Au Chili, sur la Carretera Austral
Abstract : Chile’s Carretera Austral (Southern Highway), also known as Route 7, runs for 1,240 kilometers south of the central city of Puerto Montt. It provides an unprecedented road access to a large swath of central Patagonia that was largely isolated before it was built under General Pinochet after 1976. We drove on the Carretera for 800 kilometers (500 miles) and were baffled by its often grandiose landscapes.
Inaugurée en 1986, la route numéro 7 du Chili, dite Carretera Austral, relie Puerto Montt (41° 28’S), au nord du golfe de Renoncavi, au village de Villa O’Higgins, 1240 kilomètres et sept degrés de latitude plus au sud. Son nom reste lié au Général Pinochet, qui décida ce grand projet. Aucune route n’existait jusque-là au sud de Puerto Montt et de la grande île de Chiloe. Pour gagner le sud du pays, il fallait utiliser le bateau, l’avion, ou passer par l’Argentine. Ce fut un projet très politique, mis en œuvre en grande partie par le génie militaire chilien. L’entreprise fut longue (1976 - 2000) et difficile à travers des vallées encaissées et de véritables fjords couverts de forêt. Cette route, dont le projet était avant tout politique, est devenue une grande route touristique, moteur du tourisme dans le sud chilien. Il est prévu de la prolonger jusqu’à l’extrême sud du pays, chantier considérable.
Si nous avions disposé de tout notre temps, nous aurions volontiers suivi cette route mythique de bout en bout. Mais les choses ne sont pas simples car la route 7 n’est pas continue. Il faut emprunter la voie maritime à trois reprises dans la partie nord, dont un trajet de trois heures trente entre Hornopirén et Leptepu. Ces bacs sont très demandés pendant l’été et nous n’y avons pas trouvé de place, sauf à voyager de nuit.
Sur mer entre Puerto Montt et Chaitén (photos 1 et 2) ; premiers kilomètres de route, le 11 février (photos 3 et 4)
Nous avons donc mis en œuvre un plan B : le bac qui relie directement Puerto Montt à Chaitén avec trois cents passagers et près de cent voitures et camions. C’est une navigation de 180 kilomètres en neuf heures à travers les golfes de Renoncavi et d’Ancud, l’ile de Chiloe étant visible à l’ouest. Nous avons débarqué à Chaitén le 10 février à 23 heures et avons enfin pu débuter sur la Carretera Austral le lendemain.
Qu’en retenir ?
- C’est une route facile sur sa moitié nord. Très bien revêtue sauf sur quelques courts tronçons, elle permet de rouler agréablement. Même au cœur de l’été austral, la circulation reste modérée et les poids lourds peu nombreux. On peut donc profiter pleinement du grand spectacle du sud chilien. Les choses changent 113 kilomètres au sud de la petite ville de Coyahique. Au goudron succède un gravier qui oblige à rouler lentement et dégage beaucoup de poussière par temps sec au passage des véhicules. Ce sont des conditions de route moins agréables.
- L’illusion de la haute montagne : la Carretera Austral longe souvent la mer, elle s’élève parfois de quelques centaines de mètres. Pourtant, les paysages évoquent presque partout la montagne, voire la haute montagne. L’hémisphère sud étant plus froid que l’hémisphère nord, la végétation que nous associons à la montagne descend jusqu’à la mer. Des montagnes de faible hauteur, 1000 mètres voire moins, peuvent être plus ou moins couvertes de neige même en février, au cœur de l’été austral. Ces montagnes sont souvent découpées, avec des pics pointus, créant l’illusion de la haute montagne. On se croirait en Suisse ou dans les montagnes rocheuses alors que l’altimètre indique moins de 500 mètres.
- Pour les mêmes raisons, les glaciers prennent leur origine entre 2000 et 4000 mètres, parfois moins, et peuvent descendre jusqu’à moins de 1000 mètres, voire jusqu’au niveau de la mer. Nous avons pu approcher deux d’entre eux d’assez près : le « Glacier suspendu » (Ventisquero Colgante) près de Puyuhuapi et le Glacier des explorateurs, à l’ouest du lac Général Carrera. Nous avons aperçu quelques autres glaciers sur les hauteurs, à des altitudes inférieures à 1000 mètres. On peut craindre que ces glaciers de basse altitude soient en sursis du fait du réchauffement climatique.
- La Carretera Austral traverse ou longe plusieurs parcs nationaux : parc national Queulat, parc national Cerro Castillo, parc national du Lac San Rafael, pour ne citer que ceux-là. C’est dans ces parcs que la nature est la plus belle et la mieux préservée : on y trouve de très beaux lacs de toutes dimensions, des zones humides, de très belles rivières et des forêts remarquables avec des essences que nous ne connaissions pas.
- Sur le lac Général Carrera, nous avons visité les « chapelles » et la « cathédrale de marbre », formations de carbonate de calcium créées par l’érosion auxquelles on accède en barque ou en kayak. Plusieurs condors nous observaient du ciel.
- La campagne est moins spectaculaire hors des parcs mais elle reste belle, qu’il s’agisse des forêts privées exploitées à grande échelle ou des pâturages. Avec toujours l’illusion d’être en montagne même à très basse altitude. Certains golfes ou bras de mer ressemblent à s’y méprendre à des lacs de montagnes avec leurs rives escarpées et leur forme tout en longueur.
- Les villages le long de la route et la petite ville de Coyhaique ne présentent pas d’intérêt historique ou touristique majeur. Ils sont relativement récents, avec beaucoup de petites maisons en bois et vivent largement du tourisme qui est une activité saisonnière. Plus d’une fois, nous avons eu l’impression de retrouver les petites villes de l’ouest américain visitées l’an dernier. Dans les villages les plus au sud, nous avons été heureux de trouver le soir un poêle et un bon feu de bois dans nos chambres. Car il fait frais par 45° sud, même en plein été. Sur le lac Général Carrera puis à Chile Chico sur sa rive sud, nous avons été transis par un fort vent d’ouest, le vent des quarantièmes rugissants.
Nous avons quitté la Carretera Austral à la pointe sud de ce lac, légèrement au nord du 47ème parallèle. Nous aurions pu continuer quelques centaines de kilomètres plus au sud mais nous avons préféré longer le lac sur sa rive sud par une très belle route de montagne, avec des vues surplombantes sur ce lac binational que nous avons suivi jusqu’à sa partie argentine.
La Carretera Austral nous a comblés. Nous allons maintenant retrouver une autre route célèbre que nous connaissons déjà : la route 40 argentine.