Journal autour du monde 2024 : 07 – vers le Mexique et au Mexique
Suite de : Journal autour du monde 2024 : 06 – côte ouest et sud-ouest américains
Vers le Mexique
Rentrés des Etats-Unis le 11 juillet, nous avons préparé sans délai le départ suivant. A regret mais sans hésitation, c’est notre fidèle 4x4 Suzuki qui va à nouveau être mis à contribution. La difficulté, voire l’impossibilité de faire traverser l’Atlantique à notre campervan électrique et la rareté des bornes de recharge en Amérique centrale et du sud ne laissaient guère d’autre choix (voir notre article : vers l’Amérique, non sans mal).
Le Hawaiian Highway de "K" Line, 200 m de long, 38 m de large, port d'attache Majuro, emportera notre voiture vers les Amériques.
Nous avions donc, dès le printemps, décidé d’expédier notre Suzuki vers Veracruz au Mexique aux bons soins de l’armement japonais Kawasaki Kishen Kaisha, plus connu sous l’appellation « K » Line. Celui-ci exploite en effet un service de transport de véhicules RoRo (sans conteneurs) entre l’Europe, la côte est des Etats-Unis et le Mexique.
128ème au 133ème jours, du 1er au 6 août 2024, Revest du Bion - Zeebruges, Belgique, 1212 km
Le 1er août, nous quittons à nouveau notre village du Revest du Bion, en Haute Provence. Destination : le port de Zeebruges, en Flandre occidentale. A la canicule du midi succède la fraîcheur des Alpes, puis de l’est et du nord de la France. L’itinéraire est conçu pour éviter les grands départs en vacances du début d’août et les jeux olympiques parisiens. Du coup, pas d’autoroutes jusqu’à Nancy et aucun péage.
C’est une assez longue route répartie sur six jours avec cinq étapes à la Bâtie de Gresse puis Claix (Isère), Saint Nabord (Vosges), Yutz (Moselle) et Merelbeke (Flandre orientale). Des routes peu fréquentées entre Bourg en Bresse et Nancy, beaucoup plus avant et après.
Pas de visite de toutes les villes traversées faute de temps mais quelques promenades dans des villes en partie nouvelles pour moi :
- à Dole, Jura, sur les bords du Doubs, patrie de Louis Pasteur, avec ses anciennes tanneries et sa collégiale ;
- à Epinal, dans les Vosges, avec ses collines, son château et une « tour chinoise » œuvre d’un notable local ;
- à Nancy, autour de la place Stanislas déjà visitée il y a plus de cinquante ans ;
Thionville et la Moselle (photos 1 et 2) ; le bastion Imerhof de la ligne Maginot, entre Thionville et la frontière (photos 3 et 4)
- à Metz puis à Thionville, où la présence allemande de 1871 à 1918 a laissé un héritage architectural remarquable ; les Allemands n’avaient pas lésiné pour construire deux villes dignes du Reich ; la gare de Metz, très connue, est le site le plus emblématique mais l’héritage germanique des deux villes est diversifié et imposant ;
Brève traversée du Luxembourg. Profusion de bornes de recharge sur une aire d'autoroute, bien inutiles pour notre 4x4 diesel (photo 4)
- à Namur, ville plutôt agréable où je cherche en vain une boulangerie ;
- à Bruxelles, que je traverse avec difficulté en raison des travaux et de la zone à faibles émissions que je me trouve contraint de traverser alors que j’avais prévu de la contourner ;
- à Gand, avec une très belle architecture flamande et de nombreuses églises ; forte affluence touristique ; je parcours la ville à pied car elle comporte aussi une zone à faibles émissions.
Le 6 août à 8 heures, je me présente au port de Zeebruges sur la Mer du nord. L’accueil n‘est pas très chaleureux et la procédure un peu déroutante. Il est vrai que je suis le seul particulier au milieu de chauffeurs routiers qui livrent chaque jour des voitures. Les contrôles effectués, je laisse notre 4x4 sur un vaste parking au milieu de centaines de voitures neuves. La clé posée sur le siège, il n’y a plus qu’à partir. Il est prévu que le Hawaiian Highway de « K » Line prendra la mer le 14 et accostera à Veracruz le 30 août.
Il ne reste qu’à regagner Paris à pied (sept bons kilomètres) puis en train (cinq trains successifs !).
