Népal, août 2011 : un charmant capharnaüm
Rédigé et mis en ligne en août 2016
Nous savons peu et beaucoup de choses sur le voyage de Clément au Népal, du 10 au 16 août 2011.
Peu, car il n’en a pas écrit ce récit ; nous l’écrivons à sa place cinq ans plus tard. Il n’écrivait pas très volontiers, pas même sur ses voyages, surtout sur un blog public. Peut-être en voyait-il mal l’intérêt, sans doute ne souhaitait-il pas trop se livrer au-delà du cercle immédiat de ses proches.
Mais ce voyage, nous le connaissons bien malgré tout. Par le récit immédiat et enthousiaste qu’il en a fait à Paris, dans les heures de son retour, encore sous le coup des belles images qu’il avait dans la tête et notamment celles de l’Everest vu d’avion, le temps fort de ce voyage. Il en a reparlé souvent depuis, toujours avec bonheur, notamment lorsque ses parents ont eux-mêmes visité le Népal sur ses traces en octobre 2013, puis au Sikkim et à Darjeeling, si proches du Népal, lors de son ultime voyage en décembre 2013.
Nous avons de plus ses photos. Quelque 150 photos différentes (par précaution, il les prenait par rafales de quatre ou cinq) prises du 12 au 16 août. Ces photos nous montrent le Népal, ses monuments (beaucoup), ses scènes de rues (quelques unes car il évitait par respect de photographier les passants), ses paysages (en petit nombre) et ses montagnes. Ces montagnes qu’il aimait tant mais qui se cachent la plupart du temps derrière les gros nuages de mousson au mois d’août.
C’est donc en combinant ses récits oraux et ses photos que nous avons essayé de reconstituer son parcours le plus précisément possible. Travail minutieux, captivant et émouvant à la fois car les paysages urbains du Népal se ressemblent avec leurs temples par centaines et il n’est pas toujours aisé de reconstruire le périple après coup.
Ce fut son unique voyage au Népal, cinq ans après l’initiation himalayenne du voyage d’août 2006 au Ladakh et en Himachal Pradesh. Il avait envisagé de s’y rendre en août 2010 à l’occasion d’un court voyage en Inde du nord. Un visa népalais inutilisé dans son passeport, délivré par l’ambassade du Népal à Paris, en fait foi. Le temps lui a sans doute manqué cette année-là. Ce n’était que partie remise.
Il est donc arrivé à Katmandou (85° 19’E, 27° 42’N, alt. 1355 m) le 10 août 2011, un mercredi. Il y est arrivé de Paris, avec une correspondance à Doha, au Qatar, sans passer par l’Inde. Un visa de 15 jours lui a été délivré à son arrivée à l’aéroport de Tribhuvan.
Il s’est installé dans le quartier touristique de Thamel, riche en hôtels, restaurants et autres ressources touristiques et a commencé à visiter la ville. Celle-ci lui a laissé, comme à beaucoup de visiteurs, l’impression d’une capitale pittoresque mais fort désorganisée : « un charmant capharnaüm » disait-il en riant et l’expression est restée dans la famille. Nous l’imaginons cheminant avec bonheur dans les rues tortueuses de Thamel, s’amusant des détails pittoresques. Sans doute aussi, avec son ironie souriante, des comportements des autres voyageurs. Il a prospecté activement les agences de voyage pour préparer ses excursions.
Bhaktapur : Tachupal Tole et ses temples
Le 12 août au matin [1], nous le trouvons à Bhaktapur (85° 26’E, 27°40’N, alt. 1350 m), ville médiévale de la vallée de Katmandou, à 13 km à l’est de la capitale. Nous le découvrons sur la place de Tachupal Tole, entourée de temples hindous du 15ème siècle : Bhimsen, Narayan, Dattatreya qu’il a longuement regardés et photographiés. C’est le début d’une longue série de photos d’édifices de style newari, nombreux à Katmandou et Bhaktapur, qui lui ont plu avec leur forme caractéristique (temples à toits surperposés que les lecteurs de Tintin au Tibet connaissent bien), le recours au bois ouvragé et leurs petites tuiles.
[1] : la première photo est prise à 7 h 17 mais l’appareil était très probablement réglé à l’heure française d’été ; il faut alors convertir en heure locale, soit 11 h 02 (3 h 45 mn de décalage horaire).
Bhaktapur : Durbar square, la place du palais royal
Il se déplace ensuite de 200 m vers le nord-ouest et visite la place centrale, Durbar Square, avec ses temples, ses statues et l’ancien palais royal. Il en admire les temples et les statues, lui qui visitait volontiers le musée Guimet entre deux voyages.
Souvent en assez mauvais état, ce patrimoine n’avait cependant pas encore subi les destructions catastrophiques du séisme d’avril 2015. Pour autant que les photos permettent d’en juger, les touristes étrangers étaient assez nombreux en ce mois d’août, mais pas au point de gâcher le spectacle. Il s’efforçait de visiter les sites de bon matin, avant l’arrivée des groupes.
Clément quitte Bhaktapur peu après 13 heures et le court trajet de retour vers Katmandou (35 mn à peu près) nous vaut quelques unes des rares photos de campagne et de rizières d’un voyage principalement urbain.
Le stupa et le quartier de Bodnath à Katmandou
A Katmandou, il visite en début d’après-midi le grand temple bouddhiste de Bodnath avec son stupa monumental du 15ème siècle. Très touristique, Bodnath est l’un des centres culturels de l’importante communauté de réfugiés tibétains. Les photos témoignent de son regard attentif pour l’iconographie religieuse tibétaine.
