Vacances de Noël aux Philippines
L'itinéraire des vacances : Cebu, Bohol, et Camiguin
Disposant de deux semaines pour ce voyage, nous avons opté pour 7 jours itinérants dans les Visayas et réservé toute la deuxième semaine dans un même hôtel, sur l'île de Camiguin. Lors de la première semaine, nous avons parcouru la moitié sud de l'île de Cebu, puis nous avons fait un tour dans l'île voisine de Bohol. Ce n'est qu'une fraction de l'archipel des Visayas, lequel n'est que l'un des trois ensembles d'îles qui composent les Philippines. Arrivés à Cebu City via une escale à Kuala Lumpur, nous sommes partis le lendemain vers Moalboal, à 90 km, sur la côte ouest. Deux jours après, nous avons repris la route pour Santander, ville côtière la plus au sud de Cebu, à environ 75 km. Alors que Bohol était visible de l'autre coté du détroit, le moyen le plus rapide de s'y rendre fut de prendre un premier ferry pour Dumaguete sur l'île de Negros (30 minutes de traversée), y changer de port et embarquer sur un ferry ultra-rapide pour Taglibaran, au sud-ouest de Bohol.
Sur l'île de Bohol, nous avions prévu de rester deux journées à Loboc, dans la forêt, légèrement à l'intérieur des terres. Cependant nous n'avons pas réussi à avoir de place dans le ferry pour l'île de Camiguin, notre destination suivante. Les tickets ne sont vendus qu'au port, 24 heures à l'avance. Arrivés trois heures avant le départ sur les conseils de notre hôtel, les tickets étaient déjà épuisés, probablement à cause du week-end du Nouvel An. Pour obtenir des tickets pour le lendemain, nous avons dû tenir notre place dans la queue pendant cinq heures… Lassés de cette ville portuaire de Jagna, nous avons improvisé malgré l'heure tardive une escapade à Anda. Soit plus d'une heure de motorilla à défaut de trouver une voiture (il s'agit d'une tricycle avec habitacle monté sur une moto classique).
Le lendemain nous avons enfin rejoint l'île de Camiguin, après 3h30 sur le pont abrité d'un ferry lent. L'île fait partie de Mindanao, le troisième ensemble d'îles évoqué plus haut. Le reste de la province est pour l'instant en proie à des risques terroristes et placé sous le régime de la loi martiale. Nous sommes donc restés cinq nuits à Camiguin au pied du Old Volcano. A l'issue de ce séjour, nous sommes rentrés à Cebu City en avion pour une dernière journée aux Philippines.
A la découverte du monde sous-marin
Ce fut l'axe majeur du voyage. Cela peut paraître étonnant de partir en vacances à la mer lorsqu'on a l'occasion d'aller à la plage tout au long de l'année. Cette région des Philippines est d'ailleurs approximativement à la même latitude que Chennai (10° de latitude nord pour Cebu City contre 12-13° pour Chennai ; Bohol et Camiguin ont à la même latitude que le nord du Sri Lanka). Mais contrairement à notre côte indienne, la côte et le fond de la mer des Philippines ont été façonnés par l'activité volcanique. La région offre ainsi des sites de snorkeling et de plongée exceptionnels.
A Moalboal, nous avons nagé tous les quatre au milieu de gigantesques bancs de sardines… à quelques dizaines de mètres de la plage. Après des jardins de coraux entre 3 et 10 m de profondeur, le fond plonge brutalement à plus de 40 m. Les sardines du détroit affluent en permanence le long de ce tombant pour des raisons pas tout à fait expliquées… et pour le plus grand bonheur de la petite industrie touristique locale. Lors d'une plongée en apnée à une dizaine de mètres de profondeur à flanc du tombant, je me suis retrouvé à défiler en apesanteur dans le courant à seulement un mètre au-dessus d'une tortue marine. Les jardins de coraux devant notre hôtel valaient à eux seuls de venir ici, avec étoiles de mer bleues et des poissons multicolores à profusion.
A Santander, il y avait aussi de beaux récifs de coraux au pied de notre bungalow. Mais la vraie attraction était à quelques kilomètres de là : nager avec les requins baleines d'Oslob. Ces géants mesurent entre 8 et 12 m mais sont parfaitement inoffensifs. Ils se laissent approcher de très près, garantissant une expérience sensationnelle. L'activité fait toutefois l'objet d'une controverse. En effet, pour faire tourner ce business juteux, les pêcheurs reconvertis nourrissent quotidiennement les requins… qu'ils tuaient jadis. Ainsi les requins s'agglutinent tous les jours devant la plage d'Oslob qui n'était auparavant qu'un lieu de passage lors de leurs migrations.
