Journal de Papouasie (juillet août 2017)

Publié par Ding

En approche de l'aéroport de Rendani (Manokwari)

En approche de l'aéroport de Rendani (Manokwari)

Premier jour, 31 juillet, Manokwari. Le voyage commence à Manokwari (province de Papouasie occidentale,  134° 05' E, 0° 52' S) mais le dépaysement commence dès le départ de Jakarta avec une proportion appréciable de Papous parmi les passagers du vol. 

A l'aéroport, dont la piste un peu courte impose de freiner fort,  on voit encore l'épave d'un Boeing sorti de piste le 31 mai dernier et une bannière  qui semble empruntée à la sagesse shadock : "Il vaut mieux ne pas partir que ne jamais arriver." Les accidents d'avion sont fréquents en Papouasie. 

Cessna 208B de Susi Air; épave du B737 de Sriwijaya Air sorti de piste le 31 maiCessna 208B de Susi Air; épave du B737 de Sriwijaya Air sorti de piste le 31 mai

Cessna 208B de Susi Air; épave du B737 de Sriwijaya Air sorti de piste le 31 mai

Manokwari est à l'heure de l'Indonésie orientale (TU +9), en avance de deux heures sur Jakarta.

La ville, construite autour du petit golfe de Sawaisu, pourrait être assez plaisante avec ses collines et ses arbres en abondance, si elle était propre. Elle est malheureusement jonchée d'ordures. 

Mon intention d'aller à Anggi dans les montagnes d'Arfak, apparaît d'emblée problématique.  Malgré de longues recherches, je ne trouve ni avion ni voiture pour m'y conduire sauf à affréter un 4x4 à un coût prohibitif. Pas de passagers et une route difficile, me dit-on. 

Le golfe de Sawaisu et les montagnes d'Arfak

Le golfe de Sawaisu et les montagnes d'Arfak

Deuxième jour, 1er août, Manokwari.  Le chauffeur de l'hôtel m'ayant fait attendre près d'une heure en pleine nuit,  je rejoins le marché de Wosi à 5 heures. C'est trop tard : une voiture est partie pour Anggi,  semble-t-il.  J'attends en vain pendant près  de huit heures, avec un petit groupe de Papous, qu'une autre se présente et dois me résoudre à regagner le centre-ville.  Comme hier, le coup est manqué.  Un chauffeur promet un départ demain matin, sera-t-il de parole ?

L'après midi, je vais marcher en bord de mer au sud-est de la ville jusqu'au village de Kwawi et à  la plage (?) de Mansinam. En face se trouve l'île du même nom, où deux missionnaires allemands introduisirent le christianisme en Papouasie en 1855. Avec succès visiblement : les temples protestants se comptent par dizaines en ville.  La  vue est assez belle avec les montagnes d'Arfak en arrière plan. Mais les ordures sont partout et gâchent le spectacle.  

Kwawi et l'île de MansinamKwawi et l'île de Mansinam
Kwawi et l'île de MansinamKwawi et l'île de Mansinam

Kwawi et l'île de Mansinam

Troisième jour, 2 août, Manokwari.  Nouvelle attente infructueuse, de 7 heures à 15 heures, d'une voiture qui ne viendra pas. Troisième journée perdue. Je ne verrai pas les montagnes d'Arfak.

L'après midi, je gravis la montagne de la table (Gunung Meja, alt. 150 m) qui domine la ville à l'est. Sans être aussi spectaculaire que celle du Cap, cette réserve naturelle abrite une très belle forêt.  Certes les abords sont repoussants, avec des monceaux d'ordures. Mais la forêt elle même est déserte et très propre, un tronc d'arbre opportunément écroulé empêchant l'accès des véhicules. 

La marche est aisée sur une route empierrée, les arbres immenses sont impressionnants et on entend de nombreux oiseaux (la réserve est connue pour ses cacatoès ) - et de nombreux moustiques. C'est seulement en approchant de la lisière occidentale que l'on trouve des villageois et des étudiants  (l'université est proche) venus couper du bois de feu. Je regagne la ville par le faubourg d'Amban et jln Gunung salju (la rue de la montagne enneigée - sic).

Montagne de la table (Gunung Meja), Manokwari
Montagne de la table (Gunung Meja), ManokwariMontagne de la table (Gunung Meja), Manokwari

Montagne de la table (Gunung Meja), Manokwari

L'île de Manem; on aperçoit Numfor en arrière-plan à droite.

L'île de Manem; on aperçoit Numfor en arrière-plan à droite.

Quatrième jour, 3 août, Manokwari - Kameri (Numfor). Départ à 9 heures pour le port de Marampa d'où partent les ferries. Ce trajet urbain de 10 km est déjà problématique à cause du manque de transports en commun. Le ferry lui-même,  le Kasuari Pasifik IV, appartient à la compagnie ASDP, avec laquelle j'ai déjà beaucoup navigué sur les mers de l'est de l'Indonésie et dont je n'ai pas que de bons souvenirs.  Il est comme de juste vétuste et assez déglingué. 

Nous appareillons à  11 h 55. Un peu de houle à mi-parcours. A partir du milieu de l'après midi, nous longeons la côte ouest de Numfor qui est très boisée et semble tout à fait déserte. Nous doublons la petite île de Manem, connue pour la beauté de ses fonds marins, et apercevons au moins trois autres îles beaucoup plus loin vers le sud. Nous croisons un seul navire de tout l'après midi,  sans doute un paquebot de la Pelni qui fait route de Biak à Manokwari. 

