L'année du dragon

Publié le par Ding

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                                                                                                      Cet article est dédié à notre fils dragon (né en 1988).

Exceptionnellement précoce cette année (le 23 janvier), et méritant fort peu son appellation consacrée de « fête du printemps » avec des températures bien au dessous de zéro en Chine du nord et de la neige dans le sud, ce nouvel an du dragon a été à la fois semblable aux précédents (1)  et différent.
Semblable, car le nouvel an ramène chaque année les mêmes figures obligées, avec tout de même des développements nouveaux qui défraient la chronique :

  • La « migration de printemps », cet exode de plusieurs centaines de millions de travailleurs migrants qui rentrent chez eux passer le nouvel an. Pour beaucoup d’entre eux, c’est le seul retour annuel au pays, pour deux semaines en général. Eux partis, Pékin fait un peu figure de ville morte (les non-Pékinois de souche sont 7 millions sur 19). Cet exode annuel est la plus grande migration saisonnière du monde, devant le pèlerinage à la Mecque. Tous les moyens de transport sont mis à contribution. Faute d ‘avoir pu acheter un billet, certains se lancent à moto sur des centaines de kilomètres malgré le froid, la neige et le danger. Mais le train reste le moyen de transport populaire par excellence. Pendant quelques semaines il est pris d’assaut et les difficultés du réseau ferroviaire font la une des journaux. Cette année, les autorités ont poursuivi la lutte contre les revendeurs de billets au marché noir et ont introduit la réservation des billets en ligne. Ce qui aurait dû être une bonne idée a cependant connu des débuts laborieux avec une informatique parfois défaillante (des internautes ont payé des billets qu’ils n’ont pas reçus) et les plaintes de travailleurs migrants qui n’ont accès ni à Internet ni aux indispensables cartes bancaires, mais trouvent les places de train déjà prises par les internautes quand il se présentent au guichet.
  • Le réveillon du dernier soir de l’année ancienne (22 janvier cette année). Il est typiquement passé en famille, à la maison ou au restaurant (penser à réserver sa table dès octobre) et donne lieu à des agapes gastronomiques (le poisson s’impose car « yu » (le poisson) est homophone de « yu » (le surplus, l’abondance)). Dans la pièce familiale où le réveillon est partagé, la télévision est allumée et on regarde en dînant le gala du nouvel an. Celui de la télévision centrale est regardé par des centaines de millions de spectateurs, ce qui en fait l’une des émissions les plus regardées au monde. Mais le genre (variétés comiques entrecoupées de chorégraphies) se renouvelle peu, est surveillé de très près par la censure. 48 % des sondés n’hésitent plus à le déclarer ennuyeux (et à le dire sur les microblogs). Pas plus ennuyeux sans doute que les variétés télévisées de chez nous (croyez en l’auteur de ces lignes qui s’est fait un devoir d’en regarder une bonne heure).
  • Les pétards, bien entendu. Tradition séculaire dont la raison d’être est d’effrayer les mauvais esprits, les pétards et feux d’artifice peuvent donner l’impression d’une ville en guerre sur le coup de minuit le soir du nouvel an. 970 tonnes de débris de pétard ont été collectées par les éboueurs de Shanghai au matin du nouvel an. A Pékin, la récolte a été plus modeste (170 tonnes seulement) et la capitale n’a pas cet hiver le caractère infernal que nous lui avons vu en 2009. Il est vrai que les édiles locaux tentent de freiner cette débauche pyrotechnique, qui pollue fortement un air déjà peu respirable et qui accroît les risques d’incendies dans une Chine du nord désespérément sèche (il n’a pas plu depuis octobre).  Mais dans les villages, on roule littéralement sur les débris de pétard en ces premiers jours du nouvel an.
  • Et tout le reste : les étrennes dans des enveloppes rouges, parfois remplacées par  un iPad d’Apple, les raviolis de rigueur, les fêtes dans les temples qui attirent  les fidèles par milliers (l’auteur a passé deux heures dans les embouteillages pour s’être trop rapproché du temple de Tanzhe). Ces fêtes mêlent  étroitement le sacré et le profane : dans le temple taoïste du Pic de l’est, où l’auteur est retourné cette année, les dévotions voisinent avec les nourritures terrestres (de nombreuses spécialités du nouvel an sont proposées à la dégustation) et des attractions foraines.

Et pourtant,  ce nouvel an 2012 ne pouvait être comme les autres, car l’année du dragon n’est pas une année ordinaire.
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Le dragon chinois est un animal puissant mais bienfaisant (« à la différence de son homologue occidental » précisait aimablement l’agence Chine nouvelle). Les Chinois aiment les dragons et les maternités se préparent déjà à une année record : qui ne voudrait avoir un enfant dragon, surtout s’il est unique ?
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Pourtant, la controverse a débuté dès les premiers jours de janvier, lorsque la poste chinoise a mis en circulation un timbre du dragon, certes puisé aux meilleurs sources (les motifs de dragon des robes des empereurs Qing, un timbre précédent émis en 1878), mais que beaucoup de Chinois ont trouvé féroce, intimidant, agressif, à la différence des dragons aimables des timbres de 1988 et 2000. Il n’en a pas fallu davantage pour allumer sur Internet et sur les microblogs une de ce polémiques en ligne dont la Chine a le secret : fallait-il être fidèle à la tradition, au risque de donner l’image d’une Chine menaçante ? Nos lecteurs jugeront au vu du timbre en question :

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Les tenants des deux thèses peuvent trouver des arguments dans la culture ancienne où le dragon est décrit comme puissant, loyal, généreux, mais aussi arrogant, impérieux, violent à l’occasion.

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Un savant professeur allemand s’est d’ailleurs élevé par voie de presse contre la traduction même du mot chinois « long » par « dragon ». C’est, selon lui, l’origine d’un profond malentendu interculturel qui explique beaucoup des incompréhensions entre la Chine et l’occident : mieux vaut parler selon lui du « long » et de l’année du « long ».

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Enfin, et même si le dragon chinois – pardon, le « long » » - est jugé bénéfique, les astrologues n’hésitent pas à prédire une année agitée avec toutes sortes de ces turbulences et catastrophes que le dragon était pourtant censé permettre de contrôler.

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Féroce ou débonnaire, le dragon reste le plus prisé des douze animaux du zodiaque chinois. Nous protégera-t-il des catastrophes ou régnera-t-il sur une année chahutée ? Rendez vous pour en juger le 9 février 2013, à la veille de l’année du serpent.

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Le "mur aux neuf dragons" du parc Beihai, à Pékin. Il n'en existe que trois en Chine. Ce mur compte en réalité 18 grands dragons (neuf sur chaque face) et 635 dragons au total.

(1) : voir l'article de février 2011 La fête du printemps

Publié dans Nouvelles de Pékin

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