Journée de repos à Santander
Comme des milliers de touristes chaque jour (Philippins et Coréens essentiellement), nous nous sommes rendus à la plage d'Oslob très tôt un matin, y avons pris nos tickets, écouté le briefing et fait la queue jusqu'à ce que notre tour arrive de monter dans une barque à balanciers. Elles étaient une trentaine à faire un roulement continu entre la plage et la zone des requins, à 30 ou 50 m du bord. Là, la barque s'est immobilisée et l'on a pu déjà voir la grande tête plate des requins sortir de l'eau. Leur énorme mâchoire aspire des dizaines de litres d'eau en quelques secondes. Quasiment tout le monde a sauté à l'eau, le plus souvent avec gilet de sauvetage, masque et tuba loués pour l'occasion. Il n'y avait alors plus qu'à contempler sereinement ces animaux gigantesques déambuler gracieusement en nous frôlant presque. Bien qu'Adrien se soit aventuré à faire un rapide tour dans l'eau avec nous, les enfants sont plutôt restés dans la barque d'où le spectacle était déjà impressionnant. L'un mes souvenirs les plus marquants de ces vacances reste le moment où, allongé sur le fond marin un peu plus de 10 m sous la surface, un requin est passé tranquillement juste au-dessus de moi. J'aurais pu m'accrocher à sa queue si j'avais voulu...
Photo 1: http://travelerscouch.blogspot.in/2014/08/5-reasons-why-you-should-visit-oslob-in.html et Photo 2: https://www.youtube.com/watch?v=HY0LCeUB-24
A Camiguin, la réserve marine du Sunken Cemetary fut le plus spectaculaire site de snorkeling des vacances. Lors de l'éruption du Old Volcano en 1870, le cimetière qui se trouvait là s'est retrouvé englouti à quelques mètres sous la mer. Avec le temps, les coraux ont tout recouvert et ils abritent désormais une faune marine extrêmement riche. Nous avons « visité la réserve » avec masque et tuba, accompagnés d'un guide. La beauté des fonds m'a rappelé le voyage familial aux Moluques de l'été 2004. L'originalité du site tient au fait qu'il est très peu profond. En évoluant en surface, nous profitions d'une proximité avec la faune et la flore de quelques dizaines de centimètres. Pour un tel niveau de détail, il faut généralement plonger à plusieurs mètres. C'est le seul endroit où j'ai eu la chance d'observer des bénitiers géants dans leur milieu naturel.
Photos du site alimata.fr prises aux Philippines - exemples de poissons que nous avons vu
Quant à White Island, l'excursion la plus prisée de Camiguin, nous n'avons pas été déçu même si le snorkeling n'y est pas très intéressant. Il s'agit d'un banc de sable blanc (à la différence du sable noir basaltique de toute l'île de Camiguin) de 100 à 200 mètres de long qui affleure à 20 minutes de bateau du rivage. Par chance, nous y sommes allés un jour où l’affluence était raisonnable. Le bain de soleil paradisiaque dans les eaux turquoises a été d'autant plus apprécié que nous sortions de 36 heures de pluies intenses et continues, restes du typhon auquel nous avons échappé.
Dans les terres, une nature foisonnante
Lors de notre premier trajet en voiture à Cebu, nous avons admiré les Mantayupan Falls, comprenant une cascade de plus de 100m de hauteur. Nous avons par la suite renoncé aux plus célèbres chutes d'eau, trop fréquentées. A Bohol, nous nous sommes laissés entraîner dans les flots de touristes pour contempler les fameuses Chocolate Hills. Il s'agit d'une formation géologique originale composée de plus de mille collines de forme conique semblables les unes aux autres. Couvertes d'une végétation verte lorsque nous y étions, elles virent au brun en saison sèche, d'où leur nom. L'excursion fut néanmoins décevante, faute d'avoir pu y faire la marche que nous espérions. Comme des milliers de touristes, nous sommes montés en voiture jusqu'à la base d'une colline aménagée d'un escalier. Autour des collines, les touristes louent des quads bruyants pour dévaler une piste en terre aménagée. Il ne semblait y avoir aucun chemin tranquille pour improviser une marche soi-même.
Non loin de là, une autre attraction donnée à Bohol jouit d'une réputation internationale : la réserve de tarsiers de Loboc. Il s'agit de petits primates nocturnes, grands comme la main, qui dorment le jour accrochés à un tronc d'arbre. La visite fut intéressante pour toute la famille avec la possibilité d'approcher de très près les petits tarsiers. Les pauvres, nous sommes de milliers à les déranger dans leur sommeil tout au long de la journée. Mais seraient-ils encore protégés sans cela ? On retrouve ici les débats sur les requins baleines et plus généralement ceux autour de l'écotourisme. Tout près de la réserve, nous avons visité le Butterfly Sanctuary. Nous en aurons visité trois aux Philippines, avec à chaque fois autant d'émerveillement. Ce sont des petits jardins où sont élevés des papillons. Bien sûr nous y avons vu beaucoup de grands papillons colorés et peu méfiants, mais aussi des chenilles incroyables et des chrysalides à divers stades de leur transformation.
