Banda

Publié le par Ding

Le volcan de Banda

Le volcan de Banda

Par 129° 54’ E et 4° 31’S, l’archipel de Banda est au centre de la mer du même nom, à 250 kilomètres d’Amboine, capitale administrative et économique des Moluques. Une ou deux fois par semaine passe un navire qui continue vers les îles Kei et Aru, plus loin encore vers le sud-est. Les autres jours, la mer est déserte.

L'ile et la ville de Neira, vus du sommet du volcan. La piste d'atterrissage est visible au milieu de l'île. A l'arrière plan, l'île de Banda Besar ou Lontor.

L'ile et la ville de Neira, vus du sommet du volcan. La piste d'atterrissage est visible au milieu de l'île. A l'arrière plan, l'île de Banda Besar ou Lontor.

L’arrivée en avion – un Twin Otter de 17 places – sur la courte piste de Bandaneira est très belle. A droite le volcan, cône parfait posé sur la mer. A côté, la petite île de Neira, centre de l’archipel. Autour, en arc de cercle, Lontor est le rebord d’une caldeira volcanique immergée. A 20 et 30 kilomètres à l’ouest, Ai et Run, basses et bordées de plages. Sauf deux côtés du volcan, noircis par les laves de l’éruption de 1988, tout est boisé. La mer est presque verte sur les hauts fonds coralliens, d’un bleu sombre sur les grandes fosses sous-marines.

Ces îles loin de tout ont changé le cours de l’histoire. Découvertes en 1512, elles ont joui pendant 250 ans d’une bonne part du marché mondial du clou de girofle et du monopole mondial de la noix de muscade. Cette fabuleuse richesse – le prix de vente valait 320 fois le coût de production – a engendré des luttes sans merci. Espagnols et Portugais éliminés, une rivalité anglo-hollandaise a duré jusqu’en 1667. Les Provinces Unies contrôlaient Neira, l’Angleterre tenait Ai et Run, prises et reprises jusqu’au traité de Breda où Run fut cédée aux Pays-Bas en échange de … Manhattan.

Carte ancienne des îles de Banda. L'ile du volcan est en haut, Neira au milieu, Banda Besar (alias Lontor) en bas et la carte n'est pas orientée vers le nord. Run et Ai sont figurés à gauche mais leur distance par rapport au groupe principal n'est pas à l'échelle. Hatta (alias Rozengain), à l'est, est omise.

Carte ancienne des îles de Banda. L'ile du volcan est en haut, Neira au milieu, Banda Besar (alias Lontor) en bas et la carte n'est pas orientée vers le nord. Run et Ai sont figurés à gauche mais leur distance par rapport au groupe principal n'est pas à l'échelle. Hatta (alias Rozengain), à l'est, est omise.

Maîtresse des îles, la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC) imposa un monopole implacable, brûlant les excédents pour soutenir les cours. Les Bandanais rechignaient. En 1656, le Gouverneur Jan Pieterzen Coen en fit massacrer 14 000. 600 purent fuir. Les îles furent divisées en parcelles confiées à des aventuriers, qui firent venir des esclaves d’un peu partout. Quand les épices, au 19ème siècle, perdirent de leur importance, Banda tomba dans l’oubli [1].

 

[1] : le monopole hollandais avait été brisé dès le 18ème siècle. Il l’avait notamment été par un botaniste français, Pierre Poivre, qui était parvenu après quatre tentatives infructueuses à se procurer des plans d’épices dans des îles situées un peu plus à l’est, en bordure de la Papouasie occidentale, et à les acclimater à l’Ile de France (Maurice). Voir la biographie romancée écrite par  Daniel Vaxelaire, les chasseurs d’épices, Payot, 1995 (cette note et la suivante ont été insérées en 2018).

A Neira.A Neira.

A Neira.

Les traces de cette histoire sont visibles partout : le fort Hollandia, le fort Belgica, le fort Nassau et le fort Vengeance (à Ai) dominent les ruines des demeures des planteurs : dalles de marbre et colonnes ensevelies sous l’herbe, à l’ombre des muscadiers dont les noix parfument les poissons locaux [2].

 

[2] : pour une évocation romanesque de ce passé colonial on pourra lire le très beau roman de W. Somerset Maugham The Narrow Corner, publié en 1932 et réédité plusieurs fois depuis (Penguin Books notamment). Le cœur de l’action se passe dans une île nommée Kanda-Meira. La référence à Banda Neira est très probable.

(Crédit photo : You Tube)

(Crédit photo : You Tube)

Occupée par le Japon, bombardée par les Américains en 1945, Banda revit un peu aujourd’hui grâce à des fonds marins d’une transparence inégalée. Avec une barrière de corail qui tombe à pic et des poissons multicolores de toutes les tailles, c’est un spectacle à peine imaginable, qui attire les plongeurs du monde entier.

Riche de souvenirs historiques – qui rappellent hélas presque tous la mort et la dévastation – ces îles restent aujourd’hui parmi les plus belles d’Indonésie. Elles vivent sous la férule d’un notable avisé, formé par les pairs de l’indépendance indonésienne que les Hollandais avaient exilé ici [3]. Il faut souhaiter que leur éloignement les préserve de l’ultime calamité que serait l’irruption du tourisme de masse [4].

Voyez aussi le journal quotidien du voyage, du 8 au 11 janvier 1992.

Les photos, sauf mention contraire, ont été prises pendant le voyage par Michel Borysewicz.


[3] : il s’agit de Des Alwi, 1927 – 2010. Voir journal, 8 janvier 1992, note 9.

[4] : le tourisme à Banda s’est arrêté au début des années 2000 du fait du conflit confessionnel aux Moluques. Il a repris progressivement depuis. Voir les notes conclusives du journal de voyage.

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