Vacances de Noël dans le nord du Kérala

Publié le par Ding Thibaut

Au lendemain de Noël, fêté chez nous à Delhi, nous repartons pour l'Inde du sud. Nous avons choisi de passer dix jours dans le nord du Kérala pour profiter pleinement de la nature, loin des circuits touristiques du sud. Après une escale à Bengalore, l'avion nous pose à Calicut (Kozhikode), ville de 400 000 habitants située sur la côte à environ 200 km au nord de Cochin. De là, nous continuons en voiture sur la route de Mysore pour nous arrêter à Kalpetta, à 90 km au nord-est dans l'intérieur des terres. Le taxi nous laisse à l'embranchement d'une piste. La jeep de notre hôtel vient nous y chercher. De fait seul un vrai 4x4 est capable de monter au sommet de la plantation de café. Nous y arrivons après une vingtaine de minutes en vitesse lente.

Au milieu des caféiers

Perché à 1000 m d'altitude dans la chaîne des Western Ghats, notre cottage surplombe les vallées du Wayanad. A l'horizon, le soleil se couche sur la plaine de Malabar bordée par la mer d'Arabie. La température est très agréable à cette hauteur. L'eau de la piscine paraît même froide quand on s'est habitué à y aller à Delhi pendant l'été. Qu'importe, nous sommes ici pour nous reposer 24 heures avant de reprendre la route. Une petite promenade au-dessus de la propriété nous permet de regarder de près les caféiers et les graines de poivre qui poussent sur des plantes grimpantes le long des troncs d'arbre. Au sud, on aperçoit le point culminant de la région, le Chembra Peak (2200 m). Au sol, attention aux scorpions ! On trouvera deux spécimens morts presque aussi grands que la main.

Vacances de Noël dans le nord du Kérala
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La jungle de Thirunelli

Le lendemain, nous reprenons la voiture pour aller 60 km plus au nord. La route s'enfonce dans la jungle. Nous allons vers le temple millénaire de Thirunelli, à la frontière du Kérala et du Karnataka. Le concept de notre hôtel est de s'immerger dans la jungle dans des conditions qui permettent de voir des animaux, notamment des éléphants sauvages. Il se compose de six petites maisons proches d'un point d'eau où viennent boire les animaux. Une tour d'observation permet de les guetter. Mais il faut être très patient, extrêmement calme et ne pas hésiter à se lever tôt ou à veiller tard pour augmenter ses chances de les voir. Cela peut vite devenir frustrant. En dépit de plusieurs levers à l'aube et de longues veillées le soir, nous ne voyons aucun éléphant depuis l'hôtel ! Au mieux des cerfs tachetés, des grands cerfs, et des gaurs, sortes de gros bisons. Souvent nous croisons un autre pensionnaire qui vient de voir des éléphants une dei-heure plus tôt ou plus tard !

La proximité de troupeaux d'éléphants sauvages, de tigres et de léopards impose des mesures de sécurité qui augmentent la frustration quand on n'a pas la chance de les voir. Il est interdit d'aller se promener sans guide au-delà de la clôture électrique (nous avons vite été rappelés à l'ordre !). Nous ne pouvons même pas marcher le long de la route pour regarder les écureuils géants et les différentes espèces de singes sauter de branches en branches. Les éléphants seraient responsables de nombreux accidents si on est pas capable de sentir leur présence grâce à un odorat habitué.

Sur les traces de la tigresse

Au lendemain de notre arrivée, le guide nous fait faire un tour de jungle de l'autre côté de la clôture, avec les enfants portés dans le dos. Il nous montre les signes qui témoignent du passage des éléphants : arbres déracinés, branches cassées, bouses fraîches, écorces mâchouillées, traces de défenses sur les troncs des teks… Certaines feuilles se referment sur elles-mêmes lorsqu'on les touche, pour ne se rouvrir qu'une demi-heure plus tard : une bonne méthode pour savoir si l'animal est passé il y a longtemps. Arrive une flaque de boue que nous nous apprêtons à passer. Le guide s’enthousiasme soudainement : une empreinte toute fraîche de tigresse se distingue juste derrière celle d'un gaur ! Mais qu'en déduit-il ? Qu'il ne faut surtout pas aller plus loin mais rebrousser chemin pour rentrer à l'hôtel. Notamment à cause des enfants, il refuse même que l'on monte en-haut du talus à la recherche d'indices supplémentaires.

