A Funafuti
Après deux heures de vol en quadrimoteur au-dessus du Pacifique, à 1 050 km vers le nord en partant de Fidji, nous nous posons à Funafuti (179° 13’E – je n’étais jamais allé aussi à l’est - 8° 31’S), le principal atoll des Tuvalu qui en comptent neuf, le seul accessible en avion. La toponymie peut prêter à confusion : le pays s’appelle Tuvalu, l’atoll principal s’appelle Funafuti, l’île principale de l’atoll s’appelle Fongafale (plusieurs variantes orthographiques) et l’agglomération principale de l’île s’appelle Vaiaku.
Ce qui est clair, c’est que l’on se trouve sur une très petite île au milieu de l’immense océan. Fongafale, qui a plus ou moins la forme d’un boomerang, mesure 12 km de long et dix (!) à quelques centaines de mètres de large. Sa superficie est de 2,8 km². A l’ouest, le lagon et ses eaux calmes, à l’est le grand large et ses vagues. Le point culminant est à 12 mètres au-dessus du niveau de la mer mais la grande majorité de l’île est au ras des flots.
Le lagon de Funafuti, à l'ouest de Fongafale
Tuvalu est peuplé depuis quelque deux mille ans, majoritairement par des Polynésiens venus de divers archipels (dont Wallis, 725 km au sud-est), minoritairement par des Micronésiens venus du nord. Au 19ème siècle, ces îles furent baptisées Ellice (du nom d’un politicien anglais) et rattachées assez artificiellement aux îles Gilbert situées plus au nord. Les îles Gilbert et Ellice sont devenues un protectorat britannique en 1886, géré de manière assez autoritaire par les administrateurs coloniaux et les missionnaires protestants. L’armée américaine s’est installée en nombre pendant la Guerre du Pacifique car Funafuti était proche des théâtres d’opération. L’île ne fut jamais envahie mais souvent bombardée par l’aviation japonaise. Dès les années 1960, une revendication s’est faite jour pour une indépendance séparée par rapport aux Gilbert. Les îles Ellice sont finalement devenues indépendantes en 1978 sous le nom de Tuvalu, les îles Gilbert devenant Kiribati (prononcer : Kiribass).
Tuvalu n’est pas entièrement dépourvu de ressources malgré sa très petite taille et sa population de 11 000 habitants. Son domaine maritime lui permet de vendre des licences de pêche. Une production philatélique développée – on trouve même un timbre à l’effigie du Président Trump – fait le bonheur des collectionneurs. Et le nom de domaine .tv sur Internet rapporte car les télévisions du monde, dont aucune n’émet de Tuvalu, en sont friandes. Malgré tout, le pays vit largement de l’aide internationale et cela se voit à chaque coin de rue, les donateurs affichant leurs logos sur leurs projets.
Surtout, Tuvalu a construit son image et sa notoriété sur sa vulnérabilité par rapport au changement climatique et spécifiquement à la hausse du niveau des océans. Si des Etats-atolls sont un jour engloutis dans les flots, Tuvalu sera sans doute le premier et c’est ce qui l’a rendu célèbre. Les scientifiques s’interrogent aujourd’hui sur la réalité de ce risque, car il semble que les îles coralliennes se reconstituent à mesure que l’eau monte. Les périls du changement climatique vont bien au-delà de l’engloutissement possible de certaines îles. Mais Tuvalu a construit sa renommée sur ce risque et communique en permanence sur le sujet. De fait, la situation est angoissante avec l’eau de mer qui s’insinue partout, la salinité des sols et les grandes marées qui inondent une partie des îles.
Avec quelque 5 000 habitants, Fongafale est clairement surpeuplé. La piste de l’aéroport, lien indispensable avec le reste du monde, mange une bonne partie de la place disponible. Elle n’est entourée d’aucune clôture. A l’approche d’un avion, les sirènes des camions de pompiers sonnent pour la faire évacuer. Le reste du temps, la piste est une voie de circulation, un terrain de jeu, voire un lieu de repos.
A Vaiaku et dans les villages alentour, toute la place est utilisée et la densité de peuplement est élevée. Le centre de conférences, tout neuf, a été gagné sur le lagon. Il faut pourtant garder un peu de place pour préserver un peu de forêt, cultiver quelques (très bons) fruits et légumes. Le traitement des ordures est un problème épineux même si Tuvalu s’efforce de bannir le plastique. Même les morts semblent à l’étroit dans les petits cimetières.
Si Tuvalu joue de sa notoriété et de la menace qui pèse sur lui, le pays fait face avec courage. Pas question d’envisager un départ. Tout le monde, du Premier ministre aux enfants des écoles, se bat pour convaincre le monde de lutter contre le changement climatique. « Sauvez Tuvalu pour sauver le monde » est le mot d’ordre partout rappelé. Le tout avec le sourire, un grand sens de l’hospitalité et une très grande gentillesse pour les étrangers qui viennent visiter « la ligne de front extrême de l’urgence climatique mondiale » (la formule est du Secrétaire général des Nations Unies, venu en mai). Bravo Tuvalu !