Journal de l'Altaï - juillet août 2018
NB : une carte du voyage figure à la fin de ce journal.
Premier jour, 29 juillet, Novosibirsk Barnaul, 200 km. La courte nuit sur le vol bondé qui vient de Saint Petersbourg fait regretter le Transsibérien, bien plus lent mais plus spacieux. L'avion se pose à l'aéroport de Tolmatchevo aux premières lueurs de l'aube. Il est 4 h 15. Cette partie de la Sibérie est à TU + 7, heure de Bangkok et de Jakarta, en avance de 4 heures sur Moscou et de 5 heures sur l'heure française d'été. Il fait 13° C, fraîcheur bienvenue après la canicule d'Europe.
La circulation étant réduite à cette heure matinale, je gagne Novosibirsk (82° 57' E, 55° 03' N) en 30 minutes après avoir franchi le pont sur l'Ob. Je retrouve la grande gare verte par laquelle j'étais passé le 12 juillet 2011, sur le trajet de Paimpol à Pékin. C'est, comme déjà noté à l'époque, une gare pour les grands voyages avec des trains pour Moscou, Saint Petersbourg, Almaty, Tachkent, Pékin ou Vladivostok. Ce matin, je me contente cependant d'un modeste train de banlieue qui accuse son âge et me rends dans la bourgade de Selyatel, 40 mn de trajet, pour visiter le petit musée des chemins de fer (cf. article séparé à paraître).
J'arpente ensuite la ville, très calme ce dimanche sauf une petite manifestation de communistes qui parcourent les rues en voiture. Peut-être protestent-ils contre le relèvement de l'âge de la retraite, sujet qui agite beaucoup les esprits en ce moment.
HLM soviétique (il y en a partout); maison sibérienne en bois; (il y en a très peu); symbole du passé récent.
Novosibirsk n'est pas vraiment une belle ville. Fondée en 1893 avec la construction du pont ferroviaire sur l'Ob, elle a connu l'urbanisme soviétique avec ses HLM très laids, jumeaux des HLM de Pékin déjà racontés sur ce blog. Plus généralement, l'URSS est encore partout visible avec les noms des rues (Lénine, Octobre, communisme, Komsomols ...), les larges perspectives, un monument aux héros de l'Union soviétique assez défraîchi.
Le musée d'histoire; le monument aux héros de l'Union soviétique; le monument aux morts de la Grande Guerre patriotique.
Deux musées intéressants :
- le musée d'histoire, avec des salles d'ethnographie très bien présentées sur les peuples sibériens ; les salles d'histoire récente sont plus discutables : elles présentent la période communiste sans hagiographie mais sans la moindre critique non plus;
- le musée N.K. Roerich consacré à cet artiste, écrivain et penseur du début du 20ème siècle fortement influencé par l'Himalaya et le bouddhisme ; il avait longuement exploré l'Altaï pour ses recherches philosophiques et religieuses; ce musée est presque un sanctuaire à sa mémoire ; il en existe un autre du même genre dans la maison où Roerich à vécu à Nagar, près de Kulu (Himachal Pradesh), et un troisième à New York.
Ces visites terminées, je prends le car pour Barnaul, 4 h 30 de route. La région traversée est le sud de la plaine sibérienne, tour à tour cultivée (grandes exploitations héritées de la collectivisation) et couverte de forêt. La route, à deux voies au début et quatre voies à la fin (travaux en cours), est bonne, sans nids de poule, mais très chargée. Les conducteurs roulent assez lentement, craignant sans doute les contrôles de vitesse. Pas de difficulté donc mais le roller ne serait pas indiqué.
Barnaul (83° 45' E, 53° 20' N), où j'arrive à 18 h 10, à été fondée dès le 18ème siècle. Jan Potocki y était passé en 1805 au retour de son ambassade peu fructueuse en Chine. Thomas Atkinson (en 1856) et Jules Legras (en 1898) faisaient l'éloge de son petit orchestre et de son intelligentsia fort cultivée. Mais ce passé à été oblitéré, au moins à l'observation rapide, par la période communiste qui n'a rien laissé de très remarquable hormis ...
Dans les petites rues arborées on trouve des petites maisons sibériennes en bois, plus nombreuses qu'à Novosibirsk. C'est presque une impression de campagne.
Devant l'une de ces maisons je rencontre un Breton et sa moto indienne Royal Enfield immatriculée dans l'Ile et Vilaine. Il parcourt l'Asie et se dirige comme moi vers la Mongolie. Si tout va bien il continuera jusqu'en Australie.
Deuxième jour, 30 juillet, Barnaul Gorno Altaisk, 245 km. Les musées étant fermés le lundi, je me limite à une courte excursion en ville et quitte Barnaul en car à 12 h 20.
On reprend la direction de Novosibirsk sur 23 km puis on bifurque au sud-est sur la route 256. C'est d'abord la plaine puis une région légèrement vallonnée, tour à tour cultivée et boisée. Mêmes conditions de route qu'hier : route à deux voies bien revêtue mais chargée, vitesse limitée à 70 km/h (et personne ne proteste ...).