Nous arrivons vers 18 heures au petit port situé au sud-ouest de l'île de Numfor. Il est visiblement implanté là pour des raisons de navigabilité. Le débarquement est tout à fait chaotique avec des centaines de personnes qui encombrent le quai et s'efforcent de monter à bord. Le temps de trouver un véhicule il fait déjà nuit.

Nous traversons l'île à travers la forêt avec quatre villages seulement. Au quatrième village, Kameri, mon véhicule s'arrête et ne va pas plus loin. Comme on me dit que la marche de nuit est dangereuse,  je passe la nuit dans l'auberge du village  (Peng.  Fyaridin), tenue par un Javanais de Malang. Comme il n'est pas sûr que l'hôtellerie suffise à faire vivre une famille à Kameri, mon hôte est aussi, et sans doute surtout, réparateur de motos.

Arrivée à Numfor

Arrivée à Numfor

Cinquième jour, 4 août, Kameri - Yenburwo (Numfor).  Je quitte Kameri à pied à 7 h 30, par la route vers le nord-est. Cette route est en assez bon état.  Elle traverse quelques passages en forêt,  dont l'ombre est bienvenue, et de nombreuses  clairières de défrichement,  principalement plantées en manioc, où il fait déjà bien  chaud. Après avoir traversé plusieurs villages, j'arrive à Yenburwo (134° 52' E, 0° 56' S) juste avant 9 h 30, après 9 km de marche.

Champ cultivé devant la forêt entre Kameri et Yenburwo (Numfor); l'aéroport de Yenburwo, ancienne base militaire américaine; épave d'un DC3 (?) américain de la guerre du Pacifique
Champ cultivé devant la forêt entre Kameri et Yenburwo (Numfor); l'aéroport de Yenburwo, ancienne base militaire américaine; épave d'un DC3 (?) américain de la guerre du PacifiqueChamp cultivé devant la forêt entre Kameri et Yenburwo (Numfor); l'aéroport de Yenburwo, ancienne base militaire américaine; épave d'un DC3 (?) américain de la guerre du Pacifique

Champ cultivé devant la forêt entre Kameri et Yenburwo (Numfor); l'aéroport de Yenburwo, ancienne base militaire américaine; épave d'un DC3 (?) américain de la guerre du Pacifique

Yenburwo est le village central de toute une série le long de la côte nord de Numfor. Un lagon est visible à environ 2 km au large et des fonds vaseux très peu profonds sont visibles jusque-là. Toute navigation, hormis celle des barques de pêche,  est donc impossible. Un muret de ciment protège la côte. Ce barrage contre le Pacifique évite sans doute la submersion des villages à marée haute. 

Yenburwo est assez mélangé ethniquement avec beaucoup de Javanais et de gens venus des Célèbes ou des Moluques. Les villages périphériques semblent davantage peuplés de Papous. La côte à été évangélisée dès 1911, un petit monument le rappelle. Nombreux temples protestants,  une petite chapelle catholique et une petite mosquée bien fréquentée en ce vendredi. 

Longue promenade l'après midi autour du village. Au sud du petit aérodrome qui est utilisé aujourd'hui, on trouve encore les vestiges d'une base américaine de la guerre du Pacifique, avec ses anciens taxiways et parkings à avions, comme à Morotai  (Moluques du nord). L'abondant armement et matériel que les Américains avaient laissé à été peu à peu dispersé. 

La mer étant pleine en fin de journée,  les fonds vaseux sont submergés et le spectacle de la côte est assez joli, alors qu'il était plutôt rebutant ce matin à mon arrivée. 

La côte à l'est de Yenburwo; hommage à Louis-Antoine de Bougainville (transcrit en "Bogenfil"); monument commémoratif de l'arrivée des missionnaires à Yenburwo en 1911.La côte à l'est de Yenburwo; hommage à Louis-Antoine de Bougainville (transcrit en "Bogenfil"); monument commémoratif de l'arrivée des missionnaires à Yenburwo en 1911.
La côte à l'est de Yenburwo; hommage à Louis-Antoine de Bougainville (transcrit en "Bogenfil"); monument commémoratif de l'arrivée des missionnaires à Yenburwo en 1911.La côte à l'est de Yenburwo; hommage à Louis-Antoine de Bougainville (transcrit en "Bogenfil"); monument commémoratif de l'arrivée des missionnaires à Yenburwo en 1911.

La côte à l'est de Yenburwo; hommage à Louis-Antoine de Bougainville (transcrit en "Bogenfil"); monument commémoratif de l'arrivée des missionnaires à Yenburwo en 1911.

Départ de Numfor sur le ferry Nabire IDépart de Numfor sur le ferry Nabire I

Départ de Numfor sur le ferry Nabire I

Sixième jour, 5 août, Yenburwo - Biak. Je quitte Yenburwo en voiture à 4 h 40. Seconde traversée nocturne de l'île.  Le ferry Nabire I d'ASDP appareille à 7 h 55. Longue journée à travers les détroits d'Aruri et de Yapen. Mer très calme. On longe les îles de Supiori et Biak à bâbord,  Num et Yapen à tribord. Biak est comme Numfor : couverte de forêt et déserte jusqu'à l'approche de la ville.

Nous arrivons devant le port de Mokmer vers 17 heures mais l'unique place à quai est occupée. Il faut patienter jusqu'à 18 h 30 pour accoster et une petite heure de plus pour gagner Biak-ville.