Entre terre et mer, la mangrove et ses grottes préhistoriques
Contraints de rester à Bohol une nuit de plus à cause de nos déboires de ferry, nous en avons profité pour visiter la presqu'île de Lamanok, près du village d'Anda. Nous avons d'abord suivi notre guide sur un long ponton au milieu des palétuviers. Au bout se trouvait une petite maison sur pilotis à laquelle étaient attachées des pirogues à balancier. Notre guide a ramé un bon quart d'heure pour nous faire traverser la mangrove. Il s'en est suivi une petite marche sur l'estran au milieu des racines de palétuviers. En haut d'un escalier de pierre, nous sommes arrivés à grotte nichée dans la roche poreuse d'origine corallienne. Il s'y trouvait des restes d'objets funéraires datant de dizaines de milliers d'années. Dans une autre grotte proche, le guide nous a montré des peintures rupestres sous forme d'empreintes de mains à l'hématite rouge.
Chemin(s) de croix : Stations of the Cross et Mont Hibok-Hibok,
Faire du snorkeling et monter sur un volcan. Tel était le plan de ces vacances avant même d'arrêter notre choix aux Philippines et à Camiguin. Cette dernière ne compte pas moins de cinq volcans alors qu'elle n'est longue que de 23 km sur 15 km. Il n'empêche, monter au sommet d'un volcan s'est avéré plus compliqué à organiser que prévu. Les volcans sont couverts d'une jungle épaisse. Il n'y a pas de sentiers indiqués pour les marcheurs. Les sommets de l'île sont presque toujours pris dans les nuages. En cette saison, l'île est particulièrement arrosée et les surfaces boueuses et glissantes, surtout en présence d'un typhon. La présence d'un guide est obligatoire (dans les deux sens du terme). Dès notre arrivée, j'ai parlé de notre projet à notre hôtel qui propose dans ses brochures l'ascension du Mont Hibok Hibok (1330 m, dernière éruption en 1950). On m'a répondu que cette ascension n'était pas organisée en cette saison et qu'il faudrait se contenter de randonnées moins techniques. Et il n'y aurait pas de regret à avoir car cette ascension n'était pas envisageable avec des enfants, même par temps sec. Sur Internet, j'avais lu des récits mettant en avant des pentes si abruptes qu'on était obligé de monter à quatre pattes.
Old Volcano (à droite) et Hibok-Hibok (à gauche sur la vue aérienne, dans les nuages sur la vue depuis White Island)
Nous décidâmes donc d'aller en reconnaissance sur le Old Volcano (671 m). Là au moins il y a un chemin de quelques kilomètres pour les touristes. Il s'agit en fait d'une attraction prisée des Philippins, fervents chrétiens : la marche des Stations of the Cross. C'est un chemin de croix avec des mises en scènes grandeur nature au fur et à mesure de la montée. Outre la pluie qui a douché nos espoirs, nous n'avons vu aucun chemin bifurquer vers le sommet. Durant la journée de pluie incessante qui a suivi, nous avons continué à espérer qu'il y aurait le jour de beau temps suffisant avant notre départ et que nous pourrions trouver un guide et un volcan. Du reste je ne savais trop quoi penser de la difficulté réelle de l'ascension du Mont Hibok-Hibok. Est-elle relatée par des marcheurs aguerris ? Ou bien des touristes Philippins qui n'ont pas d'autre expérience de montagne ? Des vacanciers plagistes ? Ainsi quand le temps s'est levé le lendemain, nous sommes allés en reconnaissance aux Ardent Springs. Ce sont des sources chaudes au pied du Mont Hibok-Hibok. J'avais lu que c'était l'un des points de départ possibles de l'ascension. L'excursion fut d'ailleurs plaisante en elle-même, même si l'eau n'est plus très chaude depuis quelques années. J'ai commencé à parler de l'ascension du volcan autour de moi. Rapidement quelqu'un m'a dit qu'il pouvait me trouver un guide pour le lendemain. Il ne s'est pas vraiment prononcé sur sa faisabilité, mais nous sommes tombés d'accord sur une chose : qui ne tente rien n'a rien.