134ème au 136ème jours, 30 août au 1er septembre, Paris – Mexico – Veracruz
Je quitte Paris le 30 août, neuf mois après notre premier départ du Revest, cinq jours plus tard que prévu car le bateau a pris du retard. Un vol de 10 heures 30 me conduit à Mexico (99° 8’O, 19° 26’N, alt. 2 240 m). Le Mexique et une partie de l’Amérique centrale sont à TU -6, huit heures de retard sur l’heure française d’été. C’est ma deuxième visite à Mexico après quelques jours en famille lors de notre tour du monde de 1998. Je m’installe au nord du Zócalo, la place centrale.
Le Zócalo avec la cathédrale (photos 1 à 3), le Mont de piété (photos 4 à 6, des danseurs aztèques sur la photo 6), le palais national (photo 7)
Le centre historique de Mexico n’a guère changé. Toujours un beau patrimoine mais mais souvent mal entretenu. Les ruines de l’ancienne capitale aztèque Tenochitlán affleurent sous la ville espagnole et sont visibles sur le site archéologique du Templo Mayor. Une cathédrale imposante et de très nombreuses églises baroques. Les bâtiments séculaires, avec parfois de belles cours intérieures, abritent de nombreux commerces spécialisés (la rue des photographes, la rue des robes de mariées …) ou vendant une pacotille hétéroclite. Le quartier est calme le matin car les gens se lèvent plutôt tard, très animé l’après-midi, il se vide à nouveau le soir. Des groupes de danse aztèque avec leurs plumes se produisent sur le Zócalo. La pauvreté est visible, le déploiement de police et de gardes de sécurité privés est massif.
Le 1er septembre, je quitte Mexico en car pour un trajet de quelque 437 km. Le voyage se fait sur des autoroutes et des routes à péage en bon état dans l’ensemble. Sur l’altiplano du début le maïs est cultivé partout et la végétation est luxuriante, signe de pluies abondantes. Au milieu du voyage survient une zone plus aride avec cactus, agaves et yuccas géants sur les hauteurs. Après Perote, la route coupe une chaîne de montagnes avec des forêts de pins. En descendant vers la côte via Xalapa et Cardel, la végétation tropicale apparaît avec palmiers et cannes à sucre.
Le front de mer de Veracruz (photo 1), les anciens phares (photos 2 et 3), le monument commémoratif des combats d'avril 1914 contre les Etats-Unis (photo 5), la statue de Humboldt érigée par la communauté allemande de la ville (photo 6)
Arrivée peu avant 16 heures à Veracruz (96° 8’O, 19° 12’N). La chaleur tropicale humide contraste avec la fraîcheur de Mexico ; rien d’étonnant après 2 200 mètres de descente nette. Je m’installe dans le centre et me rends aussitôt sur le port. Le Hawaiian Highway n’est pas en vue. Pas de surprise puisqu’il a quitté Galveston, Texas, hier. Son accostage est prévu demain vers 16 heures.
Le Hawaiian Highway juste après son accostage, le 2 septembre (photo 1) ; rejoint en soirée par le cargo panaméen Manizales (photos 2 et 3)
137ème au 144ème jours, 2 au 9 septembre, Veracruz, 20 km
J’avais été prévenu : aucune démarche en vue d’obtenir le permis d’importation de la voiture n’est possible le premier jour ouvrable du mois car la banque militaire qui délivre ces permis est accaparée par les retraités qui viennent percevoir leur pension. Le 2 septembre, je ne peux rendre qu’une visite de courtoisie au transitaire local qui se chargera du dédouanement. A 16 heures 32, le Hawaiian Highway entre au port. Avec ses deux-cents mètres, il remplit le bassin qui lui est affecté. On le remarque d’autant plus en ville que cette partie du port est par ailleurs presque vide.
Le 3 septembre au matin, je me rends avec le transitaire dans les locaux de la banque des forces armées (Banjercito) sur une emprise militaire à Boca del Rio. Forte affluence mais accueil aimable. Le permis d’importation est délivré rapidement et sans difficultés. Il faut acquitter les taxes et la caution d’importation, cette dernière à demi-tarif vu l’âge de la voiture. Toute la journée le Hawaiian Highway décharge ses voitures y compris la nôtre. Il lève l’ancre pour Altamira le 4 septembre à 7 h 55, aussitôt remplacé à quai par un autre cargo Roro aussi gros que lui.