Pesée des sacs de coprah

Pesée des sacs de coprah

Septième jour, 6 août, Biak.  Malgré un temps pluvieux ce matin, je pars vers 8 heures pour une sorte de tour de l'île.  Aller par la côte nord jusqu'au village de Sorendiweri, sur l'isthme qui réunit les îles de Biak et de Supiori. Comme il était à craindre, les transports en commun sont inexistants le dimanche matin, comme l'an dernier à Yamdena (Moluques ). Je suis partiellement dépanné par un Javanais acheteur de coprah.  Il fait ses tournées le dimanche car il sait qu'il trouvera les paysans chez eux.

La route de la côte nord, très bonne sauf quelques petits passages, traverse d'abord l'île au milieu de clairières où l'on cultive sago,  manioc, un peu de maïs et de canne à sucre. A partir de Korem, la route longe plus ou moins la côte avec de belles plages malgré la marée basse. Ici aussi, un mur côtier et des chemins d'évacuation très visibles : la côte a été frappée par un tsunami en 1996. Des passages dans la réserve de Biak nord, très belle forêt primaire où le bois est malheureusement coupé un peu partout. Les villages, entièrement papous,  sont de plus en plus petits et de plus en plus pauvres quand on gagne le nord de Biak. La pêche et le coprah sont les deux sources de revenu.

A Sorendiweri se trouve un improbable resort tout neuf en bord de plage dont les seuls clients sont ... des militaires.

Je regagne Biak-ville par la côte ouest qui est plus accidentée et plus sauvage, comme cela se voyait hier de la mer. La forêt plonge dans la mer. Ici aussi, les villages semblent pauvres avec des temples protestants partout. Je regagne la ville vers 15 h 30 après une boucle de plus de 100 km.

A Sorendiweri (Biak)
A Sorendiweri (Biak)A Sorendiweri (Biak)

A Sorendiweri (Biak)

Côte ouest de BiakCôte ouest de Biak

Côte ouest de Biak

Le port de Mokmer (Biak)
Le port de Mokmer (Biak)Le port de Mokmer (Biak)

Le port de Mokmer (Biak)

Huitième jour, 7 août, Biak et départ pour Yapen. Malgré la pluie en début de matinée, je pars vers l'est en longeant la côte jusqu'à Bosnik.  Cet côte avec les îles Padaido en face doit être plaisante par beau temps. A Bosnik la route côtière  prend fin mais une route parallèle dans l'intérieur permet de poursuivre vers l'est à travers des défrichements sur brûlis. Je marche ainsi,   sous le soleil qui est de retour,  jusqu'au village de Wadibu (km 28). Une voiture me ramène en ville à midi par la route de l'intérieur. 

Je quitte la ville de Biak, qui était somme toute d'un séjour plutôt agréable, à 14 h 45. Je retrouve le petit port de Mokmer ar lequel j'étais arrivé deux jours plus tôt. Quelques centaines de mètres plus à l'ouest se trouvent un monument et une plaque qui commémorent l'accident d'avion du 16 juillet 1957 : le Super Constellation de la KLM, qui venait de décoller de Biak pour Manille et Amsterdam, s'était abîmé à 1,2 km au large faisant 58 victimes. C'était encore l'époque de l'aviation à hélices et de la Nouvelle Guinée néerlandaise.

Le ferry Nabire I, le même qu'il y a deux jours, est déjà complètement envahi de passagers et de bagages lorsque j'y prends place à 15 h 50. Il part finalement à 17 h 55. Nous doublons les îles Padaido et mettons le cap au sud-est pour traverser en oblique le détroit de Yapen. Celui n'est large que de 50 km mais il n'y a pas de port sur la côte nord de Yapen. Il faut donc contourner l'île par le détroit de Kurudu, à l'est, ce qui allonge beaucoup le trajet. La nuit se passe sans incident mais elle est peu confortable, même en "classe VIP" (?) dans ce ferry bondé.

Arrivée au port de Kabuena (Yapen)Arrivée au port de Kabuena (Yapen)
Arrivée au port de Kabuena (Yapen)Arrivée au port de Kabuena (Yapen)Arrivée au port de Kabuena (Yapen)

Arrivée au port de Kabuena (Yapen)

 Neuvième jour, 8 août, Yapen. Au lever du jour, nous longeons la côte  sud de Yapen, montagneuse et couverte de forêt. Nous doublons les îles Ambai et approchons du port de Kabuena. C'est un beau spectacle au petit matin. Nous accostons à 7 h 10 et je gagne la ville de Serui, à quelques kilomètres.

Je longe l'après midi la côte vers l'ouest en direction des villages de Ketapui et de Sarawandori. Dès que l'on quitte les parages de Serui et leurs inévitables ordures, on trouve la forêt qui domine la route très à pic car les montagnes descendent jusqu'à la côte. Les pentes sont fortes pour gravir les collines. La première baie est largement ouverte vers le sud. Au village de Ketapui se trouve une plage de micro-galets noirs appréciée des citadins.

Baie de Ketapui (Yapen)Baie de Ketapui (Yapen)

Baie de Ketapui (Yapen)

En continuant la nature devient plus sauvage. On débouche sur la très belle baie de Sarawandori. C'est un véritable fjord où la mer pénètre loin dans les collines couvertes de forêt, site remarquable. Une petite route permet de rejoindre les deux villages de Sarawandori  et se termine au bout d'un petit cap, à la plage de Mokia. Ce très bel endroit attire pas mal de visiteurs, notamment le dimanche .