Arrêt à Biysk vers 15 h. Ville sans particularités apparentes hors du petit centre historique où je n'ai pas le temps d'aller mais bien arborée. Terminus du train, Biysk s'est dotée d'une gare flambant neuve rehaussée d'une locomotive d'époque. Je ne verrai pas d'autre gare d'ici la Chine.
La route franchit l'Ob une dernière fois et traverse sur à peine 100 km le territoire de l'Altaï. Elle remonte la vallée d'un affluent, la rivière Katun. La plaine se termine. On traverse les premières collines couvertes de forêt qui forment le piémont du massif situé au sud.
Gorno Altaïsk : vue d'ensemble (photo Wikimapia), église sibérienne; temple tibétain; T. Kazakov, héros de la Grande Guerre patriotique.
Arrivée à 17 heures à Gorno Altaïsk (85° 58' E, 51° 57' N), chef lieu de la République de l'Altaï (à ne pas confondre avec le territoire traversé juste avant). La ville est au fond d'un cirque de collines couvertes de forêt. Elle s'étend le long d'une très longue rue - la perspective communiste - avec de petites curiosités : un monument aux morts imposant - comme à Novosibirsk, comme à Barnaul - avec les bustes de héros de l'Union soviétique tombés pendant la Grande Guerre patriotique (1941-45), une église sibérienne en bois et un tout petit temple tibétain, neufs tous deux mais plaisants.
Cette partie de l'Altaï produits fleurs et fruits en abondance, un vrai pays de cocagne avant les déserts qui m'attendent. La forêt est tentante mais des panneaux mettent en garde contre les piqûres de tiques.
Le plus dépaysant est la population : les Russes restent majoritaires mais les Centre-asiatiques - Altaiens et peut être Kazakh - sont assez nombreux. L'Asie centrale n'est plus loin.
Troisième jour, 31 juillet, Gorno Altaïsk Kosh Agach, 445 km. Départ à 7 h 15. La route - Chuysky trakt - remonte toujours la rivière Katun dans une belle forêt de pins et de bouleaux. Zone de villégiature près de Manzherok où les Russes viennent camper et pêcher en grand nombre. Route toujours de bonne qualité mais dangereuse car le conducteur du minibus roule beaucoup trop vite.
La route s'élève doucement et la forêt devient plus clairsemée au profit de prairies d'altitude en fleurs. Nous franchissons le col Seminsky (alt. 1 730 m) à 9 h 40 après 140 km de route. Les arbres continuent à se raréfier et l'on traverse une région de prairies et de pâturages. La petite ville d'Onguday est passée à 10 h 30. La route est touristique : on croise par dizaines des camping cars venus d'Europe et des cyclotouristes russes ou étrangers. Les habitants sont maintenant le plus souvent Altaiens ou Kazakh.
Après Onguday les paysages restent très beaux, de plus en plus sauvages, avec le col de Chike Taman à 1 300 m après 220 km de route. La qualité du revêtement se dégrade avec plusieurs dizaines de kilomètres de route en réfection. Tant que les travaux ne seront pas achevés cette portion est impropre à la pratique du roller.
Nous arrivons à la bourgade d'Aktash à 13 h 30 après 340 km de route (alt. 1 400 m). Je quitte sans regret le minibus qui continue vers Ulagan, plus au nord, et déjeune.
Plus de transport public après Aktash. Un taxi partagé me conduit à Kuray, 30 km, avec une belle vue sur le Mont Aktru (4 044 m) et son glacier. Les 65 derniers kilomètres sont agréables car je suis pris par un ménage de Krasnoiarsk dont la femme est au volant. Elle roule sagement et c'est un vrai bonheur après ces chauffeurs trompe la mort.
Kosh Agach (88°40' E, 50°00' N, alt. 1 800 m) signifie paraît il "dernier arbre" mais on le chercherait en vain. C'est une petite bourgade du bout du monde construite surtout en bois dans une steppe marécageuse, autour du marché et de la mosquée. C'est un peu le Far West et les Russes sont tout à fait minoritaires. La recherche d'informations est ardue pour un non-russophone.
Mais on sait s'y amuser. Au restaurant chic de l'endroit, je tombe ce soir sur une fête de famille altaienne qui bat son plein. Aspiré volens nolens, abreuvé de kumus (lait de jument fermenté ) et de thé au beurre comme au Tibet, je suis entraîné dans la danse sans pouvoir résister. Je m'en sors galamment en invitant la grand-mère ...
Rencontré aussi un motard japonais qui débute un tour du monde. Il est passé par Vladivostok et Oulan Bator et continue vers l'Europe.
Quatrième jour, 1er août, Kosh Agach Olgii 130 km. Vu la rareté, si ce n'est l'inexistence des transports en commun, un taxi me conduit au village de Tashanta, 50 km à l'est de Kosh Agach. La route, droite, traverse une steppe où paissent quelques troupeaux.