Vers 16 h 20, il s’est déplacé de 1,5 km vers le sud-ouest et visite le temple très connu de Pashupatinath, sur le bord de la petite rivière sacrée (mais sale) de Bagmati. De ses récits et de ses photos, nous savons qu’il s’est longuement promené sur les ghat (quais), contemplant les dévotions et les bûchers funéraires . Ce spectacle, nouveau pour lui (il l’a revu en janvier 2014 à Bénarès), ne l’a pas troublé outre mesure : il en a retiré – nous a-t-il souvent dit – une impression de paix et de sérénité devant la mort malgré les cris des pleureuses, la lenteur de la crémation atténuant sa brutalité. Se déroulant en plein air et à la vue de tous le rituel, pensait-il, devient une étape de la vie terrestre, au lieu d’être caché comme il le serait en Europe.
Comme de nombreux visiteurs – nous avons suivi exactement ses pas en 2013
il s’est élevé dans le parc de Mrigasthali, sur l’autre rive de la rivière, d’où l’on domine Pashupatinath. Nombreux monuments et nombreux singes. Vue dominante sur la rivière, le sanctuaire, les bûchers et les quartiers est de la capitale.Samedi 13 août, Clément se lève très tôt et gagne l’aéroport avant 6 heures. Son goût de l’aviation nous vaut plusieurs photos d’avions et d’hélicoptères civils et militaires, notamment du bimoteur de Buddha Air dans lequel il doit embarquer. L’appareil est un ATR 42-320 immatriculé 9N – AIM, livré en mars 1995, en service chez Buddha Air depuis septembre 2008 après de bons et loyaux services en Colombie et en Inde.
Il s’agit d’un vol touristique pour aller admirer l’Everest. Ces vols sont très prisés des touristes au Népal. L’été, ils sont à peu près le seul moyen de voir les sommets que les nuages de mousson rendent invisibles des vallées. Mais l’excursion aérienne tourne court : après quelques minutes de vol, un bruit suspect se fait entendre, les hôtesses cachent mal leur angoisse et l’appareil regagne précipitamment l’aéroport de Tribhuvan où il atterrit heureusement sans dommage.
La suite est bien connue dans la famille : la compagnie offre aux passagers de les rembourser ou de les embarquer sur un autre vol. Presque tous les passagers, choqués par l’expérience, optent pour le remboursement. Clément, seul, choisit de renouveler l’essai à la fin de son séjour.
En attendant, il prend un autre avion [2] : un bimoteur Jetstream 41 de la compagnie Yeti Airlines, appareil de 29 places. Le vol dure 25 mn et a pour destination Pokhara (83° 58’E, 28° 16’N, alt. 900 m), à 200 km à l’ouest de Katmandou. Les sommets himalayens sont visibles au nord, Clément s’étant judicieusement assis au hublot, sur la droite de l’appareil pour bien les voir
[2] : la chronologie des déplacements est malaisée à établir avec certitude. En combinant les récits, les photos et deux cartes d’embarquement dont l'une n'est pas datée, nous sommes arrivés à la conclusion quasi-certaine que Clément a pris l’avion quatre fois pendant son séjour, dans l’ordre exposé dans cet article.
Le 13 et le 14 août se passent à Pokhara et aux alentours. Promenade aux environs de la ville, dans les collines et les rizières, le 13 après-midi. Visite d’un temple et de petits sanctuaires tibétains (de nombreux réfugiés sont installés près de la ville). Nouvelles photos de peintures et de fresques religieuses tibétaines. Autre promenade dans les collines dimanche 14, avec une belle vue sur le lac Phewa. Le retour vers Katmandu a lieu en avion le 15 au matin. Nous ignorons, faute de photos, quelles furent ses autres activités de la journée.
Sur le toit du monde
Nouveau décollage mardi 16 vers 7 heures. L’appareil est l’ ATR 42 de Buddha Air déjà décrit. Cette fois-ci il est assis du côté gauche, juste derrière l'aile. Les nuages sont épais au début mais l’avion monte et se rapproche de l’Everest. Les sommets approchent et dominent le bimoteur où Clément vit des minutes parmi les plus belles de sa vie. Lui qui rêvait d’apprendre à piloter est admis quelques instants dans le cockpit d’où la vue panoramique est inégalable. Le vol est court – moins d’une heure – mais offre le spectacle somptueux des plus hautes montagnes du monde dans toute leur plénitude. Un certificat numéroté lui est remis par Buddha Air à l’arrivée pour immortaliser ces minutes mémorables
Il poursuit sa visite vers Patan, la ville historique au sud de Katmandou avec son remarquable patrimoine newari (fortement endommagé depuis, hélas, par le séisme de 2015) [3].
[3] : il est assez probable qu’il avait effectué une première visite à Patan le 10, le 11 ou le 15 août sans prendre de photos.
Dans l’euphorie du vol du matin, Clément prend quelques selfies, ce qui est assez rare pour lui – et précieux pour ses proches même s’il ne se départit guère de son sérieux à cette occasion. Qu’il nous pardonne de montrer ces photos, ce qu’il n’aurait sans doute pas fait.
Puis c’est le départ vers l’aéroport pour le long vol de retour via Doha, des images d’Everest plein la tête. C’est un Clément enthousiaste qui retrouve Paris le 17 août au matin.
Vous qui irez un jour au Népal, pensez à lui quand vous marcherez dans ses pas.
Le 25 septembre, un vol touristique de Buddha Air vers l’Everest s’écrase par mauvais temps en approchant de Katmandou avec 16 passagers et trois membres d’équipage. L’appareil est un Beechcraft 1900 D immatriculé 9N AEK, celui-là même représenté sur le certificat de Clément. Il n’y a aucun survivant. « Eh oui, les parents, ça aurait pu m’arriver … » fut à peu près son commentaire au téléphone. Mais l’ATR 42 9N AIM, celui de Clément, vole toujours chez Buddha Air cinq ans plus tard.