Dubaï

Publié le par Ding

Dubaï

Dubaï, visitée vendredi dernier, est devenue en une trentaine d’années une ville de démesure avec ses tours qui poussent dans le désert , ses autoroutes urbaines, ses centres commerciaux. La tour « la plus haute du monde » (pour combien de temps ?) dépassera 700 m quand elle sera achevée (elle atteint déjà 450 m). Les centres commerciaux sont les plus grands et les mieux approvisionnés du Moyen Orient. Les autoroutes urbaines sont les plus larges, les ponts s’élargissent encore. On travaille ici jour et nuit, sept jours sur sept, par 50 ° ou plus en saison chaude. Le commerce est roi, l’argent - plus ou moins bien acquis - afflue de partout. Les touristes arrivent, russes surtout mais aussi européens, malgré la chaleur et le peu d’attrait culturel.

La visite commence au cœur de la ville, sur une petite embarcation traditionnelle qui permet de parcourir « Dubaï Creek », un petit bras de mer qui s’enfonce dans les sables. C’est là que tout a commencé, ce petit port naturel fournissant un abri aux marchands et aux pirates ; C’est encore là que viennent relâcher les « dow », ces gros boutres de construction locale qui assurent l’essentiel du commerce avec l’Iran voisin. Paradoxe de Dubaï : le cabotage le plus traditionnel, où l’on charge et décharge à dos d’homme, voisine avec le port de conteneurs de Djebel Ali, qui rivalise avec Rotterdam et Singapour. Du centre historique on ne trouve plus guère trace. Quelques efforts tardifs, tout de même, pour préserver l’architecture traditionnelle avec les tours à vent qui permettent de rafraîchir les maisons par une sorte de cheminée où le vent s’engouffre. Bientôt on navigue entre les tours de béton et de verre ; On passe sous des ponts en construction où des ouvriers chinois font bonjour de la main. Il n’est que 10 h 30 et la température dépasse 40 °.

Déjeuner au Yacht Club. La température a encore augmenté mais un ou deux fanatiques jouent au golf, sur l’un de ces parcours entre mer et désert qui ont fait la réputation de Dubaï. Nous déjeunons dans le bâtiment futuriste du club, dont la forme évoque de grandes voiles posées sur l’eau. Cela rappelle un peu les clubs de Singapour en plus neuf, plus chic, plus beau.

Encore quelques kilomètres d’autoroutes urbaines pour admirer les dernières tours en construction et nous arrivons à « la tour des Arabes » (Burj Al Arab), qui se veut l’hôtel le plus beau, le plus chic et le plus cher du monde. Le tout venant n’y a pas accès, même le temps d’une visite, mais l’entregent de notre Consul général nous en ouvre les portes. Dès l’entrée, c’est Disneyland au pays des mille et une nuits, avec des jets d’eau intermittents réglés au centimètre près par ordinateur. C’est un « petit » hôtel de 202 suites, et aucune chambre, sauf pour les gardes du corps. 1 700 employés y travaillent, trois fois plus que dans un palace parisien de même taille. Les suites les plus petites mesurent 170 m² et ne coûtent « que » 3 000 € par nuit. La suite royale, que nous visitons, se négocie à 11 000 €. 750 m² sur deux étages et une décoration invraisemblable réalisée par une décoratrice chinoise qui a recréé une sorte de palais de Cendrillon à dominante rouge, où la feuille d’or a été étalée à profusion. Nous en ressortons stupéfaits.

Visite du restaurant sous-marin de l’hôtel , où l’on déjeune au spectacle des coraux et des plus beaux poissons tropicaux qui soient. Encore ne voyons nous pas un autre aquarium, plus vaste encore, qui sert de réserve et d’infirmerie à poissons. Dix employés y travaillent à plein temps.  Rien de naturel, hélas, dans cette beauté sous-marine car les travaux effrénés ont fait des fonds de la mer voisine un désert que n’habitent plus que des algues et des méduses. Au restaurant du toit, à 220 m de haut on peut arriver directement en hélicoptère lourd si l’on craint que les Rolls Royce blanches de l’hôtel soient retardées par les célèbres embouteillages de la ville. L’hôtel ayant les pieds dans l’eau, on peut voir les fameuses îles artificielles en construction (« le palmier » et « le monde ») qui font déjà la célébrité de Dubaï. Spectacle étonnant et mystérieux : (quel attrait pour ces villas au bord de l’eau certes, mais serrées comme des sardines ?), obtenu au prix du saccage des fonds marins.

Un coup d’œil rapide au « mall des Emirats », qui était le plus grand centre commercial du monde lorsqu’il fut construit au début de la décennie, mais se trouve déjà dépassé. La dernière curiosité du jour, c’est « Ski Dubaï », la piste de ski couverte. Les clients arrivent en short, louent une combinaison et des skis, et prennent le téléski et le télésiège construits par Pomagalski, entreprise grenobloise bien connue. Des Emiriens, des Européens, mais surtout des Indiens qui viennent découvrir la neige et le froid comme ils le font à Manali, sur les contreforts himalayens. Dubaï c’est un nouvel Orient des mille et une nuits, le temple de la consommation à l’américaine la plus débridée, mais c’est aussi l’Inde, si proche et si présente.

Rêve fou d’un émir qui n’avait pas de pétrole, Dubaï a pu prospérer sur une tradition commerciale ancienne – le commerce de l’or et des perles - en attirant des capitaux et des hommes de partout, profitant des crises qui déchirent le Moyen Orient, pratiquant habilement une grande tolérance dans une région du monde où celle-ci est l‘exception et accumulant l’argent, toujours plus d’argent. D’un désert surchauffé on a fait l’emporium de la consommation et de la spéculation, une Babel du Moyen Orient avec ses tours qui dépassent celles d’Amérique et d’Asie. Dubaï attire des travailleurs, des commerçants et désormais des touristes du monde entier, au point que les Emiriens ne sont plus qu’une poignée parmi les immigrés : 5 % peut-être, les statistiques sont secrètes tant le sujet est sensible. La famille princière pourra-t-elle toujours contrôler cette course au béton et à l’argent ? Les Cassandre qui prédisent régulièrement la fin de ce rêve et de cette démesure se sont toujours trompés. Auront-ils un jour raison ?

 

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