A Tashanta (alt. 2 150 m), un monument aux morts, une église, une mosquée. Le poste frontière russe est à la sortie du village. Un interprète d'anglais facilite les choses. Je suis traité avec une grande courtoisie, qui n'exclut pas un petit interrogatoire. Comme il n'est pas possible de continuer à pied, la police des frontières réquisitionne une voiture particulière pour me conduire. Ceci est secourable car je ne verrai pas un transport public sur tout le trajet. La frontière proprement dite est située 21 km plus loin. Nous entrons en Mongolie. La route goudronnée fait place à une piste en terre qui mène au poste frontière mongol de Tsagaannuur à 5 km environ. Les formalités ne soulèvent aucune difficulté mais l'attente est assez longue : l'ensemble du passage de la frontière prend 2 h 30. Une petite cahute fait office de bureau de change (au moins pour les roubles) et d'assurance pour les voyageurs motorisés.
Une fois en Mongolie, la route est tantôt revêtue, tantôt pas. Les premiers kilomètres de prairies, avant Tsangaannuur, sont assez verdoyants. Plusieurs campements de yourtes, des troupeaux de chèvres, de yaks et de chevaux. La région traversée ensuite est plus sèche et déserte. Un col à 2 600 m.
Arrivée à Olgii (89° 55' E, 48° 55' N, alt. 1 800 m), 80 km plus loin. Petite ville poussiéreuse aux rues défoncées, plusieurs mosquées, ambiance de bout du monde pas désagréable, plus kazakh que mongole.
Après une recherche un peu longue, je trouve un hôtel tout neuf qui me permet d'échapper aux logis par trop rudimentaires visités d'abord.
Longue tournée des agences de tourisme qui me fait arpenter la ville en tous sens. Il est en effet obligatoire de passer par une agence pour visiter les parcs nationaux des montagnes environnantes. Mais le petit nombre de clients fait que les opportunités sont rares.
Cinquième jour, 2 août, Olgii Bugat et retour, 10 km. Longues palabres pour trouver un moyen de visiter les montagnes à l'ouest d'Olgii, près de la frontière chinoise. Quand la discussion aboutit enfin, grâce à la rencontre de trois voyageurs, il faut encore solliciter le permis nécessaire et il est trop tard pour partir aujourd'hui.
Il faut aussi aller au marché se procurer des provisions car il est à craindre que les ressources soient réduites dans les montagnes. Légumes et fruits, venus de loin en camion, font pauvre figure. J'aurais dû en apporter de Russie.
Excursion à pied cet après-midi à l'est d'Olgii, jusqu'au village de Bugat. La ville, qui semblait petite, est en fait assez étendue. On y rencontre la Mongolie d'hier avec de vieilles usines plus ou moins à l'abandon et celle d'aujourd'hui avec des quartiers de petites maisons en pisé ou en briques, avec souvent une yourte dans la cour comme il est fréquent dans les villes mongoles, de petites mosquées à la turque, des vaches qui errent. Cela sent tour à tour le charbon, le mouton et des odeurs plus fortes. Presque une grande ville ...
On croise souvent des voitures venues du Kazakhstan, indice d'échanges fréquents sur fond de cousinage. Quelques voitures viennent de Russie, surtout de la République de l'Altaï. Un camping car venu d'Omsk. Et deux petites voitures vues cet après-midi, immatriculées au Royaume Uni. Venir d'Europe n'est pas si difficile.
Une nouvelle préoccupante ce soir : le chef du bureau compétent étant absent, notre permis n'est pas encore délivré. Ceci remet en cause le départ qui était prévu demain de bonne heure et risque de faire perdre encore un jour.
Sixième jour, 3 août, Olgii Khoton Nuur, 164 km. Le permis tant attendu est délivré vers 9 h 30. Nous partons à quatre plus guide et conducteur à 10 h 40 dans une fourgonnette 4x4 UAZ 452, engin soviétique rustique très utilisé en Mongolie.
Nous quittons la ville vers l'ouest et la route goudronnée cesse aussitôt. Nous roulons sur piste, tantôt assez vite sur le sable et la tôle ondulée, tantôt très lentement dans les cailloux mais sans vraie difficulté. Après Sagsai (25 km, essence, épicerie, mosquée), la piste vers le sud-ouest traverse une série de petites steppes dans des cuvettes séparées par de petites montagnes. Deux cols à 2 150 et 2 580 m. Là où l'herbe est fournie, les nomades ont installé leurs yourtes et leurs troupeaux (vaches, chèvres, chevaux, quelques yaks, quelques chameaux ) et ramassent le fourrage pour l'hiver. Les portions plus arides sont désertes sauf quelques chèvres qui broutent une herbe minimale. Pas un village après Sagsai. C'est un pays vide dont les espaces semblent infinis. A 100 km d'Olgii, après le second col, des forêts de conifères apparaissent.
Nous arrivons vers 16 h 30 sur la rivière qui sépare lacs Khurgan et Khoton (alt. 2 100 m). Plusieurs campements de nomades et quelques visiteurs mongols - le centième de ce que l'on rencontrerait sur un site équivalent en Chine.
Nous franchissons cette rivière peu profonde sur un pont de bois et nous engageons dans une petite vallée qui part vers l'ouest, vers la chaîne frontière encore partiellement enneigée. Nous établissons notre campement un peu plus haut en bord de rivière et en bordure de forêt de mélèzes, non loin de campements de yourtes d'éleveurs qui transhument (88° 22' 39'' E, 48° 31' 00'' N, alt. 2 150 m). Nous poursuivons à pied jusqu'à 2 500 m, avec une petite chute d'eau 100 m plus bas.