Baie de Sarawandori (Yapen)
Baie de Sarawandori (Yapen)
Baie de Sarawandori (Yapen)
Baie de Sarawandori (Yapen)
Baie de Sarawandori (Yapen)
Baie de Sarawandori (Yapen)

Baie de Sarawandori (Yapen)

Les îles de Saweru (au deuxième plan) et Ambai (au troisième plan)

Les îles de Saweru (au deuxième plan) et Ambai (au troisième plan)

Dixième jour, 9 août, Yapen. Je quitte Serui à pied à 8 h 30 vers l'est par la route trans Yapen. Au petit col à l'est de la ville, belle vue sur la baie à l'est et sur les îles de Saweru et Ambai. A 9h 30 je passe par le port de Kabuena par lequel j'étais arrivé hier et poursuis vers l'est. La route gagne l'intérieur des terres avec des villages dans les zones plates et de la forêt sur les collines escarpées.

Peu après Menawi (km 15) je rencontre un officier établi ici de longue date, qui me convie à l'accompagner dans sa tournée des villages. C'est instructif : il est accompagné  de quelques hommes non armés; l'armée se veut visiblement proche des villageois et mène de petites actions civilo-militaires pour entretenir les bonnes relations. Pourtant, il est visible que plusieurs villages situés à 30 - 35 km à l'est de Serui "pensent mal" et ne cachent pas leur soutien à la cause de l'indépendance.  L'absence du pavillon rouge et blanc à huit jours de la fête nationale consterne l'officier. On est à nouveau en bord de mer avec de belles vues, sur une route pas encore goudronnée.  Nous faisons demi-tour à 35 km de Serui (une rivière marque la limite des districts sud et est de Yapen ) et regagnons la ville à 16 heures.

Un spectacle de danse a lieu le soir pour accompagner la prochaine fête nationale. Le patriotisme retrouve ses droits.

Villages à l'est de Menawi (Yapen)
Villages à l'est de Menawi (Yapen)Villages à l'est de Menawi (Yapen)
Villages à l'est de Menawi (Yapen)Villages à l'est de Menawi (Yapen)

Villages à l'est de Menawi (Yapen)

Onzième jour, 10 août, Serui (Yapen) - Jayapura. Départ en voiture à 7 h 15 vers l'ouest, sur la route trans Yapen empruntée avant hier. Nous continuons à longer la côte pendant 20 km au-delà de Sarawandori, tantôt en bord de mer, tantôt dans les collines. Quelques portions non encore goudronnées.

L'ATR 42 de Trigana Air en escale à SeruiL'ATR 42 de Trigana Air en escale à Serui

L'ATR 42 de Trigana Air en escale à Serui

A 35 km de Serui se trouve le petit aéroport dénommé Stefanus Rumbewas, où les contrôles de sécurité sont rudimentaires. L'ATR 42 de Trigana Air arrive à 8 h 25 mais nous ne décollons que deux heures plus tard car il doit d'abord faire l'aller retour de Biak. C'est un appareil construit en 1988, dont Trigana Air est le treizième propriétaire en 28 ans. Il semble un peu fatigué, on le serait à moins.

Le temps étant couvert, on apercoit a peine un peu de mer, puis la forêt à perte de vue, avant de découvrir le lac Sentani en descendant. L'aéroport de Sentani exhibe une collections d'avions anciens, les uns en service les autres à l'état d'épaves, qui ferait le bonheur d'un musée de l'aviation.

Epaves à l'aéroport de Sentani; un hydravion Cessna 208B des missions protestantes (MAF)Epaves à l'aéroport de Sentani; un hydravion Cessna 208B des missions protestantes (MAF)

Epaves à l'aéroport de Sentani; un hydravion Cessna 208B des missions protestantes (MAF)

La route pour rejoindre Jayapura (35 km) est lente et chargée. Ma premiere démarche est au bureau de l'immigration pour vérifier les formalités de sortie et d'entrée du pays. Cela prend du temps car ce bureau a déménagé au faubourg d'Entrop. Les réponses sont heureusement satisfaisantes, corroborant celles de l'ambassade d'Indonésie en France. Le passage de la frontière devrait bien se passer.

Jayapura (140° 42'E, 2° 32' S) est une ville curieuse, coincée entre la baie et des collines abruptes. Cela donne quelques jolies vues mais il faut caser beaucoup de monde et toutes les administrations provinciales dans un espace réduit. On retrouve les embouteillages, le bruit et la pollution que j'avais bien oubliés depuis dix jours. Jayapura est à l'extrême est du pays, la nuit y tombe dès 17 h 50.

Jayapura

Jayapura

Douzième jour, 11 août, Jayapura - Vanimo. Je me rends en premier lieu au faubourg d'Abepura, à  10 km du centre de Jayapura, pour visiter le musée hébergé par l'Université Cendrawasih. De petite taille, ce musée montre une collection fort intéressante d'objets papous de toute nature : statues, boucliers, masques, éléments de maisons, lances, crânes. La grande majorité des pièces vient de Papouasie indonésienne avec une richesse particulière de la région Asmat, au sud-ouest. La famille Rockefeller a aidé à l'acquisition de certaines pièces après la disparition de son fils Michael chez les Asmat en 1962. Quelques pièces viennent de la vallée de la Sepik, en Papouasie Nouvelle Guinée  (P.N.G.). Il est utile de faire la visite accompagné du conservateur car les légendes sont peu nombreuses.

Au musée Loka Budaya d'AbepuraAu musée Loka Budaya d'Abepura

Au musée Loka Budaya d'Abepura

Je prends ensuite la route de l'est par Yotefa, Koya et Skouw. Comme prévu, il est fort difficile de trouver des transports en commun.  On m'explique que tous les chauffeurs sont musulmans et ne travaillent pas le vendredi. Je serais curieux de savoir ce qu'on m'expliquerait si c'était dimanche. 