Le siège de l'administration des ports mexicains (photo 1) ; l'ancien bâtiment de la douane, aujourd'hui siège de la troisième région navale (photo 3)
Journées d’attente les 4 et 5 septembre. La voiture est inspectée par la douane le 6 au matin, un mois après son dépôt à Zeebruges : prise de photos, vérification du numéro de châssis, passage d’un chien renifleur. Elle ne semble pas avoir souffert de cette traversée de l’Atlantique sans conteneur, à un petit détail près : la plaque de nationalité portant la lettre F a été arrachée. Nouvelle attente après cette inspection car la douane doit maintenant émettre le document autorisant la sortie du port.
Nombreuses promenades en ville pour occuper les loisirs forcés de ce séjour. Veracruz est importante dans l’histoire du Mexique : fondée par Cortés en 1519 dès son arrivée sur le continent américain, elle jouit longtemps du monopole du commerce avec l’Espagne. Même les richesses venues des Philippines à travers le Pacifique grâce au galion de Manille reprenaient la mer à Veracruz pour gagner les ports espagnols. Au 20ème siècle, la ville a vu arriver nombre d’immigrants : juifs, libanais, républicains espagnols arrivés de France en 1939.
Le centre historique et le front de mer de Veracruz (NB : diaporama, laisser le temps de faire défiler les photos)
Ce passé a laissé un patrimoine non négligeable. La ville attire surtout des touristes mexicains qui se pressent sur le port. Elle passe pour la plus africaine et caribéenne du Mexique. Le centre historique n’est pas désagréable avec ses rues commerçantes autour de la place centrale et quelques bâtiments historiques du 19ème et du début du 20ème siècles en plus ou moins bon état, parfois en ruines. La promenade à pied n’est pas très agréable pour autant en raison de la chaleur humide. En fait, la ville s’anime et vit surtout le soir.
Le bastion de Santiago est le dernier vestige des murailles qui protégeaient la ville des attaques des pirates et corsaires jusqu’en 1880. En face du port, sur un ancien îlot réuni au continent, la forteresse San Juan de Ulua fut construite au 16ème et modernisée au 17ème siècle pour défendre la ville contre ces attaques. Elle fut le lieu de l’ultime résistance des Espagnols en 1825 après l’indépendance du Mexique, puis d’une attaque de la Marine française lors de la guerre franco-mexicaine de 1838.
Le musée de la ville, hébergé dans une vaste demeure des années 1850, est actuellement fermé pour rénovation. Non loin de là, le musée naval mexicain est l’endroit à voir pour tout savoir sur la Marine mexicaine et le fait maritime en général. Il cherche visiblement à susciter des vocations.
Lundi 9 septembre après-midi, le document attendu de la douane arrive. Je prends possession de la voiture. Pour passer les derniers contrôles, il faut naviguer au juger dans cette vaste zone portuaire, seule voiture parmi des centaines de poids lourds. Puis retrouver le chemin de la ville à la nuit tombante. Ce n’est pas vraiment une partie de plaisir mais ce dédouanement s’est au total déroulé sans encombres.
145ème jour, 10 septembre, Veracruz - Oaxaca, 389 km
Je quitte Veracruz à 7 h 30. Après 60 km d’autoroute en direction de Mexico, je bifurque à gauche par les routes 145 puis 175 via Tuxtepec. C’est un itinéraire un peu plus court en kilomètres mais beaucoup plus lent que la route usuelle plus à l’ouest via Tehuacán. Il fait chaud et humide dans la zone littorale où la canne à sucre fait figure de monoculture. Arrêt de plus de 30 minutes à cause de travaux au pont où la route quitte l’État de Veracruz. Après Tuxtepec, la route s’élève lentement dans les collines puis les montagnes couvertes de forêt. Les paysages deviennent beaux.
La vraie route de montagne commence après la petite ville de San Juan Bautista Valle Nacional. C’est une route étroite et sinueuse, en forte pente, avec de fréquentes chutes de branches et de pierres. Plusieurs cols à plus de 2 500 mètres, le plus élevé à 2 850, 107 km après Tuxtepec sur la route 175. Très belles forêts protégées. Avec le brouillard et la pluie, la progression est un peu difficile mais la circulation est heureusement très faible au milieu des montagnes.