Soirée fraîche mais heureusement sans vent.
Septième jour, 4 août, à l'ouest du Khoton Nuur, 6 km en voiture et 25 km à pied environ. Temps nuageux ce matin, quelques gouttes et de gros nuages de pluie venant de l'ouest.
Nous nous élevons à pied sur le flanc nord de notre vallée jusqu'à un seuil à 2 500 m, descendons vers un petit lac (alt. 2 400 m) puis jusqu'à la crête suivante (2 500 m) d'où l'on domine une vallée plus importante est-ouest. L'excursion prend deux heures aller retour.
Nous levons le camp peu avant midi et visitons deux campements de yourtes en contrebas. Intéressant aperçu de cette vie semi-nomade dont il est rendu compte dans un article séparé.
Nous rejoignons ensuite la rive et établissons notre deuxième campement un peu plus au nord.
Je pars seul à 15 h 30 et longe la rive occidentale du lac vers le nord-ouest (300°) pendant 10 km environ. Beaux paysages de pâturages et de forêts de mélèzes. Nombreux campements de yourtes. La rive orientale du lac, en face, est bien plus austère : rocailleuse, quasiment pas arborée, presque déserte. La marche est très facile mais il vaut mieux suivre la piste car la prairie est souvent spongieuse. Une rivière à passer à gué. Je regagne le camp à 19 h 45.
Huitième jour, 5 août du lac Khoton au camp de base du Malchin, 120 km environ + 13 km à pied. Après une halte à la petite station au bord du lac (essence), nous partons pour de bon à 8 h 05.
Plus de six heures de piste avec plusieurs mauvais passages.
Petit site archéologique datant de -200, trois statues, des monticules et des alignements de pierres dans la steppe.
Région presque déserte sans campements de yourtes ni troupeaux. Quelques habitations de bois et un village, Balkh. Plusieurs points un peu plus verdoyants où les hommes font la fenaison à la faux. Un arrêt pour chasser la marmotte, spectacle assez cruel. Nous rejoignons bientôt la rivière blanche (rivière Tsazaan, rendue blanche par les sédiments qu'elle charrie) que nous remontons jusqu'à la fin de la piste autorisée aux véhicules, à 2 450 m. Nous croisons quatre VTTistes pour qui cette piste doit être très dure.
Au poste où nos permis sont contrôlés les chevaux et les chameaux annoncés font défaut, pour nous du moins. Après une longue recherche infructueuse, nous partons donc à pied à 16 h 15, lourdement chargés. Ce qui aurait dû être une marche d'approche agréable dans les alpages avec le spectacle des sommets et ensuite des glaciers se transforme en une épreuve. Nous parvenons à 20 h 30 au camp de base (87° 56' 36" E, 49° 08' 59" N, alt. 3 200 m), séparé par une moraine du confluent de deux glaciers. Malgré le jour qui baisse, on devine un grand spectacle. Une bonne vingtaine de tentes sont déjà plantées - le camp de base sert aux expéditions d'alpinisme dans tout le massif - auxquelles nous ajoutons les trois nôtres dont l'abri est plus que bienvenu contre le vent du soir.
La montée vers le Malchin et la vue sur les glaciers
Neuvième jour, 6 août, ascension du mont Malchin. Beau temps, heureusement peu de vent. Nous quittons le camp de base à 7 h 15. La marche d'approche continue vers l'ouest (280°) pendant 45 minutes environ, dans un petit vallon. La grosse moraine sur notre gauche (à notre sud, donc) nous cache les glaciers. Passé un confluent de vallées, l'ascension commence et elle est assez raide. Les glaciers se découvrent alors en majesté, spectacle qui devient rare avec le réchauffement climatique. La plupart du temps, le sentier est plus ou moins visible et repéré par des cairns. Par moment il faut passer dans des pierriers ou des quartiers de roche. Bien qu'elle ne soit pas longue (870 m de dénivelé net, 900 ou 920 m avec les petites descentes), je trouve cette montée rude et arrive au sommet rétamé. C'est sans doute la marche d'approche d'hier avec les charges ou, plus préoccupant, l'effet de l'avance en âge.
Je parviens au sommet du mont Malchin (87° 52' 32'' E, 49° 10' 17'' N, alt. 4 070 m) bon dernier à 11 h 05. Vue magnifique à 360° sur les sommets voisins, les glaciers et les étendues plus verdoyantes de l'Altaï russe au nord. Nous sommes sur la frontière russo-mongole. Le mont Nairamdal (4 104 m, souvent désigné sur les cartes comme Altai Tavan Bogd), tri jonction des territoire mongol, russe et chinois est tout près à l'ouest. Le point culminant du massif est le mont Khüiten, 4 374 m, un peu plus loin au sud sud ouest, sur la frontière sino-mongole.
Nous gagnons beaucoup de temps à la descente en passant par le grand névé de la face nord en forte pente (au moins en partie en Russie). Je ne l'aurais certainement pas fait sans la présence dans notre petit groupe d'un montagnard expérimenté car il faut anticiper la neige trop molle et les plaques de glace (un passage délicat à la fin). Nous sommes ainsi de retour au camp de base vers 13 h 45 pour un repos bien gagné.