Le poste-frontière de Skouw et la vue sur le village de Wutung (P.N.G.). L'inscription bilingue indique : "Welcome to Papua New Guinea. Jesus Christ is Lord over this land".Le poste-frontière de Skouw et la vue sur le village de Wutung (P.N.G.). L'inscription bilingue indique : "Welcome to Papua New Guinea. Jesus Christ is Lord over this land".
Le poste-frontière de Skouw et la vue sur le village de Wutung (P.N.G.). L'inscription bilingue indique : "Welcome to Papua New Guinea. Jesus Christ is Lord over this land".Le poste-frontière de Skouw et la vue sur le village de Wutung (P.N.G.). L'inscription bilingue indique : "Welcome to Papua New Guinea. Jesus Christ is Lord over this land".

Le poste-frontière de Skouw et la vue sur le village de Wutung (P.N.G.). L'inscription bilingue indique : "Welcome to Papua New Guinea. Jesus Christ is Lord over this land".

De fil en aiguille et en près de trois heures, je parviens néanmoins à gagner Skouw puis, en traversant une forêt assez dense, le poste frontière (141°00' E, 2° 36' S). Celui-ci est très surveillé par l'armée. Je  prends un dernier repas indonésien, précaution qui s'avérera utile vu la modestie des ressources de l'autre côté : un tout petit marché qui vend surtout des souvenirs de P.N.G. fabriqués en Chine. Je néglige en revanche de changer de l'argent, imaginant à tort que ce sera possible ensuite. Le poste frontière indonésien est flambant neuf, vaste et j'y suis le seul voyageur. Le poste frontière de P.N.G. est beaucoup plus artisanal - un nouveau, construit par une entreprise chinoise, est presque achevé - mais les formalités sont rapides et courtoises des deux côtés . Me voici, pour la première fois,  en Papouasie Nouvelle Guinée. L'heure locale est TU +10, identique à l'heure d'hiver de l'est de l'Australie,  en retard d'une heure sur Nouméa. 

Il reste 35 km à parcourir.  Je dois affréter une voiture car aucun transport en commun ne circule paraît-il le vendredi (ceci est inexact comme je l'ai constaté le vendredi suivant). La route est de très bonne qualité avec quelques radiers pour franchir les rivières mais elle est beaucoup plus étroite qu'en Indonésie. La forêt l'enserre sans espaces défrichés.

Une préoccupation surgit à l'arrivée à Vanimo : les distributeurs de billets des deux banques de la ville refusent mes cartes de crédit. J'obtiens fort heureusement une avance de trésorerie au guichet de l'une d'elles. Sans cela j'aurais dû regagner aussitôt l'Indonésie.  Je trouve le gîte à la maison des pèlerins de Saint Antoine, à la mission catholique hors de la ville.

 

Sur la plage de Vanimo (Sandaun, P.N.G.)Sur la plage de Vanimo (Sandaun, P.N.G.)

Sur la plage de Vanimo (Sandaun, P.N.G.)

Vanimo (141° 17' E, 2° 40' S) est une petite ville (14 000 habitants) construite autour du port et de l'aéroport. L'ambiance quasi-villageoise contraste au possible avec celle de Jayapura. Les véhicules sont rares, les motos absentes, au point que les gens marchent, ce qui serait impensable en Indonésie.  L'impression est forte d'avoir changé de monde.

Je me promène sur la plage, belle mais pas très propre. Des piles de grumes attendent leur embarquement. Une déforestation importante est en effet en cours, qui verra la création de plantations et de fermes d'élevage. On me montre ces grumes tout en me déconseillant de mettre mon nez de trop près dans tout cela.

A 17 h 30, le supermarché a fermé,  le marché aussi si ce n'est les petites échoppes où l'on vend du bétel. Il serait impossible de se procurer un repas, si simple soit-il. Je regagne la mission à la nuit tombante (18 h 45), les sorties nocturnes n'étant pas conseillées. 

 

De Vanimo à Aitape (Sandaun, P.N.G.) en canotDe Vanimo à Aitape (Sandaun, P.N.G.) en canot
De Vanimo à Aitape (Sandaun, P.N.G.) en canotDe Vanimo à Aitape (Sandaun, P.N.G.) en canot

De Vanimo à Aitape (Sandaun, P.N.G.) en canot

Treizième jour, 12 août, Vanimo - Aitape.  La route côtière qui quittait Vanimo vers l'est à été coupée par les pluies et n'est plus praticable (depuis que l'entreprise forestière qui l'entretenait à plié bagages, me dit-on). C'est donc en barque hors-bord que je quitte la ville à 8 h 30. La côte est plate la plupart du temps avec quelques passages rocheux. Elle est visiblement très peu peuplée mais quelques huttes de pêcheurs sont visibles ça et là.  Les pêcheurs sont au travail dans leurs pirogues à balancier. Notre embarcation en polystyrène est prévue pour six passagers.  Elle marche bien avec son moteur de 40 CV mais on est durement secoué par la vitesse bien que la mer soit à peu près calme.  Ce trajet n'est pas agréable.  C'est avec soulagement que l'on entre, quatre heures plus tard,  dans le petit estuaire où est construite Aitape (142° 21' E, 3° 08' S).

Aitape est une petite ville (18 000 habitants) fondée par les Allemands en 1905. Les missionnaires catholiques étant arrivés les premiers, l'influence catholique est importante, notamment dans le domaine éducatif.  Subsistent non loin d'ici les vestiges d'une base américaine de la guerre du Pacifique.Le week-end est une chose sérieuse ici : circulation nulle, aucun commerce ouvert du samedi midi au dimanche soir. Même en ville et de jour, la promenade à pied est un peu délicate, des rencontres avec des jeunes désoeuvrés et alcoolisés étant à  craindre. Je limite donc mes sorties.

