L’autre Hong Kong : dans les nouveaux territoires et les îles
Hong Kong, pour ceux qui n’y vivent pas, évoque avant tout une accumulation d’immeubles en hauteur parmi les plus denses au monde, répartis entre l’île de Victoria et la presqu’île de Kowloon. Tout cela est bien réel (voir notre article précédent) mais il n’y a pas que cela.
Boundary Street. De 1860 à 1898, la frontière entre la colonie britannique et la Chine passait ici. Depuis 1898, cette rue délimite Kowloon et les nouveaux territoires.
Petit rappel d’histoire : après les guerres de l’opium, l’ile de Victoria et Kowloon qui lui fait face furent cédées à perpétuité par l’Empire chinois à la couronne britannique par deux traités de 1842 et 1860. Le territoire cédé devint vite trop exigu et impossible à défendre vu le développement rapide la colonie. Il s’arrêtait à Boundary Street, à 3 km de l’extrémité de Kowloon.
En 1898, la Couronne britannique prit à bail pour 99 ans un territoire beaucoup plus vaste, rural à l’époque, augmenté de quelque 200 îles. Ces « nouveaux territoires » s’étendaient sur près de 25 km vers le nord, jusqu’à la rivière Sham Chun (Shenzhen). C’est l’échéance de ce bail, le 30 juin 1997, qui a été le fait déclencheur de la rétrocession de Hong Kong (l’ensemble de Hong Kong) à la Chine.
Ces nouveaux territoires ont bien sûr beaucoup changé depuis 1898. Ils se sont considérablement urbanisés et des villes nouvelles s’y sont multipliées. Mais une portion importante, la plus montagneuse, est restée inconstructible, des parcs et des réserves naturelles y ont été créés. Ici et là, dans les îles sen particulier, des villages sont demeurés avec une vie bien différente du Hong Kong urbanisé. Il faudrait des mois ou des années pour tout découvrir, mais voici quelques aperçus de ce Hong Kong rural, si différent de l’autre.
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Sai Kung (西貢), 12 000 habitants,est un petit port de pêche et de plaisance animé, à l’est des nouveaux territoires. Son approche en venant de Kowloon est semi-rurale, après la traversée des zones urbaines des nouveaux territoires. Si les pêcheurs ne vivent plus sur leurs bateaux comme naguère, on trouve toujours un marché flottant, qui approvisionne les restaurants de poissons du port. Les Hongkongais partent de Sai Kung pour des excursions en bateaux dans les nombreuses iles environnantes d’origine volcanique. Les plus riches naviguent sur leurs propres bateaux vers les plages et les îles les plus difficiles d’accès. Les autres ont le choix entre de nombreuses excursions organisées en bateau.
Les randonneurs n’ont que l’embarras du choix avec les nombreux sentiers du parc de Sai Kung, au nord-est de la ville. Si l’on ne dispose que d’une journée, une excursion classique est le tour du High Island Reservoir, lac de barrage de 273 millions de mètres cubes inauguré en 1978 pour pallier la grave pénurie d’eau potable qui avait affecté Hong Kong pendant des décennies. Le problème n’est d’ailleurs pas nécessairement réglé, à en juger par le niveau très bas de la retenue d’eau cet été.
Le tour du lac emprunte une partie du MacLehose Trail, chemin de randonnée qui doit son nom au gouverneur britannique de l’époque (1971-1982). La première partie de la marche s’effectue sur la rive occidentale du lac, en surplomb de plusieurs baies (Port Shelter, en cantonnais Ngau Mei Hoi). Seul regret : cette portion est carrossable et le va-et-vient incessant des taxis qui conduisent les visiteurs vers les plages gâche un peu l’agrément de la marche. Certaines portions sont à l’ombre, ce qui est bienvenu.
L'"île au côté cassé" ( 破邊洲, Po Pin Chau), les formations basaltiques proches du barrage oriental, l'"île conique" (飯甑洲)
Le passage du barrage oriental est remarquable, avec des formations basaltiques en forme de colonnes et une île, Po Pin Chau, que l’on dirait coupée au couteau. L’érosion marine a provoqué un effondrement qui l’a séparée du continent.
La route s’arrête au barrage. Le sentier MacLehose permet de continuer le tour du lac en montant jusqu’à la colline de Sai Wan Shan (西灣山,314 m) à condition de ne pas craindre la chaleur humide, forte au mois d’août. Il offre de très belles vues sur les baies successives, toutes très connues des Honkongais. C’est sans doute là que se trouvent les plus belles plages de Hong Kong : la baie de Long Ke (浪茄灣), puis la baie de Tai Long (大浪灣, baie de la grande vague) avec quatre plages successives.
Certaines criques rocheuses ne sont accessibles que par bateau. Du fait de leur difficulté d’accès, ces plages ne sont pas surveillées et restent fréquentées malgré la fermeture officielle des plages décidée par les autorités. De nombreux plaisanciers s’y rendent en bateau le samedi et le dimanche.
Ce parc qui domine la mer offre une nature préservée qui semble presque irréelle, si près des tours d’habitation des villes nouvelles des nouveaux territoires. Elles permettent aux Hongkongais d’échapper à un environnement urbain qui peut être oppressant, alors que les frontières sont largement fermées cette année.
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Dans quelques unes des îles
Peng Chau (坪洲, Píngzhōu) est une très petite île (0,99 Km², 6 500 habitants), à l’est de Lantau. On peut la rejoindre directement au départ de Central, dans l’île de Hong Kong. Rien d’exceptionnel, mais une ambiance villageoise bienvenue, et surtout pas de voitures. On se déplace à bicyclette ou à pied dans ses rues étroites.