Courte sortie l'après-midi sur le rebord sud de la grande moraine pour observer de plus près les deux glaciers. Leur confluence se matérialise par une crevasse, presque une faille, longue et profonde. Les langues glaciaires ont remonté de 2 km environ, découvrant une étendue pierreuse et un lac blanchâtre. D'ici vingt ans, il faut prévoir que les deux glaciers seront réduits à une taille résiduelle et ne se rejoindront plus. Ce spectacle impressionnant appartiendra au passé.
Le camp de base et la descente
Dixième jour, 7 août camp de base du mont Malchin Olgii, 13 km à pied et 180 km de route environ.
Nous levons le camp à 8 h 25. Un chameau est cette fois-ci disponible pour porter une partie des bagages. La descente dans les alpages est de ce fait aussi agréable que la montée avait été pénible avant hier. Nous sommes de retour au poste de contrôle à 11 h 50.
Le temps d'attendre le guide et surtout les bagages restés à la traîne, nous repartons à 13 h 25 par la route empruntée avant hier. Après 90 km environ, nous continuons plein est. Cuvettes successives très peu peuplées mais quelques travaux de fenaison. Une crevaison et de petits incidents mécaniques retardent une progression déjà lente.
A 5 km au sud de Tsengel nous faisons visite à un éleveur d'aigle. Ce savoir ancestral reste utilisé (l'aigle chasse pendant l'hiver) même si l'accueil des touristes procure un revenu d'appoint. Les femmes de la yourte sont voilées et ne souhaitent pas être photographiées, ceci pour la première fois de ce séjour.
Il est déjà près de 20 heures. Nous dînons à Tsengel. De là, il reste 75 km d'une piste moins mauvaise qu'avant, en passant par Ulan Hus. Nous arrivons à Olgii à 22 h 35, après une séance de conduite nocturne que j'aurais préféré éviter.
Onzième jour, 8 août, Olgii Hovd, 230 km. Hovd a beau être la "grande" ville voisine d'Olgii, le trajet s'avère compliqué. La recherche d'un taxi n'aboutit pas. Six autocars sont supposés partir à 13 heures pour Oulan Bator via Hovd mais ne souhaitent pas embarquer de passagers pour cette ville. L'un d'eux s'y résout finalement. Nous quittons Olgii pour de bon à 14 h 10.
Sur 60 km, nous empruntons une route toute neuve, excellente. Un grand lac sur notre droite au km 50. Nous retrouvons ensuite la piste, ses cahots et sa poussière à doses massives car la route nouvelle est encore en chantier. Notre vitesse tombe à 25 km/h. Nous passons un col à 2 700 m, avec des sommets à 4 000 m vers l'est. La prairie disparaît peu à peu pour un paysage désertique de montagnes noires, grises ou ocre. C'est ce paysage qui avait tant impressionné Émile Bouillane de Lacoste en septembre 1894 : "un sinistre désert aux ondulations couleur d'ocre pâle", paysage "dont aucune description ne saurait dire l'horreur ". Un peu exagéré tout de même ...
Nous retrouvons la route goudronnée en fin de trajet. Des montagnes enneigées sont visibles vers l'est. Nous arrivons à Hovd (alias Khovd, anciennement Kobdo, 91°40' E, 48°00' N alt. 1 550 m) à 20 heures.
Mes compagnons de voyage me quittent car ils vont essayer de poursuivre leur route vers Bulgan dès ce soir. Je rencontre quelques compatriotes, dont l'un venu de Savoie en voiture, un pick-up Land Cruiser sur laquelle il a fixé une cellule. Véhicule parfait pour les déserts avec réservoirs supplémentaires d'essence et d'eau. Moins bien pour l'économie bas carbone.
Alors que la ville est généralement citée en bien dans la littérature de voyages, la première impression est désastreuse : le car nous dépose dans un faubourg d'usines plus ou moins à l'abandon, sous la pluie, avec pour comité d'accueil une nuée de moustiques agressifs. Le petit centre ville est un peu plus plaisant avec sa petite place carrée, son théâtre et son collège polytechnique mais cela reste une ville de petits immeubles de style soviétique avec de très nombreuses yourtes en périphérie. Une bonne demi-douzaine de karaoke en centre ville. Le voyageur ne peut qu'imaginer la "petite ville blanche " de l'époque mandchoue, entièrement brûlée vers 1920 lors de la révolte mongole de Hun Bouldoun, au départ simple berger surnommé "le prince des Huns". Tous les Chinois furent massacrés et la forteresse rasée. C'est l'époque décrite par Ferdinand Ossendowski qui visita Kobdo en 1921, quand Mongols, Chinois, Soviétiques et Russes blancs se disputaient la Mongolie extérieure, le "baron fou" Ungern Sternberg terrorisait Oulan Bator.
Douzième jour, 9 août Hovd Bulgan 384 km. Des indications peu claires me conduisent un peu avant 8 heures à la gare des minibus de Hovd. Ceci me vaut 9 heures d'attente en bordure d'un petit marché installé en partie dans des conteneurs réutilisés comme boutiques et entrepôts. Vu deux gros camping-cars non 4x4 venus d'Europe.