Belle descente dans des forêts de pins à troncs rouges qui évoquent les forêts d’Oregon et de Californie. Une vraie route d’aventure pour ce premier jour.
J’arrive à Oaxaca (prononcer oua ra ka, nom complet : Oaxaca de Juárez, 96° 43’O, 17° 4’N, alt. 1 550 m) à 18 h 30, il me faut près d’une heure de conduite nocturne pour trouver l'hôtel.
146ème jour, 11 septembre, Oaxaca
Oaxaca est une ville très agréable. Son altitude la prémunit contre la chaleur humide même si elle ne dissuade pas tous les moustiques. Son plan en damier permet de se repérer facilement et le centre compte plusieurs rues et places pavées réservées aux piétons. La ville est certes très touristique avec des restaurants, bars et boutiques par centaines mais les rues colorées ont gardé leur charme et permettent une promenade très agréable.
La ville comporte un riche patrimoine architectural avec, comme il se doit, un grand nombre d’églises baroques. Parmi les plus imposantes, la cathédrale construite à partir de 1553 et le Templo de Santo Domingo de Guzmán, édifié par les Dominicains à la fin du 16ème siècle.
A cette église est accolé un ancien couvent de proportions monumentales transformé en musée des cultures de Oaxaca. Musée très riche par ses collections préhispaniques et coloniales. Juste à côté, un beau parc riche en cactus - à nouveau les cactus saguaro qui nous suivent depuis l’Arizona -, agaves et autres espèces du pays.
147ème au 149ème jours, 12 au 14 septembre, Oaxaca – San Cristóbal de las Casas, Chiapas, 723 km
La matinée du 12 septembre est consacrée à deux sites archéologiques majeurs proches de Oaxaca : Monte Albán et Mitla. Monte Albán est le plus ancien et le plus spectaculaire. J’essaierai d’y revenir dans un article spécifique. Ces visites prennent la matinée, d’autant plus que j’ai dû gagner Monte Albán à pied, la route la plus directe étant fermée pour travaux. Et traverser deux fois la ville de Oaxaca.
Entre Mitla et Tehuantepec (photo 1 à 3) ; le Parc éolien du sud, dans l'isthme de Tehuantepec (photo 4)
Je prends la route vers l’est après le déjeuner à Mitla. D’abord en plaine puis dans une région de collines, on chemine entre les plantations d’agaves car la région est grande productrice de mezcal, boisson alcoolisée distillée à partir du cœur de l’agave. La route 190 est sinueuse mais très bien revêtue et pas trop empruntée. Elle traverse une vaste région de collines très peu peuplées. Etape à Santa Maria Jalapa del Marques (95° 26’O, 16° 26’N, alt. 340 m), petite bourgade 30 kilomètres à l’ouest de Tehuantepec.
Le 13 au matin je traverse d’ouest en est l’isthme de Tehuantepec. Les raffineries de pétrole de Salina Cruz, sur la côte Pacifique, sont visibles mais ne donnent pas envie d’aller voir de près d’autant que le port vient d’être inondé. La chaleur est forte, il n’y a pas de vent, les centaines d’éoliennes du Parc éolien du sud sont à l’arrêt.
Un peu avant Arriaga, la route quitte l’Etat de Oaxaca pour le Chiapas. Je suis arrêté quelques secondes pour un contrôle phytosanitaire de pure forme. J’emprunte ensuite l’« autoroute » - en fait une route à deux voies - à péage pour Tuxtla Gutiérrez. Elle fait gagner beaucoup de temps mais impossible d’en sortir et même de s’y arrêter. Les premières collines sont couvertes de forêt puis c’est un plateau largement cultivé en maïs. Il fait un petit peu moins chaud grâce à la légère altitude, environ 800 mètres.
Vue générale de Tuxtla Gutiérrez prise des montagnes au nod (photo 1) ; parc dela Marimba (photo 2) ; la cathédrale San Marco, sur la place centrale (photos 5 et 6)
Etape à Tuxtla Gutiérrez (93° 8’O, 16° 45’N, alt. 700 m), capitale de l’État du Chiapas. Peu de points d’intérêt en ville mais beaucoup d’animation et d’activité commerciale.