Pour les (un peu) courageux, l’ascension de Finger Hill (手指山), à 96 mètres, découvre une belle vue sur Lantau, Victoria et les îles plus au sud.
En faisant route au sud, on contourne Hei Ling Chau (喜靈洲, Xǐlíngzhōu) . De 1950 à 1974, l’île fut utilisée comme léproserie et ses habitants relogés ailleurs. Aujourd’hui l’administration pénitentiaire l’utilise comme centre de rééducation pour les toxicomanes. On ne la visite que sur autorisation.
Au sud-ouest, mais toujours bien visible de l’île de Hong Kong, Cheung Chau (長洲, Chángzhōu) est plus grande (2,45 km²) et plus peuplée (24 000 habitants). Elle se compose de deux collines de granit réunies par un isthme où une petite ville s’est installée. Ici non plus pas de voitures mais beaucoup de visiteurs le dimanche. Le commerce et surtout le tourisme ont peu à peu supplanté la pêche comme activités principales. La planche à voile est à l’honneur car la championne olympique Lee Lai Shan y est née et s’y entrainait. De la colline nord, la plus sauvage, belle vue sur l’île de Hong Kong au nord-ouest, vue dégagée au sud-ouest jusqu’à l’embouchure de la Rivière des perles où l’on distingue des tours, au sud de Macao.
Lantau (爛頭, Làntóu, aussi connue sous le nom de 大嶼山, Dà yǔ shān) est la plus grande des îles de Hong Kong (146 km², plus de 100 000 habitants). Les Portugais et les Hollandais tentèrent brièvement de s’y installer au 16ème siècle, car l’île commande l’embouchure de la Rivière des perles, donc l'accès à Canton. Elle comporte encore des portions très sauvages mais aussi plusieurs centres urbains. L’implantation, juste au nord, de l’aéroport international de Chep Lak Kok a beaucoup fait pour développer l’activité économique et la ville nouvelle de Tung Chung, qui jouxte l’aéroport. Le Disneyland de Hong Kong occupe la pointe nord de l’île.
Le visiteur choisira plutôt les plages de la côte est : celle de Silvermine (ancienne mine d’argent), dans la baie de Mui Wo, est fermée pour cause de Covid 19 mais celle de Cheung Sha et d’autres, plus éloignées, restent accessibles et prisées des Hongkongais. Les courageux peuvent randonner sur le Lantau Trail et gagner le point culminant de l’île à 934 m.
Au sud de Lantau il reste des zones humides protégées sur lesquelles vivent encore quelque 130 buffles, les seuls de Hong Kong. Le développement du tourisme et des infrastructures touristiques suscite actuellement des débats avec les associations écologistes qui militent pour laisser ces zones humides dans leur état naturel.
Pour trouver une ambiance vraiment villageoise, le mieux est sans doute de gagner le village de Tai O (大澳), au sud-ouest de l’île. Pratiquant autrefois la contrebande avec la Chine continentale toute proche, à travers l’estuaire de la Rivière des perles, il s’est assagi et reconverti dans la pêche et le tourisme. Si les constructions sont sans grâce, ce village sur pilotis sur un petit estuaire, sans voitures lui aussi, évoque ce qu’a pu être la vie hongkongaise jadis.
De Tai O, des randonnées sont possibles. L’une d’elles suit la côte ouest de Lantau vers le nord-est et offre une vue très dégagée sur la Rivière des perles, avec Macao et Zhuhai bien visibles à l’ouest, les tours de Shekou à Shenzhen, visibles au nord [1]. C’est une voie chargée d’histoire, celle par laquelle les Européens ont abordé jadis la Chine.
[1] Macao, sur la rive droite de la Rivière des perles, a été rétrocédée par le Portugal à la Chine le 31 décembre 1999. C’est depuis lors, comme Hong Kong, une « région administrative spéciale » de la République populaire de Chine. Shenzhen et Zhuhai sont deux « zones économiques spéciales » de la province du Guangdong, qui jouxtent respectivement Hong Kong et Macao. Village de pêcheurs dans les années 1970, Shenzhen est aujourd’hui une très grande ville, plus de 13 millions d’habitants, au cœur de « l’usine du monde » que constitue le débouché de la Rivière des perles. Toute la région est appelée à s’intégrer économiquement de plus en plus dans le cadre de la « Greater Bay Area » dont Lantau deviendrait en quelque sorte le poumon vert … sauf si l’île s’urbanise massivement à terme.
Cette côte ouest de Lantau est sauvage au début. Mais elle l’est de moins en moins quand on marche vers le nord-est. En effet, la côte est bientôt longée par le pont de 55 km (dont 6,7 en tunnel sous-marin) qui relie Hong Kong à Macao et Zhuhai. Ce pont, sans être officiellement fermé est actuellement désert tant les contrôles sanitaires sont devenus dissuasifs.
Après le village de Sha Lo Wan (沙螺灣, 10 km de Tai O), la côte de Lantau longe l’aéroport de Chep Lap Kok dont elle n’est séparée que par un petit bras de mer. En temps normal, le bruit doit être insupportable. Actuellement, il ne décolle atterrit que quelques avions par heure.
Après 14, 5 km de marche, le chemin se termine à la ville nouvelle de Tung Chung (東涌). . Celle-ci a … le charme d’une ville nouvelle mais une petite curiosité historique : un fortin construit au 19ème siècle pour tenir en respect les pirates. Six petits canons, jadis pointés vers la rivière, ne menacent plus qu’une barre d’immeubles. Lantau est ainsi entrée dans la modernité, tout en conservant de vastes étendues de montagne et de forêt.