Le lendemain, nous faisons un safari en jeep dans la réserve de Nagarhole (Karnataka). Nous ne voyons pas de tigre et je réalise que j'ai perdu mon appareil photo au moment où je souhaite photographier un éléphant sauvage. Par chance, un bienfaiteur l'ayant ramassé me l'a renvoyé à New Delhi depuis ! Plus tard, nous voyons un éléphanteau avec ses parents, le papa est à quelques mètres de la jeep. Le soir, nous allons nous poster dans la tour d'observation de l'hôtel dans l'espoir de revoir des animaux. Nous sommes avec Anil, le gérant de l'hôtel, informaticien de Bengalore passionné par la faune locale. Il a photographié un éléphant un quart d'heure avant notre arrivée… Nous entendons de temps à autres des bruits d'arbres qui tombent : les éléphants s'approchent ! Il faut redoubler de discrétion, même si la patience d'Adèle est déjà bien entamée. Adrien, lui, dort en ronronnant paisiblement. D'un coup, Anil nous fait signe de tendre l'oreille : on entend les rugissements d'un tigre ! Une tigresse, d'après lui, probablement celle dont on a vu la trace la veille. S'enchaînent alors toutes sortes de bruits : ce sont les cris d'alarme du cerf, de l'ours et de singes. Tous se passent le mot que le félin est là. D'après la direction des sons, Anil explique qu'elle appelle ses petits pour revenir manger ce qu'il reste de la proie tuée la veille. Je dois toutefois m'en aller car Adèle ne tient plus…

Sur le Mont Brahmagiri

Étant au pied du Mont Brahmagiri (1 608m), nous consacrons la journée du mercredi à son ascension. Le terme de « trek » utilisé par les Indiens est un peu trompeur puisque la marche aller-retour ne dure en fait que quatre ou cinq heures. L'accompagnement d'un guide est obligatoire, et le bureau qui accorde le permis n'ouvre qu'à dix heures. Ainsi, c'est au moment où le soleil tape le plus fort qu'on arrive à la lisière de la jungle et que commence une montée abrupte vers le sommet, sans un coin d'ombre. Nous en serons tous quittes pour des bons coups de soleil. La vue est magnifique, on a même la chance d’apercevoir deux éléphants en contrebas lorsque nous atteignons le sommet (merci Grand-Mère de m'avoir offert des petites jumelles quand j'avais une dizaine d'années). La partie la plus dure s'avère être la descente sur un sentier quasiment vertical qui offre peu d'adhérence. Le plus surprenant, c'est qu'il y a ici et là des bouses d'éléphants. Vue notre difficulté à passer, il semble impensable qu'un si gros animal parvienne à marcher ici. Ils ne sont donc pas si patauds… De retour dans la jungle, les enfants n'auront pas le temps de faire quelques pas en dehors du porte-bébé que le guide nous empresse de les y remettre. Nous sommes sur le territoire du tigre, et la présence de petits enfants sur le chemin pourrait l'attirer, selon lui.

Vacances de Noël dans le nord du Kérala
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Au bord de la mer d'Arabie

Le 31 décembre, nous reprenons la route vers le nord-ouest pour passer la fin des vacances à la plage. Erzhara Beach se situe entre Kannur et Thalassery,à environ 20km au nord de l'ancien comptoir français de Mahé. Nous découvrons une plage au-delà de toutes nos espérances : du sable fin bordé de cocotiers sur des kilomètres, sans une ordure. Aucun bâtiment ne défigure le paysage. Les maisons de pêcheurs et les quelques cottages sont suffisamment petits pour se dissimuler dans les cocotiers. Nous sommes les premiers clients du cottage que j'avais réservé en septembre avant que sa construction ne commence. L'équipe, aidée par un jeune retraité français qui passe ses hivers en Inde, nous a concocté une soirée de réveillon avec la famille anglaise qui occupe l'étage au-dessus du notre. Fruits de mers, cocktails, feux d'artifices tirés sur la plage… voilà une année 2016 qui commence bien !