Le 14 septembre au matin, une route touristique au nord de Tuxtla Gutiérrez permet de monter en lacets dans la forêts jusqu’à cinq belvédères, d’où l’on domine le célèbre Caňón del Sumidero, 900 mètres plus bas. C’est un ensemble de points de vues spectaculaires dans une belle forêt. La hauteur, 1 350 mètres au point culminant de la route, permet de goûter la fraîcheur et de profiter de la forêt.
Bref arrêt ensuite à Chiapa de Corzo, au débouché des gorges, d’où partent les embarcations pour ceux qui préfèrent découvrir le caňón d’en-bas.
Une « autoroute » de 45 km permet d’escalader rapidement la chaîne de montagnes à l’est de Tuxtla Gutiérrez. J’arrive après le déjeuner à San Cristóbal de las Casas (92° 38’O, 16° 44’N, alt. 2 120 m) et commence les visites.
Dans les rues de San Cristóbal (NB : diaporama, laissez le temps de faire défiler les photos)
149ème au 152ème jours, 14 au 17 septembre, San Cristóbal de las Casas
« Sancris », que je rêvais de découvrir depuis la rébellion zapatiste des années 1990, a tout pour plaire. Son altitude lui vaut un climat frais à l’opposé de la chaleur des plaines, même s’il peut pleuvoir abondamment, ce qui transforme les rues en torrents. Surtout, la ville est restée dans son jus : aucun immeuble moderne, des petites maisons de couleurs vives sur de petites rues parfois pavées. Des églises baroques, comme il se doit.
Photo 5 : statue de Bartolomé de las Casas, dominicain "protecteur des Indiens", brièvement évêque du Chiapas en 1545 - 1546.
L’ambiance est typée. La ville est très touristique, avec des centaines d’hôtels, de restaurants, de bars, de boutiques d’artisanat. C’est un tourisme mexicain. Je n’ai capté que quelques rares phrases en anglais chez des gringos de passage et pas vu un seul touriste chinois ou indien – qui seraient ici presqu’aux antipodes de chez eux.
Les Indiens mexicains sont en revanche très nombreux, beaucoup venus vendre des fruits, légumes ou des tissages héritiers d’une tradition maya très riche. La pauvreté est certainement réelle mais la mendicité est peu visible. Le souvenir de la rébellion zapatiste (1994 – 96) doit bien exister mais il ne se voit guère. Ici comme dans le reste du pays, la violence est le fait des gangs et des règlements de comptes entre ceux-ci. Bien que le Pape François soit venu ici en 2016, les catholiques sont moins de 60 % et les évangélistes plus nombreux que dans le reste du pays.
Le samedi, j’ai le privilège d’assister à une messe de mariage en l’église de Guadalupe. Rien n’y manque, ni une belle décoration florale ni les mariachis qui disparaissent ensemble avant même la fin de l’office. Le marié arbore un costume rose à parements noirs du plus bel effet. Très longue homélie dont je ne comprends pas grand-chose, hormis une vision traditionnelle du mariage « entre un homme et une femme » et l’affirmation martelée avec force : « l’adoration est fondamentale ». Certains invités s’étaient sans doute méfiés, ils arrivent à la fin de l’office.
Le même soir, le Zócalo (place centrale) est noir de monde, venu écouter un orchestre militaire donner un concert pour le bicentenaire de l’incorporation du Chiapas dans les Etats-Unis du Mexique.
Le 16 septembre, fête nationale, je me rends en colectivo à San Juan Chamula à 10 km au nord est, alt. 2 240 m. C’est un village tzotile, dont la communauté a gardé un fort particularisme contre la conquête espagnole, puis contre le centralisme mexicain. Les Chamulas portent volontiers le costume traditionnel, une tunique ou une robe de grosse laine blanche ou noire. Beaucoup de monde sur la place centrale avec une activité que je comprends mal : on dirait un concours de boisson dans lequel l’alcool traditionnel de maïs aurait été remplacé pour les femmes par … du Coca Cola. Sans doute la version rénovée d’un ancien rituel.
