Au milieu du monde

Abstract : Mitad del Mundo, the middle of the world ! An impressive monument on the 0° 0’ 0’’ line. A great place to cross the Equator in style, in Ecuador.

Sur les navires d’autrefois, le passage de la ligne – l’équateur – donnait lieu à des cérémonies de plus ou moins bon goût – on « baptisait » ceux qui la passaient pour la première fois - et à force libations. Mais il est aussi possible de franchir l’équateur sur terre.

L’équateur traverse en effet le territoire de onze pays : l’Equateur, c’est la moindre des choses, la Colombie, le Brésil, Sao Tome et Principe (un îlot), le Gabon, les deux Congo, l’Ouganda, le Kenya, la Somalie et l’Indonésie. Il traverse de surcroît les eaux des Maldives et de Kiribati.

La Condamine par Quentin de la Tour en 1753 (photo 1, thefrickpittsburgh.org) ; buste de La Condamine à Mitad del Mundo (photo 2)

C’est l’actuel Equateur, à l’époque la vice-royauté espagnole de Nouvelle Grenade, qui fut choisi par l’Académie des sciences française pour l’envoi d’une première mission géodésique (1735 – 1743) chargée de vérifier l'hypothèse de Newton selon laquelle la terre n'est pas une sphère parfaite, mais est enflée près de l'équateur et aplatie aux pôles. Cette mission était dirigée par Charles Marie de la Condamine, géographe, Louis Godin, Pierre Bouguer et Joseph de Jussieu. Elle fut autorisée par le Roi d’Espagne mais assez mal vue des Espagnols sur place en raison des rivalités avec la France. Elle rencontra nombre de difficultés pour gagner l’équateur en pleine cordillière des Andes. A quelques kilomètres au nord de Quito, elle put cependant procéder à des mesures et déterminer presque exactement la position de l’équateur. Plusieurs missions continuèrent le travail au même endroit, dont une mission militaire française de 1902 à 1906 qui rencontra aussi de sérieuses difficultés pour gagner le site.

Le monument de 1935 (photo 1, Uxue HegoAmerikan) ; le monument actuel (photo 2)

Un premier monument, haut de dix mètres, fut construit en 1935 pour le bicentenaire de la première mission française. Les autorités locales jugèrent sans doute que c’était trop modeste pour rendre hommage aux découvreurs de l’équateur et … attirer les touristes. Un monument trois fois plus haut et beaucoup plus connu fut construit de 1979 à 1982. C’est celui où je me suis rendu ce 11 décembre 2024 en voyageant autour du monde en 888 jours.

L'allée des bustes avec le buste de Jussieu à gauche (photo 1) ; le pavillon français (photo 2, site officiel mitaddelmundo.gob.ec)

On a bien fait les choses : en arrivant par le côté est, on remonte une allée monumentale encadrée par les bustes des savants qui se sont illustrés ici. Sur la gauche, trois petits pavillons nationaux très simples, Equateur, France, Espagne, montrent des documents historiques.

La face est du monument, consacrée à la France et aux savants français

Le cœur du site est bien sûr le monument lui-même surmonté d’un globe et la ligne jaune censée matérialiser l’équateur. Les touristes se font tous photographier du côté est. Pour cette raison, j’ai choisi l’ouest. La face est du monument est consacrée à la France avec une plaque et le faisceau de licteur. Le monument mentionne la longitude  78° 27’ 8’’ ouest, la latitude 0° 0’ 0’’ (voir cependant infra), l’altitude 2483 mètres, et la déclinaison magnétique (lors de la construction, je présume) 6° 38’E.

Un peu plus loin, à l’est, une petite église est traversée par la ligne jaune. Celle-ci passe au milieu de l’autel et le Christ est positionné exactement sur la ligne. On peut donc assister à l’office dans l’un ou l’autre hémisphère suivant que l’on prend place d’un côté ou de l’autre de l’allée centrale. Cela m’a rappelé une chapelle positionnée exactement sur le 180ème méridien, l’anti-méridien de Greenwich, sur l’ile de Taveuni, à Fidji (voir l’article de 2019 qui traite en détail du 180ème méridien).

Un planétarium, plusieurs musées sans lien visible avec l’équateur dont un musée ethnologique et nombre de boutiques et de restaurants complètent ce site très visité. Grâce à ses savants de jadis, la France est ici à l’honneur.

La petite gargote jaune où passe sans doute le "vrai" équateur. On aperçoit le sommet du monument, 240 mètres plus au sud.

J’ai été heureux de franchir la ligne en cet endroit symbolique après l’avoir franchie plusieurs fois à Sumatra et une fois aux Célèbes. Sans vouloir gâcher l’ambiance, il faut tout de même rappeler :

- que les savants français, espagnols et équatoriens, qui ont fait leur mesures avec les instruments de leurs époques, ont commis une erreur ; avec les technologies d’aujourd’hui dont le GPS, on estime que la ligne jaune et le monument sont en réalité situés par 7,83 secondes de latitude sud ; ceci ne diminue en rien leur mérite, la précision de leurs observations étant remarquable pour l’époque ; le véritable équateur passe à peu près 240 mètres au nord du monument, à un endroit dont personne ne semble se soucier ; d’après mon GPS Garmin, c’est à quelques mètres près à l’endroit d’une modeste gargote en bord de route, dont le propriétaire n’a sans doute pas compris qu’il pourrait faire fortune en exploitant la situation ;

- pour arriver à Mitad del Mundo, j’ai dû franchir l’équateur une première fois sans m’en rendre compte et traverser des faubourgs de Quito dans l’hémisphère sud ; après la visite , je suis retourné brièvement dans l’hémisphère nord visiter une réserve naturelle voisine (voir le journal de voyage) ; au total, j’ai franchi au moins six fois l’équateur en deux jours.

Mais qu’importe, c’est le symbole qui compte. Notre voyage autour du monde va se poursuivre dans l’hémisphère sud pendant plusieurs mois. Il est peu probable que nous franchissions à nouveau l’équateur par la route.

#adm888

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La face ouest du monument, ignorée des touristes à l'exception d'un seul