Au Yunnan, sur la route du Tibet

Publié le par Ding Thibaut

En dominant Napa Hai, près de Shangri La (Zhongdian)
En dominant Napa Hai, près de Shangri La (Zhongdian)En dominant Napa Hai, près de Shangri La (Zhongdian)

En dominant Napa Hai, près de Shangri La (Zhongdian)

Samedi 3 octobre 2009
Parti de Dali hier soir, je passe une longue nuit dans l’autobus. Peu de confort malgré les couchettes, beaucoup de bruit et peu de sommeil mais du temps gagné car je ne m’arrête pas à Lijiang.

A 7 h 00, nous arrivons à Shangri La, 3 200 m je crois. La ville s’appelait auparavant Zhongdian mais a été rebaptisée du nom de la vallée tibétaine mythique du roman Lost Horizon de James Hilton (1933) pour attirer les touristes. Il doit faire moins de 10 degrés et il y a du vent, de la brume. Je quitte la ville à vélo pour aller voir un grand lac et une plaine marécageuse [1], ainsi qu'un monastère tibétain. Je suis content d'être enfin en montagne même s'il fait froid.
Après 10 km, je vois la route d'accès au lac barrée par un ticket office. C'est 30 yuans ! J'hésite... que verrai-je de plus en payant ? Alors que je suis sur le point d'accepter, je me vois asséner le terrible "Hello !" du rabatteur-type. Donc je m'en vais et reprends la route (qui mène au Tibet). Me voilà ravi car un col apparemment haut semble se profiler, et le temps se le lève. Je pédale tranquillement, car la montée est longue et l'oxygène moins abondant à cette altitude (3 500 m environ). La vue sur les marécages et le lac est spectaculaire : des yaks broutent au milieu des hérons et des grues. Des grands séchoirs a grains en bois s'élèvent un peu partout. Et la forêt qui entoure le lac a quelques belles couleurs d'automne.

 

[1] : Napa Hai et le monastère de Songzanlin, voir l’article Zhongdian et Deqin de 1996 (NB : cette note et les suivantes ont été insérées en 2017 pour permettre une meilleure compréhension du texte.).

Le mur qui rend la vue payante (10 yuans)

Le mur qui rend la vue payante (10 yuans)

A l'approche d'un virage en épingle, je m'attends à me retrouver face à un paysage époustouflant. Quelle n'est pas ma surprise de trouver un mur en béton de trois ou quatre mètres de haut au bord de la route ! Au milieu du mur surplombant la vallée, une porte... avec un ticket office proposant de regarder la vue pour 10 yuans. Je savais que le pire était possible dans ce domaine, mais je ne savais pas que l'on pouvait avoir l'idée de cacher un paysage pour le rendre payant.

J'arrive au col vers 12 h 00, gelé et affamé. Il y a une petite maison où un Tibétain me vend une soupe de pâtes lyophilisée et des biscuits, me gratifiant de l'eau chaude heureusement. Je profite ensuite de ce qu'il n'y a personne pour me l'interdire pour filer sur un petit sentier qui part du col et semble s'engouffrer dans la forêt, vers le sommet de la montagne d'où j'aurai une plus belle vue sur la vallée, gratuitement. Malheureusement, les vitesses de mon VTT ne passent pas et la route dérape. Après 1 km, je l'attache à un arbre et continue à pied en déposant des branches en forme de flèches pour retrouver mon chemin au retour.

Je me sens enfin libre. Plus de camions, plus de klaxons, plus de bus de touristes... des grands espaces et des bruits d'oiseaux. Je dois approcher des 4 000 m, car je dois m'arrêter de plus en plus souvent pour reprendre mon souffle. Le sommet est toutefois trop loin. Heureusement, un arbre facile à escalader m'offre la vue que j'espérais ! Sauf qu'il y a une piste d'aéroport au fond de la vallée [2]. Je reste sur ma branche un petit moment, comme sur un petit nuage. Mais le froid me chasse vite, et j'aperçois avec effroi qu'un individu s'est aussi engagé sur le chemin où j'ai laissé mon vélo en espérant ne pas me faire surprendre. Car ce que je fais doit bien sûr être interdit. Et il me suffirait de descendre l'autre versant pour atteindre la route en contournant le ticket office !

Je me hâte de redescendre, et j'ai la chance de ne rencontrer aucun petit homme vert (les policiers). Je dévale la piste en VTT, joyeux comme un enfant. Je fais moins le malin dans la descente du col où je rencontre un orage. J'ai beau avoir deux épaisseurs et un K-way, je gèle et freine pour avoir moins froid.