C'est ainsi qu'au petit matin de notre dernière journée à Camiguin, nous sommes retournés à Ardent Springs, prêts à en découdre. La chance était avec nous avec un ciel complètement dégagé. Nous avons rencontré notre guide à 7h25. Et à 7h30, la marche était engagée ! Dès le départ, à 200 m au-dessus du niveau de la mer, le chemin était pentu : 200 m de dénivelé pour le premier kilomètre. Nous sommes partis au rythme d'Adèle et Adrien, et nous avons continué longtemps à celui d'Adèle. Le guide galopait en tongs devant et avait l'air de se demander quand nous nous déciderions à la porter. Il a fallu attendre une section de 500 m à 25 % de pente pour que ses vœux soient exaucés ! Ensuite la pente s'est légèrement adoucie (à 15 % quand même) et les enfants se sont remis à marcher. Malgré les herbes hautes, la chaleur et l'humidité tropicales, les enfants prenaient visiblement du plaisir à progresser dans la jungle. Ils s'aidaient de leurs bras pour se hisser par-dessus les racines comme dans un parc accrobranche ! Nous avons mis un peu moins de trois heures pour atteindre l'altitude de 775 m. Rares furent les aperçus sur le sommet ou sur la mer, cachés par l'épaisse végétation. Dans les 500 m de dénivelé restant, la difficulté a changé de dimension : presque 400 m d’élévation en un kilomètre seulement, sur un terrain sans pitié. Il nous a fallu plus d'une heure pour venir à bout de ce kilomètre. Il fallait nous hisser d'une pierre à l'autre en nous accrochant à des branches ou à des racines, un enfant dans le dos. Certaines sections s'apparentaient plus à de l'escalade qu'à de la marche. Pendant ce temps là, le guide se montrait de plus en plus inquiet quant au timing.
Il est vite devenu évident que nous ne serions pas capable de descendre par le même chemin. Heureusement, je savais grâce à la lecture des blogs que l'autre itinéraire possible était plus long et donc moins pentu. Une fois engagé à ce point, continuer jusqu'au sommet pour descendre par un itinéraire plus facile était donc la décision la plus sensée. C'est peu après midi que nous avons atteint le sommet du volcan.
D'un coup, nous sommes sortis de la jungle et le panorama est apparu ! Comme si l'on allumait un écran. De ce tout petit plateau de sommet, juste assez grand pour notre équipée, nous pouvions voir d'un côté la mer plus de 1000 m sous nos pieds. De l'autre côté nous voyions le reste de l'île, et le volcan Timpoong, légèrement plus haut. Une belle récompense, mais de courte durée : la descente s'annonçait longue.
Et elle le fut. Plus de quatre heures et demi furent nécessaires, quasiment sans pause. Presque 1300m de dénivelé négatif pour redescendre au niveau de la mer, avec une pente à peine plus douce qu'à l'aller. Jusqu'au lac de cratère à 1100 m, les enfants se sont beaucoup amusés à se faufiler entre les branches et à escalader les cailloux. Au bout d'un moment j'ai porté Adrien dans mon dos pendant que le guide aidait Adèle dans les sections difficiles. Une anecdote incroyable est survenue alors. Il fallait descendre une paroi rocheuse verticale de cinq ou six mètres de haut en s'agrippant aux racines et aux branches. Une fois le guide stabilisé, j'ai fait glisser Adèle dans ses bras qu'il a déposée en bas. Engagé à mon tour, je me suis retrouvé suspendu à une racine peinant à trouver une prise où poser mon pied. Je n'étais pas en danger car je pouvais remonter, mais il fallait trouver un moyen de descendre. Pendant que je cherchais une prise, un autre guide possédant une corde a fait son apparition comme par magie. Il l'a arrimée en quelques instants et j'ai pu finir de descendre tout tranquillement, suivi par Romy.
Au final, cette journée aura été l'une des plus mémorables des vacances. Durant les dernières heures, mes jambes vacillaient sous le poids d'Adrien, pourtant pas bien lourd, à force de retenir la pente. Nous avons dû forcer pour y arriver, au point d'en avoir des courbatures pendant une semaine. Mais quelle satisfaction de vivre cette aventure en famille et d'avoir vu les enfants si enthousiastes dans ce milieu ! Ils ont marché gaiement les derniers kilomètres jusqu'au restaurant italien bien mérité.
A Cebu City
Tout le long du séjour, nous avons trouvé les Philippins très accueillants et aidants. Mais pour notre avant-dernière soirée, nous avons été particulièrement gâtés. Après avoir visité la Croix de Magellan (lieu de commémoration de son arrivée aux Philippines et donc le début de la christianisation) et la Basilica Minore del Santo Nino, datant du XVIe siècle, nous avons continué à la nuit tombante par la visite du Fort San Pedro. Ce soir-là, une partie du fort était privatisée pour un mariage. Alors que j'avais dit plusieurs fois dans la journée que j'aurais aimé un pork lechon pour le dîner (mets local, par excellence : porc entier rôti comme on se le représente dans les banquets médiévaux), il y en avait précisément un au menu du mariage. Alors que nous nous étions approchés pour prendre une photo, la sœur de la mariée est venue vers nous. Nous avons été ainsi invités à la soirée de mariage. De quoi donner envie de retourner aux Philippines pour découvrir d'autres parties de l'archipel !