L'église San Juan Bautista vue de la place centrale (photos 1 et 2) ; vue intérieure (photo 3, Talegafrita 2004 - https://commons.wikimedia.org ; il est aujourd'hui strictement défendu de photographier l'intérieur et les rituels)
Le plus intéressant se passe cependant dans l’église San Juan Bautista où les rituels syncrétiques qui mêlent catholicisme et vieux rites mayas battent leur plein malgré les touristes. Pas de bancs dans l’église mais un tapis végétal, peut-être des aiguilles de filaos. Des milliers de bougies allumées à même le sol où sur des tables. Les fidèles pratiquent leurs rites individuellement ou en groupes, avec leurs musiciens et en brûlant des substances végétales. Quelques protestations des poulets associés au rituel à leur corps défendant. Les statues sont celles de saints catholiques mais les rituels chamaniques mayas sont restés très vivaces. Visite passionnante.
153ème et 154ème jours, 18 et 19 septembre, San Cristóbal de las Casas – Villahermosa, Tabasco, 327 km
(NB : le texte ci-dessous est en cours de rédaction, il sera complété prochainement)
Tel Candide quittant l’El Dorado, je laisse la fraîcheur de San Cristóbal et les brumes épaisses des montagnes alentour pour la chaleur humide des plaines le 18 septembre. Il existe bien une route directe vers Villahermosa, mais on me l’a décrite comme peu sûre. Je me vois contraint de retourner à Tuxtla Gutierréz et même un peu plus à l’ouest par l’« autoroute » déjà empruntée les 13 et 14 septembre, puis de bifurquer vers le nord-ouest.
On traverse une région de hautes collines et de petites montagnes couvertes de forêts. 82 km après Tuxtla Gutierréz, la route emprunte le « pont de Chiapas », viaduc qui enjambe une vaste retenue d’eau artificielle, le Presa Malpaso.
La route (en fait les routes 195D, 187, puis 180) descendent ensuite dans la plaine littorale. Celle-ci est peuplée et cultivée avec quelques petites villes : Chontalpa, Huimanguillo. J’arrive à Villahermosa (92° 55’O, 17° 59’N), capitale de l’État de Tabasco, vers 17 heures et visite la ville en fin de journée et le matin du 19 septembre.
Il y a peu à voir. Le principal point d’intérêt de la ville, le musée olmèque du parc de la Venta, est fermé pour rénovation. La cathédrale actuelle, moderne (achevée en 1970) et sobre, est originale. On peut faire un petit tour dans le « centre historique » avec ses rues piétonnes et quelques maisons du début du siècle dernier. Et passer quelques minutes dans le petit musée de l’histoire du Tabasco, installé dans une belle demeure (Casa de los Azulejos). On apprend que le Tabasco a été l’un des premiers, voire le premier Etat mexicain à se soulever contre l’Empereur Maximilien, ses partisans et l’intervention française en 1863. Et que l’Église a beaucoup souffert de la campagne anti-religieuse du Gouverneur Canabal dans les années 1920.
En début d’après-midi le 19, je m’installe près de l’aéroport, au sud-est de la ville. Elisabeth a en effet quitté Paris ce jour. En arrivant à Mexico, loin de prendre un repos bien gagné après ce long vol, elle attend près de cinq heures un vol intérieur qui se pose à Villahermosa à 21 h 25. De porte à porte, c’est un voyage de 21 heures. Nous voici réunis pour de nouvelles aventures.
155ème et 156ème jours, 20 et 21 septembre, Villahermosa – Palenque, Chiapas, 146 km
Nous partons vers l’est le 20 septembre en direction du Yucatán par une route de plaine à quatre puis deux voies à travers une région peu peuplée. Après 110 km, nous bifurquons vers le sud-est et arrivons à Palenque (91° 59’O, 17° 31’N). La ville elle-même présente peu d'intérêt.
Le site archéologique maya de Palenque est magnifique, à la hauteur de sa réputation. Nous prévoyons d’y revenir dans un article spécifique. Nous le visitons de bonne heure pour échapper à la grosse chaleur et à l’affluence. La jungle environnante, réserve naturelle, est très belle. Le musée est hélas fermé pour rénovation.
157ème jour, 22 septembre, Palenque - Flores, Guatemala, 355 km
Nous quittons Palenque à 7 h 20 vers le nord-est et gagnons Tenosique par la plaine, à 111 km. Nous coupons la voie ferrée du tout nouveau train Maya et poursuivons ensuite vers l’est dans une région d’élevage très peu peuplée au pied des collines. Nous arrivons à la frontière à El Ceibo, 56 km plus loin, à 11 h 20. A mon soulagement, le bureau de la banque Banjercito est ouvert le dimanche et annule le permis d’importation de la voiture.
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