AitapeAitape
AitapeAitapeAitape

Aitape

Quatorzième jour, 13 août, Aitape Wewak.  Dimanche à Aitape. La ville est déserte.  On entend les vagues, les oiseaux et les hymnes à  l'heure de la messe. Vaine attente d'une voiture toute la matinée.  Je déjeune d'une noix de coco, seul comestible trouvé au marché.

Alors  que je n'y croyais plus,  une voiture se présente enfin. A douze plus le chauffeur,  nous quittons la ville vers l'est à 15 h 05.

La piste d'atterrissage de Tadji; B25 Mitchell‘Feather Merchant’ près d'AitapeLa piste d'atterrissage de Tadji; B25 Mitchell‘Feather Merchant’ près d'Aitape

La piste d'atterrissage de Tadji; B25 Mitchell‘Feather Merchant’ près d'Aitape

4 km plus loin, au village de Tadji, on longe l'ancienne base aérienne de la guerre du Pacifique construite par le Japon en 1943 et conquise par les Alliés le 22 avril 1944, dont une piste est encore utilisée occasionnellement, paraît-il. La plupart des épaves d'avions américains ont été détruites pour leur ferraille ou récupérées par des musées dans les années 1970  mais l'une d'elles, un bombardier B25 Mitchell,  est toujours visible à l'entrée d'une école proche d'Aitape (voir l'article de Rob Parer, juin 2016).

Gué entre Aitape et WewakGué entre Aitape et Wewak

Gué entre Aitape et Wewak

La route suit la plaine littorale mais on voit rarement la mer. On traverse des clairières défrichées dans la forêt.  Deux portions asphaltées de 20 et 44 km, juste avant la rivière qui délimite les deux provinces et à la fin du trajet,  permettent de rouler un peu vite. Le reste du temps, la piste présente beaucoup de nids de poule et la progression est lente : cinq heures pour 175 km. Le principal obstacle sont les rivières à passer à gué. J'en compte 24, dont quatre assez larges et profondes pour bloquer la route en cas de fortes pluies.

A 18 h 20, un villageois lance une pierre sur la voiture sans raison apparente.  Le projectile manque la vitre de justesse mais percute la carrosserie à grand bruit. 

Nous arrivons à Wewak (143° 37' E, 3° 33' S, dans la province d'East Sepik) peu après 20 heures. Le conducteur cherche une auberge où il puisse me déposer.  Cela prend du temps. Le conducteur et les passagers sont nerveux, craignant d'être attaqués. Une auberge est finalement trouvée ("Paradise Backpacker" - sic) qui propose un lit dans un dortoir et une boîte de miettes de thon pour dîner. C'est sans doute loin du centre-ville.  Sommaire mais suffisant.

Quinzième jour, 14 août Wewak - Maprik. L'auberge est en fait à la sortie de la ville, sur la route de Maprik où je désire me rendre. Cela ne me dispense pas de gagner le centre de Wewak, sur une belle plage de sable blanc. Le temps de trouver des passagers, de faire le plein et des provisions de bouche - mes compagnons de voyage achètent force glaces et sodas- nous quittons la ville à 11 h 20.

Entre Wewak et MaprikEntre Wewak et MaprikEntre Wewak et Maprik

Entre Wewak et Maprik

Nous nous dirigeons légèrement vers le sud (Passam,  centre éducatif important) puis vers l'ouest  (Baimoru, Yangoru) à travers les "montagnes du Prince Alexandre", une chaîne de collines qui sépare la vallée de la Sepik de l'Océan. Naguère couvertes de forêt,  ces collines sont aujourd'hui assez déboisées avec des cultures sur brûlis.  L'habitat est mi-traditionnel, en feuilles de palmier, mi-moderne (bungalows métalliques). Asphaltée et d'assez bonne qualité au début,  la route se dégrade avec beaucoup de nids de poule et de portion non revêtues où l'on avale beaucoup de poussière. Il nous faut presque quatre heures pour rejoindre Maprik (68 km),  petit centre actif dans le commerce de la vanille (vendue ici 700 PGK soit 200 EUR/kg) et du cacao.

Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)
Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)
Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)

Haus tambaran, Apangi (Central Sepik)

Avec un jeune du village, je me rends l'après midi au village d'Apangi, 10 km à l'ouest. C'est une marche rapide, presque athlétique, dans les collines, au point que je dois forcer pour suivre le rythme.  Contraste avec le pays voisin, si peu marcheur. L'habitat devient peu à peu plus traditionnel. Apangi (143° 01' E, 3° 37' S) est connu pour ses maisons traditionnelles (haus tambaran) qui n'ont rien d'ancien mais reprennent les traditions locales.  Ces maisons sont utilisées pour des cérémonies,  notamment lors de la récolte du yam.  Les participants se peignent le visage selon la tradition (c'est le cas de quelques uns d'entre eux lors de mon passage). Les femmes n'y sont traditionnellement pas admises. Je suis accueilli avec courtoisie par un village qui reçoit un petit flux régulier de touristes.

Retour vers Maprik en marche rapide. Apangi était l'extrémité de ce voyage commencé le 31 juillet à Manokwari.  Il me reste une semaine, il faut maintenant prendre le chemin du retour. 

