Lettre de Kashgar

Publié le par Ding

Kashgar : la mosquée Id Kah

Kashgar : la mosquée Id Kah

Kashgar [1]. La grande oasis est séparée du reste du Xinjiang par le désert du Taklamakan. A l’ouest, le Pamir et les nouvelles républiques d’Asie centrale. Au sud, le Karakorum et le Pakistan. Il fait beau et chaud, mais pas étouffant grâce à la sécheresse du désert [2]. Une irrigation perfectionnée [3] permet à l’oasis de fournir en abondance des produits réputés : grappes de raisin qui pendent des tonnelles, melons juteux prisés dans toute la Chine et tous les légumes imaginables.

 

[1] : Kashgar – transcrite aussi en Kachgar, en chinois Kashi – est, par 75° 59’ E et 39° 28’N, la ville la plus occidentale de la région autonome ouighour du Xinjiang et de toute la Chine.

[2] : et à l’altitude : 1 270 m.

[3] : système séculaire de canaux souterrains – les karez – qui amènent l’eau des montagnes sur de grandes distances ; des canaux à ciel ouvert seraient inutiles en raison de la très forte évaporation due à la chaleur du désert.

Lettre de Kashgar

Kashgar est au carrefour de trois mondes : l’Asie centrale musulmane, les Indes et, malgré tout, la Chine. L’Asie centrale prédomine sans discussion : les Ouighour turcophones sont fortement majoritaires. Ils ont l’air bien peu asiatique avec leur nez droit et leur parler guttural. Les autres peuples de la région sont là, mais en petit nombre : Kazakh, Khirgiz, quelques Ouzbek et aussi des Tadjik persanophones, donc indo-européens. On croise aussi dans les rues des commerçants pakistanais, venus par le col du Khunjerab [4].

 

[4] : en empruntant la route du Karakorum qui relie Kashgar au Pakistan ; cette route est décrite dans l’article suivant ; Thibaut l’a empruntée, rollers aux pieds, en 2007.

Lettre de KashgarLettre de Kashgar

Par ses constructions en terre sèche ocre et ses mosquées, la ville évoque résolument l’Asie centrale. La cuisine, la musique et les odeurs accentuent cette impression si déroutante pour le voyageur pékinois. Les inscriptions sont en chinois et en ouighour – alphabet arabe – en ville, en ouighour seulement dans les villages. Les gens sont amicaux mais les conversations sont difficiles : je ne peux leur parler qu’en chinois et ils sont mal à l’aise ou réticents pour répondre dans cette langue.

La Chine, si lointaine, est tout de même chez elle : par son armée et sa police, ultimes garantes de l’unité du pays ; par la statue de Mao qui domine la ville, un Mao drapé dans son lourd manteau de pierre sous le soleil du désert ; et par cette heure surréaliste imposée par la capitale : toute la Chine est censée vivre à l’heure de Pékin [5] alors que le soleil a ici presque trois heures de retard. La vérité oblige à dire que beaucoup font fi de l’heure officielle et règlent leur montre à l’heure locale.

 

[5] : temps universel + 8. Pékin est située à 115° E, 39 ° plus à l’est.

Lettre de Kashgar

Il fallait des mois de voyages à haut risques pour arriver ici dans les années 30. La ville était un coupe-gorge : les seigneurs de la guerre se disputaient le pouvoir en s’éliminant à l’occasion de banquets. Les Anglais avaient renoncé à agrandir l’Empire des Indes au nord du Karakorum mais l’U.R.S.S. était plus active encore que la Russie des tsars. Le consulat soviétique était le lieu de bien des complots [6].

 

[6]: voir par exemple le récit haut en couleur de Peter Fleming en 1935 sous le titre de Kashgar-les bains (sic), in Courrier de Tartarie, trad. S. et T. Bourgeois, Paris, ed. Phébus, 1989, réédité en 2001.

L'hôtel Seman, ancien consulat russe puis soviétique (photo Tripadvisor)

L'hôtel Seman, ancien consulat russe puis soviétique (photo Tripadvisor)

Ce consulat est aujourd’hui l’hôtel Seman où je suis descendu. Le jardin, où sont écrites ces lignes, est un havre d’ombre et de fraîcheur. Tout est calme. L’ordre règne sur l’oasis de Kashgar. Pour combien de temps ?

Lettre de Kashgar

Publié dans Nouvelles de Pékin

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