Entre Hovd et Bulgan
Je quitte Hovd vers le sud à 16 h 40. Bonne surprise : la route est goudronnée et toute neuve. C'est autant de temps et de confort gagnés. On fait route dans une plaine semi-désertique entre deux chaînes de montagnes.
Après 125 km, la route s'élève sur un plateau vers 2 300 m. Spectacle d'immensité. Aucune population mais un peu d'élevage malgré l'aridité : vaches, chèvres, chameaux. Un col à 2 846 m au km 200. Un beau défilé rocheux à la nuit tombante juste avant Altai (km 280 -300). C'est un beau trajet mais la descente du plateau est angoissante car nous roulons beaucoup trop vite. Après Altai la route est un peu moins bonne ; elle s'interrompt même pendant une dizaine de kilomètres qui font re-découvrir les joies de la piste. Il fait nuit et nous ne sommes plus en montagne.
Nous arrivons à Bulgan (91° 12 E, 45° 54' N, alt. 1 200 m, à ne pas confondre avec au moins deux villes éponymes en Mongolie) à 22 h 15. Seul le veilleur de nuit est là pour m'accueillir à l'hôtel mais nous parvenons à faire affaire car il comprend quelques mots de chinois.
Treizième jour, 10 août Bulgan Buerjin, 400 km environ . Bulgan est une petite bourgade (9 000 habitants) qui semble bien endormie. On me conduit à un petit bureau et me délivre un "billet de transport international " pour l'autocar de 9 h 30 (tarif 15 000 MNT, très cher dans le contexte local). Nous sommes sept passagers, dont six Mongols, dans un autobus fatigué. C'est bien différent du pandémonium que j'avais trouvé à Zamyn Uud pour passer cette même frontière (voir journal Pékin Paris, 8 septembre 2013).
Nous faisons route 45 km vers l'ouest, franchissant plusieurs lignes de collines dans un paysage largement désertique. Quelques chameaux broutent une herbe rase. Aucune circulation. C'est une frontière du bout du monde.
Au poste frontière de Bulgan (parfois nommé Yarant) / Takeshiken, les formalités d'immigration sont courtoises mais les contrôles douaniers et policiers sont extrêmement minutieux de part et d'autre. Les passagers, leurs bagages et leurs téléphones sont inspectés en détail. L'ensemble prend 1 h 30 pour les sept passagers que nous sommes.
Officiellement, il faut avancer nos montres d'une heure puisque toute la Chine vit à l'heure de Pékin (TU +8). En fait, comme déjà noté en 1997 et 2013 (cf. journal, 25 septembre), les habitants du Xinjiang utilisent souvent une heure locale officieuse (TU +6) plus conforme à 'heure solaire.
L'autocar nous conduit ensuite à la bourgade de Takeshiken, 13 km plus loin, route sous surveillance vidéo étroite.
Après un déjeuner sommaire, un taxi collectif me conduit à Qinghe, où j'ai la grande chance d'attraper au vol un car pour Altay. Ceci va me permettre d'éviter une nuit à Qinghe ou un passage par Urumqi, beaucoup plus au sud.
Les routes (routes provinciales puis nationale 216) sont bonnes et le plus souvent droites mais on y roule assez, voire très lentement par endroits. La vitesse est visiblement contrôlée.
La différence par rapport à la Mongolie voisine est qu'il y a des zones irriguées autour des agglomérations. Là on trouve des arbres et même des cultures de céréales.
Dès que l'on quitte ces zones, le désert reprend ses droits. Ce sont la plaine aride ou des collines caillouteuses à perte de vue, décor hostile s'il en est du bassin de Djoungarie, que la route longe sur son côté est. En fin d'après-midi, les montagnes de l'Altaï sont encore visibles vers le nord-est mais elles s'éloignent. Nous traversons un plateau désertique en suivant à quelques kilomètres de distance le cours de l'Irtych, seul cours d'eau de Chine dont les eaux se jettent dans l'océan Arctique. Un barrage y a été construit dont nous apercevons le lac ("réservoir 635"). Il est à l'origine d'une vaste zone cultivée en aval.
Le car me dépose à 20 h 45 à Beitun, bourgade à l'échelle de la Chine mais grande ville comme je n'en avais pas vu depuis le début de ce périple. Vrai choc culturel après la Mongolie. De là, je continue à descendre la vallée de l'Irtych et parviens à Buerjin (86° 53 E, 47° 42 N), après un nouveau contrôle, à 22 h 30. Malgré l'abondance des hôtels, il faut encore deux heures pour en trouver un qui ait une chambre libre et accepte de loger une créature aussi exotique.
Quatorzième jour, 11 août, Buerjin Beitun, 85 km et départ vers Kuitun. Petite promenade en ville ce matin. La berge de l'Irtych est aménagée en promenade avec des stèles funéraires qui évoquent celles vues dans l'aymag de Bayan Olgii et quelques vestiges du commerce fluvial de naguère avec la Russie ("et l'Union soviétique" rappellent les panneaux). Le centre ville est rendu plaisant par ses arbres et ses jardins, rendus possibles sous ce climat torride par un arrosage massif.
