufs, chevaux et moutons mais nos compagnons de route les plus fréquents, rencontrés par centaines, sont les ganaques ou guanacos, un camélidé gracieux proche des vigognes que nous avions vues dans les pays andins. Nous avons aussi croisé des nandous, la petite autruche sud-américaine, craintive et difficile à approcher. Certaines régions sont encore plus vides, on peut y rouler des dizaines de kilomètres sans croiser une voiture ni apercevoir âme qui vive. La route 40 est goudronnée et peu fréquentée, sauf une portion de 74 kilomètres en gravier où il faut réduire l’allure.
Nous avons quitté la route 40 à deux reprises pour retrouver les Andes :
- Dans le parc national des glaciers, nous avons randonné autour du village de El Chaltén, qui attire de très nombreux randonneurs et grimpeurs. Les sentiers de randonnée, bien tracés, s’élèvent dans des forêts de lenga (faux-hêtres), dominées par le massif du Fitz Roy (alt. 3450 m) et par le Cero Torre (alt. 3102 m). Sans être très élevées, ces montagnes sont remarquables à cause de leurs nombreuses aiguilles dont certaines portent des noms français : Saint Exupéry, Mermoz, Guillaumet, Lionel Terray. Elles comportent aussi plusieurs glaciers qui se rattachent au champ de glace sud de la Patagonie, l’un des plus vastes du monde. Ces randonnées sont faciles et agréables à deux réserves près : beaucoup de monde pendant l’été austral et des vents très forts qui peuvent rendre la marche inconfortable par moments.
- Au sud du même parc, nous sommes allés admirer le célèbre glacier Perito Moreno ; d’une longueur de 31 km et d’une surface de 256 kilomètres carrés, il prend son origine à 3 000 mètres et descend jusqu’au lac Argentino (alt. 177 m). Le front glaciaire mesure cinq kilomètres et sa hauteur émergée est comprise entre 40 et 70 mètres. Le spectacle du glacier, du front glaciaire et le fracas des tonnes de glace qui se détachent et tombent dans le lac toutes les quelques minutes est de premier ordre. La muraille de glace offre un spectacle vivant qui se transforme en permanence. Un réseau de passerelles situé juste en face sur la péninsule de Magellan permet de très bien voir, même sans participer aux excursions organisées en bateau ou sur la glace. Il y a bien sûr beaucoup de monde mais on trouve une tranquillité relative en arrivant assez tôt et en s’écartant de la zone centrale la plus fréquentée.
Nous avons ensuite rejoint Rio Gallegos, port d’estuaire proche de l’Atlantique qui semble nostalgique d’une prospérité perdue. Puis nous avons quitté la route 40 qui se termine un peu plus loin au cap Virgenes et avons pris la route 3 qui relie Buenos Aires au sud de l’Argentine en traversant une portion de territoire chilien. Nous avons donc dû passer deux fois la frontière le même jour. Il faut aussi mettre la voiture sur un bac chilien pour traverser le détroit de Magellan à son point le plus étroit : on quitte le continent et on aborde cinq kilomètres plus loin en Terre de feu, cette grande île partagée entre le Chili et l’Argentine.
Longeant la côte atlantique à l’ouest de la Terre de feu, nous avons franchi les Andes fuégiennes qui se donnent des airs de hautes montagnes malgré leur faible hauteur et nous avons retrouvé la mer. Ou plutôt le chenal de Beagle, l‘un des détroits qui relie l’Atlantique au Pacifique.
Nouveau changement de décor complet en arrivant à Ushuaia, par 54° 48’ S, au sud de la Terre de feu : ici il pleut tous les jours. Alors que nous sommes encore en été, il a neigé sur les montagnes toutes proches le jour de notre arrivée. Quand le grand vent des cinquantièmes hurlants se lève, la ville devient glaciale. La plupart des étrangers croisés en ville sont des croisiéristes en partance ou de retour de l’Antarctique. Plus modestement, nous avons marché sur la rive nord du chenal de Beagle avec ses forêts dites de Magellan couvertes de lichens, ses sommets enneigés. Nous avons cheminé vers le glacier Martial, qui porte le nom d'un officier de marine français des années 1880. Tout ceci présente une certaine ressemblance avec les vallées de l’ouest canadien que nous visitions en juin dernier. En face, l’île chilienne de Navarino. Le cap Horn, si redouté jadis par les marins, est un peu plus loin au sud.
Notre voyage aux Amériques est presque terminé. Il nous reste à découvrir Punta Arenas, la ville la plus au sud du Chili. Nous vous retrouverons ensuite de l’autre côté du Pacifique.