Maprik et ses alentours; le séchage des gousses de vanilleMaprik et ses alentours; le séchage des gousses de vanille
Maprik et ses alentours; le séchage des gousses de vanilleMaprik et ses alentours; le séchage des gousses de vanille

Maprik et ses alentours; le séchage des gousses de vanille

Seizième jour, 15 août, Maprik - Wewak. Je quitte Maprik à pied à 7 heures, accompagné d'une petite escorte villageoise car il est déconseillé de marcher seul. Promenade de 2 h 30 dans les collines jusqu'au village de Kumunibis. Nous y allons en longeant la rivière - trois gués à passer - et revenons par une route semi-circulaire à l'ouest qui rejoint celle d'Apangi. Je vois une haus tambaran non dépourvue d'intérêt à Kumunibis.  Mais la plus grande et la plus connue que je cherchais à brûlé il y a peu.

C'est jour de marché à Maprik. Tous les villages environnants affluent et c'est un grand concours de peuple. Il se vend un peu de tout et notamment de la vanille mais chaque vendeur n'en propose que quelques gousses. La pharmacie offre un spectacle concentré de la misère humaine. L'unique banque de l'endroit me refuse tout dépannage de trésorerie. 

Après près de trois heures d'attente,  je trouve place dans un minibus pour regagner Wewak. Ce retour se fait sans incident, à ceci près que nous sommes arrêtés entre Maprik et Yangoru par des villageois armés de machettes qui exigent un petit tribut pour nous laisser passer. Le personnel et les voyageurs du minibus sont visiblement habitués à ce type de "péage". 

J'arrive au centre de Wewak à 16 h 15. Sur la petite colline qui domine la mer se trouvent quelques hôtels qui se veulent chics et de belles villas. Avec ses gazons bien tondus (la P.N.G. a hérité  des Britanniques et des Australiens le culte des belles pelouses, même dans les villages ), cette enclave presque opulente repose l'oeil et l'esprit, si l'on fait abstraction des hautes clôtures et des gardiens nuit et jour devant chaque maison. 

Les banques sont fermées et les distributeurs refusent à nouveau mes cartes de crédit.  Il me reste juste assez pour payer une petite chambre dans une Guesthouse religieuse et un paquet de nouilles déshydratées à cuisiner moi-même.  Ce dîner frugal est apprécié car je n'avais pas déjeuné mais je n'ai plus un sou ce soir. Le son des cantiques me rassure : la divine Providence me tirera sans doute d'affaire demain. 

WewakWewakWewak

Wewak

Dix-septième jour, 16 août, Wewak - Sup (Mushu). La Providence s'incarne à nouveau dans la banque australienne Westpac qui me consent pour la deuxième fois (après Vanimo le 11 août) une avance de fonds qui me tire d'affaire pour quelques jours.

Après plusieurs heures d'attente, j'embarque à 14 h 35 sur un canot pour l'île de Mushu, 30 mn de traversée. Nous doublons la pointe est de Mushu et accostons au fond d'une petite baie faisant face au nord, donc au large. Au hameau de Sup, deux familles tiennent de petites pensions au confort très sommaire. Le village est très  propre, l'accueil est familial, la plage est belle, les fonds coralliens sont beaux paraît-il. L'île de Yeo, plus montagneuse, est toute proche au nord-ouest. L'endroit est beau et paisible. Comme à Numfor, Biak, Aitape ou Wewak,  on a peine à imaginer que la guerre du Pacifique a fait rage ici.

Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu
Sup, île de Mushu

Sup, île de Mushu

Dix-huitième jour, 17 août, Sup - Aitape. Je regagne Wewak en canot. Après 2 h 30 d'attente, retour très lent (6 h 30 de route) vers Aitape par la route côtière déjà connue. Le chauffeur est plus soucieux de parler à ses nombreux cousins rencontrés en chemin, ou de leur envoyer des SMS,  que d'arriver à destination. 

Jeudi étant jour de marché à Aitape, je trouve de petites bananes pour améliorer l'ordinaire, l'auberge ne cuisinant plus après 18 heures. Ni eau courante, ni électricité ce soir. Ces lignes sont écrites dans l'obscurité. Aitape est décidément adapté aux goûts simples.

Entre Wewak et Aitape; on se désaltère dans la rivière au passage du gué.Entre Wewak et Aitape; on se désaltère dans la rivière au passage du gué.
Entre Wewak et Aitape; on se désaltère dans la rivière au passage du gué.Entre Wewak et Aitape; on se désaltère dans la rivière au passage du gué.

Entre Wewak et Aitape; on se désaltère dans la rivière au passage du gué.

Dix-neuvième jour, 18 août, Aitape - Sentani. Départ d'Aitape en canot à 7 h 30. L'embarcation, prévue pour six à huit passagers, est nettement en surcharge avec plus de quinze adultes et les enfants en bas âge  mais la mer est d'huile et nous filons, propulsés par deux moteurs de 40 CV. L'un d'eux tombe en panne (sèche ?) trois heures plus tard mais nous sommes déjà en vue de Vanimo où nous accostons à 10 h 55.

D'Aitape à VanimoD'Aitape à VanimoD'Aitape à Vanimo

D'Aitape à Vanimo

Je repars une heure plus tard pour la frontière (batas dit-on ici en simplifiant le terme indonésien). Ces minibus circulent tous les jours ouvrables et pas seulement les mardis et jeudis, jours du marché  frontalier.