Tout respire ici la prospérité, dans un contraste fort avec la Russie et la Mongolie proches. On vend un peu partout des fruits des oasis, notamment ces grosses pastèques pour lesquelles le Xinjiang est connu dans toute la Chine. Je parviens avec soulagement à retirer des espèces dans un distributeur avec la conscience d'être anachronique : les Chinois, encore récemment si attachés aux billets de banque, ont massivement adopté le paiement par téléphone portable.
Au moment de partir les choses se compliquent : aucun moyen de transport pour gagner Karamay (320 km) bien qu'une route nationale (G 217) relie les deux villes. On me conseille de retourner à Beitun où j'étais passé hier soir. Je m'exécute malgré le détour qui en résulte.
Peine perdue. A Beitun, où j'arrive à 12 h 45, il apparaît que les cars du jour sont partis et que le prochain partira demain matin. La visite de Buerjin risque de me faire prendre 24 heures de retard et manquer mon vol de retour.
La seule solution, bien qu'elle ne me plaise guère, est un train de nuit pour Kuitun, ville située au delà de Karamay sur la ligne vers Urumqi. Encore faut il aller acheter le billet à la gare, 5 km au sud de la ville. Gare flambant neuve à la limite du désert.
Cela fait, il me reste du temps pour explorer Beitun, centre et périphérie. Rien de très passionnant mais l'impression de richesse et de puissance est saisissante pour une petite ville si éloignée des régions côtières. Cela donne à réfléchir, surtout pour le voyageur arrivant de Russie et de Mongolie.
Le train venant d'Altay, terminus de la ligne, entre en gare à 22 h 03. Il était temps car les moustiques venaient de passer à l'action. Le confort de la couchette "dure" est relatif mais j'ai eu de la chance d'en trouver une car le train est plein. Cela permet au moins quelques heures de sommeil.
Quinzième jour, 12 août, Beitun Yining, 850 km en train. Je suis tiré de ma couchette sans ménagement à 3 h 10. L'arrivée à 3 h 35 dans une gare sous haute sécurité, que l'on est invité à quitter sur le champ, puis la promenade nocturne dans Kuitun déserte (85° 00' E, 44° 25' N), petite ville aux avenues larges et plantées d'arbres, présentent un charme limité.
Le jour se lève à 6 h 40 seulement (heure de Pékin). A la gare routière, je renonce à me rendre au lac Sayram, 400 km à l'ouest, malgré les commentaires flatteurs des voyageurs depuis le 19ème siècle, car aucun car ne part pour Bole, ville la plus proche, avant 10 h 30. C'est risqué vu le peu de temps qui me reste, je dois quitter la Chine demain matin.
Je reprends donc le train à 10 h 44 vers l'ouest. La ligne est toujours à voie unique mais elle est maintenant électrifiée. Cette fois-ci, bien qu'il s'agisse d'un voyage diurne, j'obtiens une couchette "molle" qui permet de compléter cette courte nuit.
Après Qinghe, la voie ferrée part vers le sud-ouest. Succession de plaines irriguées et cultivées et de zones désertiques la plupart du temps. Une zone montagneuse qui se traduit par de très longs tunnels. La fin du voyage se fait dans la vallée cultivée de l'Ili. Visions agricoles qui ne dépaysent pas le voyageur européen. Nous arrivons à Yining (81° 19' E, 43° 55' N, alt. 900 m) à 14 h 30. Gare monumentale.
Une demi-heure de queue me permet de vérifier qu'aucun train n'est en partance pour le Kazakhstan voisin. Ils passent sans doute la frontière plus au nord, à Alashankou.
Séance assez longue pour me loger. Trouver un hôtel qui m'accepte est compliqué. J'ai droit à une visite de la police qui m'explique son souci de ma sécurité et donne finalement son accord pour une nuit.
Promenade vers le centre ville. A quelques infimes détails près (une mosquée, d'ailleurs fermée) le décor, sans grâce, est celui de n'importe quelle petite ville chinoise. Yining compte plus de 400 000 habitants contre 10 000 à l'époque russe.
Pourtant, l'histoire de Yining et de la vallée de l'Ili n'est pas ordinaire. Cette région, plus fertile et habitable que le reste de l'Asie centrale, a souvent été un objet de conflits. Après l'un de ceux-ci, qui avait causé des destructions importantes, l'empire russe s'était emparé de Kuldja (nom ouighour de la ville) en 1871 mais l'a rétrocédée à la Chine des Qing en 1881, cas unique de recul de l'expansion russe en Asie. En 1873, à l'époque russe, Eugene Schuyler qualifiait Kuldja de "ville tartare avec un vernis chinois superficiel ". Il notait la diversité des groupes ethniques avec une prédominance des Tarantchi d'Asie centrale. De graves violences ethniques sont à nouveau survenues en 1997.
Aujourd'hui Yining a toutes les apparences d'une ville chinoise ordinaire, sauf une : les Ouighour sont bien plus nombreux qu'ailleurs au Xinjiang. Nombre de passants passeraient inaperçus à Istanbul ou en Anatolie. Il y a sans doute aussi des Kazakh puisque la ville est chef lieu de la préfecture kazakh autonome de l'Ili. C'est le seul facteur de dépaysement mais il est réel.