Nous sommes loin de tout, mais qu'importe, puisque nous passons nos journées entre le hamac et la plage, quasiment déserte. Ces quelques dizaines de mètres peuvent toutefois réserver des surprises, comme un serpent de deux mètres jaune et noir (inoffensif il paraît). Les enfants nagent avec leurs brassards et jouent des heures dans le sable. En fin de journée, on peut quitter l'ombre des cocotiers et marcher sur la plage, escalader la pointe rocheuse pour voir les crabes se faire arroser par les embruns. Romy est davantage sortie de ce petit coin de paradis pour aller à la clinique ayurvédique de Thalassery. Le savoir-faire ancestral des masseurs-docteurs du Kérala a fait ses preuves: ils ont réussi à lui faire passer en trois séances un mal de tête installé depuis deux mois qu'aucun médecin de ville n'avait su guérir.

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Le marché au poisson de Thalassery

Quant à moi, mon unique sortie fut très intéressante. Je suis allé de bon matin au marché au poisson, sur le port. J'ai rapidement saisi la pertinence de l'exemple du « marché aux poissons » à la criée souvent repris dans les manuels d'économie pour expliquer la formation des prix d'équilibre par confrontation de l'offre et de la demande. C'était en même temps un concentré d'Inde : une multitude de personnages affairés, de couleurs, de sons et d'odeurs. Un homme se fraie son chemin en portant sur sa tête un empilement de caisses de crabes, trois autres transportent une raie géante à bout de bras, d'autres découpent des morceaux de raie à la hache à même le sol. Un pêcheur tient un thon par la queue dont il crie le prix à qui veut. Des acheteurs se faufilent à coups de klaxons sur leur scooter au milieu des caisses de poissons, un sac sanguinolent accroché au guidon. Je reviens à l'hôtel avec une livre d'une espèce proche du marlin, une livre de daurade et une livre de gambas géantes. Le tout pour environ milles roupies, soit 13 ou 14 euros.

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De la jungle du Wayanad aux plages de Kannur, nous avons l'impression d'avoir vu du pays. Nous n'avons vu en fait qu'une petite partie de ce grand état du Kérala, mais c'était si beau. Pendant le vol de retour, je me pose cette question en pensant aux vacances à venir en 2016: pourquoi toujours chercher une nouvelle destination quand on a déjà trouvé le lieu de vacances idyllique ? Sûrement l'envie de découvrir toujours plus...

Publié dans Nouvelles de Delhi

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R
En général il faut plus se méfier des scorpions aux petites pinces qu'à ceux qui en ont des grosses comme sur la photo. L'efficacité du venin est inversement proportionnel à la taille des pinces... mais je n'irais pas vérifier!
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L
Bonjour, je m'intéresse à votre blog, car j'ai envie de partir en vacances en Inde. Est-ce que vous n'avez pas eu peur de vous promener dans la jungle ? Je dois dire que je suis assez craintive et que je n'aime pas trop les araignées ou encore les scorpions, surtout si ces derniers sont aussi grands qu'une main, lol !
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D
Bonjour, merci pour vos commentaires auxquels je vais essayer de répondre. Alors pour ce qui est de la jungle du Kerala, je pense qu'on peut s'y promener sans aucune crainte dès lors qu'on est accompagné d'un guide fiable, recommandé par un hôtel lui même recommandé dans un guide (attention à TripAdvisor et ses faux commentaires). Je ne conteste pas aux Indiens le terme de "jungle" car l'ambiance est très différente de forêts de pins des contreforts de l'Himalaya. Mais pour avoir lu récemment le récit d'une expédition dans la jungle birmane ou pour avoir vu des documentaires sur d'autres jungles plus tropicale humides, il faut reconnaître que la jungle du Kerala est moins inhospitalière que le terme ne le laisse entendre pour un Européen. Ceci dit il y a quand même des tigres, des éléphants, des serpents, des scorpions etc donc il vaut mieux s'en remettre à un guide fiable !