Les formalités se font sans difficulté des deux côtés bien je ne glisse évidemment pas un billet dans mon passeport comme le fait l'homme d'affaires malaisien qui me suit. Je quitte la P.N.G. à 13 h 15 (12 h 15 à l'heure de l'est de l'Indonésie) avec un mélange de nostalgie et de soulagement et le projet d'y revenir. En raison d'une panne d'électricité (sic) je ne peux changer mes kina en roupies au bureau de change officiel - le seul au monde sans doute qui pratique cette opération - et dois le faire au marché frontalier. Je déjeune, avec la satisfaction de celui qui a peu déjeuné depuis une semaine. 

La question du trajet ce serait sans doute posée  (nous sommes vendredi, les chauffeurs sont musulmans ...) si un camionneur obligeant, originaire de Florès, ne m'avait conduit jusqu'à Sentani (140° 30' E, 2° 34' S).  Je m'y installe tout en trouvant la ville bien bruyante. A Aitape hier soir, on n'entendait que le bruit des vagues. 

Tablasupa, Harlen, AmaiTablasupa, Harlen, Amai
Tablasupa, Harlen, AmaiTablasupa, Harlen, Amai

Tablasupa, Harlen, Amai

Vingtième jour, 19 août, Sentani - baie de Tanah merah et retour. Je quitte Sentani à 10 h 30 vers le nord-ouest. La route longe la chaîne de montagnes de Cyclops, qui est une réserve naturelle, et traverse des collines défrichées sur brûlis. Elle dessert les villages de Doyo baru, Sabron Sari, Dosay et Waibron.  A Doyo baru, la route passe devant l'aérodrome utilisé par les missions adventistes,  qui y ont perdu un appareil et son pilote au décollage le 9 avril 2014.

La route est étroite et défoncée, donc lente, mais une route à quatre voies est en construction. On trouve la mer au village de Depapre, au fond de la belle baie de Tanah merah. Je traverse celle-ci en canot hors bord et accoste au village sur pilotis de Tablasupa  construit sur un haut fond corallien. De là, une courte marche au nord sur un sentier mal frayé qui part du cimetière ou sur les rochers à marée basse permet de rejoindre la petite plage de Harlen (140° 22' E, 2° 25' S),  prisée des citadins. L'affluence est encore modeste mais cela risque de changer bientôt avec la nouvelle route.

Je regagne Depapre par la côte (chemin raide au début puis route) en passant par la plage de sable gris d'Amai. Celle-ci est belle mais fréquentée car déjà accessible en voiture, ce qui n'est pas encore le cas d'Harlen.  La future route en construction offre de belles vues sur la baie. C'est un beau site dont il faut espérer qu'il restera préservé. 

 

Tugu McArthur, près de Sentani

Tugu McArthur, près de Sentani

Vingt-et-unième jour, 20 août, Sentani Doyo lama et retour. J'entreprends à 6 h 45 l'ascension du belvédère, au nord-est de Sentani, sur les pentes du Gunung Ifar, où le Général McArthur avait installé son quartier général au printemps 1944 après la prise de Hollandia  (aujourd'hui Jayapura). C'est de là que fut planifiée la reprise des Philippines. 

Cette visite est compliquée car le petit mémorial est au sommet d'un camp militaire. Je suis refoulé une première fois car une copie du passeport est exigée (je dois donc redescendre). Une seconde fois car l'accès n'est possible qu'en véhicule.  Lorsque je parviens finalement au sommet sous la pluie, le mémorial est désert et cadenassé mais la clôture peut être contournée. Aucun bâtiment d'époque ne subsiste, seulement un petit monument de style local et une plaque bilingue. A travers la pluie et les nuages, on devine une très belle vue panoramique sur Sentani, l'aéroport et le lac.

Le site archéologique de Tutari et la vue sur le lac SentaniLe site archéologique de Tutari et la vue sur le lac Sentani
Le site archéologique de Tutari et la vue sur le lac SentaniLe site archéologique de Tutari et la vue sur le lac SentaniLe site archéologique de Tutari et la vue sur le lac Sentani

Le site archéologique de Tutari et la vue sur le lac Sentani

La pluie ayant cessé,  je pars de Sentani à 11 h 45 pour le village de Doyo lama, à 7 km à l'ouest.  J'y vais à pied car on m'affirme qu'aucun transport en commun n'est disponible le dimanche, ce qui n'est pas tout à fait exact. 100 m après l'église de Doyo lama se trouve le site mégalithique de Tutari (140° 27' E, 2° 34' S), qui semble à l'abandon. Sur des collines plantées d'eucalyptus et souvent brûlées, quelques blocs de pierre noire (basalte ?) présentent des pétroglyphes (de poissons notamment). D'autres pierres semblent avoir été sculptées en forme d'animaux. Sur l'une des collines, des pierres de petite taille sont dressées vers le ciel. Ce site est fort malaisé à interpréter pour le profane. Un article paru en juin 2009 dans le Journal archéologique de Papouasie (Vol 1, N°1) considère qu'il s'agit d'un site religieux de la tribu Tutari, détruit à une époque ancienne par une tribu rivale et abandonné depuis. J'en suis, comme ce matin, le seul visiteur - l'Histoire ne fait pas recette - et le gardien est absent. L'un des agréments de la visite est qu'elle offre de belles vues sur l'ouest du lac Sentani. 

Vingt-deuxième jour, 21 août, Sentani - Jakarta. Décollage de Sentani à 9 h 08. Nous virons au dessus du lac et mettons le cap à l'ouest. Un dernier coup d’œil sur la baie de Tanah merah où je me trouvais avant hier et la Papouasie disparaît dans les nuages. Je la regrette déjà. 

Voyez aussi l'article : la côte nord de Papouasie, de Manokwari à Wewak

Le lac Sentani

Le lac Sentani

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