Retour à Yogyakarta
Abstract : the city of Yogyakarta, on the island of Java, has predictably undergone many changes since this writer’s first visit 37 years ago. These changes reflect a greater affluence but some consequences such as chaotic urban traffic and air pollution are clearly less positive. Some of the city’s ancient charm can still be found in residential areas or nearby villages. Graffitis are ubiquitous in town, they are often beautiful and carry various messages. Located 25 km north of the city, Mt Merapi is Indonesia’s most active volcano. It is peaceful – for now.
Yogyakarta (prononcer « Djogdjakarta »), au centre de Java, était peut-être, lors de mon premier voyage (1978), la ville la plus plaisante d’Indonésie, avec Bukittinggi à Sumatra. De petite taille et de faible hauteur, imprégnée d’art et d’histoire, elle était propice à une vie décontractée au cœur d’une région fertile en trésors et monuments de toutes sortes, les temples de Borobudur et Prambanan étant les plus connus parmi beaucoup d’autres.
Etant revenu à trois ou quatre reprises depuis lors, pour la dernière fois en 2008, je ne pouvais ignorer que le temps ne s’était pas arrêté et que ce temps jadis n’était plus. Il n’empêche que le choc a été réel à mon arrivée, le 31 janvier dernier.
Un bon point tout de même : la ville reste à peut près épargnée par les immeubles à grande hauteur. Du coup, avec 1,6 millions d’habitants, elle s’étend démesurément aux dépens des villages voisins et des rizières qui l’entourent. Les rues principales sont désormais bordées d’immeubles et de commerces sans grâce comme on peut en voir dans toutes les villes du pays. Des commerces de plus en plus diversifiés cependant, de la mode pour enfants aux soins pour les animaux de compagnie, pour satisfaire des goûts plus sophistiqués. Il faut désormais sortir des grands axes pour retrouver les maisons basses à toits de tuiles qui donnaient jadis à Yogya (prononcer « Djogdja », abréviation familière) son caractère.
Le plus choquant pour le nouvel arrivant est la multiplication exponentielle des voitures particulières et surtout des motos. Et, corrélativement, la raréfaction des becak (prononcer « bétchak », cyclopousses) et des transports en commun qui pullulaient jadis littéralement. Ce phénomène est général à Java et à Bali. En positif, il traduit l’enrichissement d’une population qui a désormais largement accès au transport individuel. Mais ceux qui ne peuvent d’offrir ces modes de déplacement beaucoup plus onéreux n’en recueillent que les effets négatifs : le bruit, la pollution, la rareté des transports publics, le danger réel de traverser les rues principales parcourues par un flot incessant de voitures et de motos, avec très peu de feux rouges, aucun passage souterrain ou surélevé ni aucun respect des droits du piéton si ces droits existent. Car la voirie a très peu changé alors que le trafic s’est multiplié : un flot de véhicules s’engouffre dans des rues toujours aussi étroites. Chaque traversée d’une grande rue est un moment d’angoisse.
Pour une circulation douce : cyclopousses et ... voitures à pédales produites dans un petit atelier au nord de la ville.
Les petites allées sont des havres de paix.
Le centre de la ville, y compris le quartier touristique de Sarkem (jalan Pasar Kembang) où j’avais résidé en 1978, a donc perdu beaucoup de son charme. Pour retrouver le calme et un peu de l’ambiance quasi-villageoise du siècle dernier, il faut gagner les quartiers plus périphériques et fuir les grands axes. Dans les petites alliées, surtout les plus étroites où les motos ne passent pas, le silence revient troublé seulement par le chant des oiseaux en liberté ou en cage. Pour peu que des arbres et des jardins entourent les maisons et que celles-ci aient conservé un peu du style des bungalows javanais à toits de tuiles, alors la magie opère et on pourrait presque se croire au temps jadis retrouvé.
Demeures historiques - presque des palais - au village de Kota Gede
« Presque ». Car, même dans les quartiers étudiants – Yogya est une ville universitaire et scientifique qui accueille une très nombreuse population étudiante venue de tout le pays – ou dans les villages de la périphérie – tel Kota Gede déjà visité à mon premier séjour - les indices de changement sont bien visibles.
Beaucoup a été dit et écrit sur l’islamisation de la société. Il faut éviter de tomber dans la caricature car l’Indonésie reste caractérisée par la diversité et la tolérance religieuses. Mais l’islamisation de la société est peu contestable. Le port du voile est aujourd’hui majoritaire, surtout chez les étudiantes mais il n’exclut pas la recherche de l’élégance, de sorte que l’on trouve de nombreuses boutiques de mode islamique et même une revue ad hoc sous le joli nom de Hijabella. La bière, jadis omniprésente sauf pendant le ramadan, est devenue très difficile à trouver chez les commerçants ou sur les cartes des restaurants, sans parler des spiritueux. Conséquence malheureuse : 26 morts, surtout des jeunes, qui avaient bu de l’alcool frelaté dans mon quartier (8 février).
Lesquels de ces graffitis saurez vous interpréter ?
Une autre nouveauté est la multiplication des graffitis sur les murs. Yogya est de longue date une ville d’art, de tous les arts, des orchestres de gamelan aux représentations du Ramayana et du théâtre sous toutes ses formes, sans oublier la production de masse du batik. Mais l’expression picturale sur les murs de la ville s’est généralisée, souvent avec une qualité artistique indubitable mais aussi une violence sous-jacente qui donne à réfléchir sur les frustrations de la jeunesse. L’interprétation de ces dessins muraux est souvent difficile. Quelques uns sont commerciaux, quelques uns – rares – sont ouvertement (« tiens bon Palestine ! ») ou plus discrètement politiques, d’autres, plus nombreux, propagent la foi islamique, certains participent à la lutte anti-drogue (grande cause nationale), beaucoup sont difficiles à interpréter car plus abstraits ou d’un symbolisme accessibles aux seuls initiés.
Protestation contre la disparition de la verdure, la "jungle de béton" et la construction de trop nombreux hôtels.