En haut du second petit col revenant vers Shangri La, je découvre un petit chemin qui redescend dans les marécages mais qui semble contourner la colline et aller vers le monastère. Je tente la boucle, avec succès. Le gompa en impose, il a une allure de Potala qui me plait bien. Le tarif a été multiplié par plus de huit depuis la dernière édition de mon guide. C’est hors de question de céder, je me remets en selle direction la guesthouse. Et le temple est très beau vu de l'extérieur.

 

[2] : aéroport de Diqing Shangri La, mis en service en 1999.

"Old Shangri La" (Zhongdian) reconstruite à neuf pour les touristes"Old Shangri La" (Zhongdian) reconstruite à neuf pour les touristes
"Old Shangri La" (Zhongdian) reconstruite à neuf pour les touristes

"Old Shangri La" (Zhongdian) reconstruite à neuf pour les touristes

Gorge du Yangtze, en route vers Deqin

Gorge du Yangtze, en route vers Deqin

Dimanche 4 octobre

En passant par Benzilan, puis par un col à 4 200 m (Yak La), je suis bien arrivé à Deqin, l'un des villages les plus au nord du Yunnan. Je suis à 3 300 m. Il pleut à verse et on est dans les nuages. Les sept heures de routes à 30 km/h dans des gorges vertigineuses valaient le déplacement. Je gagne le temple de Feilai d’où j'espère voir le Meili Xue, montagne sacrée de 6 800 m, au lever du soleil demain ou avant de repartir pour Kunming mardi. Mais la météo est peu optimiste.

Le Meilixue tel que j'espérais le voir (en haut) ... et ce que j'en ai vu (en dessous).Le Meilixue tel que j'espérais le voir (en haut) ... et ce que j'en ai vu (en dessous).
Le Meilixue tel que j'espérais le voir (en haut) ... et ce que j'en ai vu (en dessous).

Le Meilixue tel que j'espérais le voir (en haut) ... et ce que j'en ai vu (en dessous).

Lundi 5 octobre

Réveil au petit matin dans l’espoir d’admirer le mont sacré Kawa Karpo – sommet le plus élevé du Meilixue – au lever du soleil, comme sur les photos ci-dessus. Immense déception de se réveiller sous la pluie, dans un épais brouillard. Les routes d’accès sont coupées par des glissements de terrain.

Le monastère de Feilai, dans la brume

Le monastère de Feilai, dans la brume

Visite rapide du temple de Feilai, puis retour à Deqin en taxi partagé avec un moine. De là, un long trajet routier me ramène à Shangri La (Zhongdian), puis, en soirée, à Lijiang, en pays naxi, la ville la plus touristique du Yunnan.

En forêt, près du Yulong Xueshan

En forêt, près du Yulong Xueshan

Mardi 6 octobre

Après m’être procuré non sans mal un billet de bus pour regagner Kunming la nuit prochaine, je tente une sortie en VTT pour aller voir la réputée « Montagne enneigée » (Yulong Xueshan, 5 600 m). J’y renonce car les conditions d’accès sont devenues prohibitives – 160 yuans – depuis que le site a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Après une sympathique séance de VTT en forêt, le relief accidenté et un mur de béton me contraignent à renoncer et à regagner Lijiang, d'où part le bus de nuit pour Kunming.

Jeudi 8 octobre

De retour à Shanghai, je garderai un très bon souvenir d'ensemble de ce voyage. En effet, ce fut un plaisir de me retrouver en mode voyageur. J'ai vu de très beaux paysages, ai pu pédaler dans des grands espaces, et ai rencontré de nombreux voyageurs avec qui j'ai eu plaisir à parler. Ceci dit, je regrette un peu d'avoir fait tant de route vers le nord pour voir des belles montagnes et trekker un peu, au détriment des zones tropicales frontalières du Vietnam, du Laos ou de la Birmanie. Car c'était compter sur une bonne météo que je n'ai pas eue. Les paysages n'étaient pas non plus aussi grandioses qu'au Xinjiang.

Le point le plus négatif de ce voyage restera la pression constante du tourisme de masse [3] exploité avec une véritable rapacité. Cela m'a souvent gâché le plaisir et fait regretter l'accueil chaleureux que j'avais connu en Iran. Je le répète quand même, c'était un superbe voyage et je vous conseille à tous d'aller au Yunnan, si possible avec davantage de temps que j'en ai eu !

 

[3] : pression d’autant plus forte que ce voyage a eu lieu lors de la semaine des congés de la fête nationale.

Qu'aurait dit Mao de ces paysages privatisés ?

Qu'aurait dit Mao de ces paysages privatisés ?

Au Yunnan, sur la route du Tibet
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