Seizième jour, 13 août, Yining Almaty, 460 km. Je quitte Yining à 7 h 45 en taxi partagé. Celui-ci traverse les régions cultivées de la vallée de l'Ili par les autoroutes G3016 et G30 dite Lianhuo. Cette dernière est l'autoroute la plus longue de Chine : elle vient de Lianyungang (Jiangsu), à 4 243 km d'ici. Nous l'avions empruntée pour arriver au Xinjiang en septembre 2013. Un contrôle de police, minutieux pour les étrangers, 14 km avant Horgas.
Horgas (aussi transcrit Khorgas ou Khorgos, Huoerguosi en chinois) est une vraie ville vouée au commerce frontalier avec un statut fiscal favorable. Il est nécessaire de se rendre à la gare routière et d'y acheter un "billet international " pour le passage de la frontière et le transport jusqu'à Djarkent au prix élevé de 70 CNY ; les frontières sont une affaire rentable. Inutile d'arriver trop tôt, le minibus part quand il est plein, à 11 heures 40.
On quitte la Chine par un poste frontière monumental même d'après les normes chinoises. Une vaste zone est prévue pour les voitures .... et elle est vide. Comme déjà noté, le franchissement des frontières chinoises en voiture est presque impossible. Les véhicules - en fait les camions - entrant en Chine sont soumis par la douane au passage dans un "tunnel de désinfection" en guise de bienvenue. Cette frontière est pourtant considérée comme une attraction touristique : des groupes de touristes viennent se faire photographier devant la borne frontière.
Le poste frontière kazakh est bien plus modeste mais l'accueil est aussi aimable et efficace. Le passage dure au total 1 h 30. Il faut retarder les montres, le Kazakhstan étant à TU +6 (deux heures de moins qu'à Pékin mais comme l'heure officieuse du Xinjiang).
Nous reprenons la route. Aux tours de 30 étages succèdent des maisons basses et à l'autoroute G30 une route nationale toute bosselée, illustration éloquente de l'écart - de l'abîme - de développement entre la Chine et ses voisins. On recule de 50 ans au moins.
Djarkent, la rue principale. La voiture bleue est une VAZ "Zhigouli", modèle dérivé de la Fiat 124, très répandu en URSS dans les années 1970 et 1980.
A Djarkent le minibus frontalier s'arrête et un taxi partagé prend le relais. 68 km après la frontière, on retrouve une autoroute qui permet de rouler plus (et même un peu trop) vite. La plaine est irriguée et plantée en maïs en quelques endroits mais on traverse le plus souvent une steppe arbustive, avec quelques dunes de sable. La voie ferrée est parallèle à la route mais aucun train n'est visible. Malgré les nuages, la chaîne des Tian Shan apparaît bientôt au sud.
Après un détour pour déposer un passager dans son village, nous arrivons à Almaty (76° 54' E, 43° 17' N, alt. moyenne 800 m) à 15 h 30. Un petit hôtel m'accepte sans difficulté (quel changement !).
Almaty : ses rues, ses édifices, ses parcs et les Tian Shan en arrière plan
Longue promenade en ville jusqu'à la nuit tombante. L'ancienne Alma Ata est restée très russe même si l'on a rebaptisé les rues. Les Russes, minoritaires, y sont encore nombreux. Les bâtiments soviétiques, imposants ou délabrés, sont partout. Mais la ville disparaît littéralement sous les arbres et ceci rachète beaucoup de choses.
Malgré quelques pistes cyclables et des vélos en libre-service, Almaty est le royaume de la voiture, omniprésente, polluante et bruyante. Avec l'essence à 175 KZT/litre (0,42 EUR) voire moins, la transition énergétique risque d'attendre.
But de l'excursion, le parc Panfilov du nom d'un général soviétique. On y trouve une cathédrale orthodoxe, multicolore et en bois, malheureusement en réfection. Et un monument aux morts spectaculaire, presque effrayant, qui honore principalement les morts de la Grande Guerre patriotique 1941-1945 mais aussi ceux de la guerre civile 1917-1920 (la "guerre sans fin" après la Première Guerre mondiale) et, plus discrètement, ceux de la guerre d'Afghanistan. L'URSS reste bien là. J'ai peine à croire que j'étais en Chine ce matin tant tout est si différent ici. Ce voyage est décidément, en peu de jours, une collision répétée de siècles et de mondes.
Les nuages se sont dissipés ce soir et le soleil couchant éclairé les sommets enneigés des Tian Shan qui dominent la ville.
Dix-septième jour, 14 août, départ d'Almaty. Seconde grande marche dans Almaty le matin. Je me rends sur Respublika Alangy, grande place de l'époque soviétique où se dressent maintenant le monument de l'indépendance et une résidence présidentielle. Puis à la cathédrale Saint Nicolas, érigée en 1909 avec ses coupoles dorées.
L'autobus 92 me conduit à l'aéroport en début d'après-midi, bien à temps pour le vol vers Moscou. Belle vue sur les Tianshan enneigés une fois l'avion au dessus de la brume et de la pollution d'Almaty.
Voyez aussi l'article autour de l'Altaï.