Sur la côte caraïbe en Colombie
Abstract : two weeks on the Caribean Coast of Colombia – which would deserve much more. Two cities with an impressive colonial heritage : world famous Cartagena de Indias with its picture perfect walls, churches and palatial houses ; Santa Marta may look less dramatic but combines historic buildings and a more authentic city life. Near Santa Marta, Tayrona National Park offers spectacular views on the Caribean Sea. The mid-altitude village of Minca provides a welcome relief from the coast’s sweltering heat and a lot of hiking possibilities.
Note : les lecteurs de notre journal quotidien de voyage en Colombie ont pu lire une première ébauche de cet article, mise en ligne en direct. La version finale ci-dessous est plus complète. De nouvelles photos ont été ajoutées.
Venant de Panama, je suis arrivé à Carthagène, sur la mer des Caraïbes, le 15 novembre. Dans l’attente de l’arrivée et du dédouanement de notre voiture, j’ai pu découvrir un peu de cette région nord de la Colombie, riche de sites naturels et d’histoire.
1 – Carthagène des Indes
La réputation de Carthagène, fondée en 1533 par le conquistador Pedro de Heredia, dépasse de loin les frontières de la Colombie. La ville a été nommée par référence à la Carthagène espagnole que nous avions visitée au début de ce voyage, elle même nommée par référence à l’antique Carthage.
La forteresse San Felipe de Barajas (photos 1 et 2) ; le monastère fortifié de la Popa, point culminant de la ville (photo 3)
Jouant un rôle clef dans la Nouvelle Grenade espagnole, mais exposée aux attaques des pirates, des corsaires et des puissances adversaires de l’Espagne dont la France et la Grande Bretagne, la ville fut progressivement dotée de douze kilomètres de remparts et de forts jusqu’à devenir, disait-on, imprenable. Au fil de ses agrandissements, le fort San Felipe de Barajas est devenu la plus grosse forteresse de l’empire colonial espagnol. Carthagène a été dès 1550 un port majeur pour les possessions espagnoles des Antilles et d’Amérique du sud. Faute de pierres, on utilisa le corail de la baie pour bâtir les fortifications et la ville elle-même.
La tour de l'horloge (photos 1 et 2), la statue de Pedro de Heredia (photo 3), la Plaza de los coches (photos 4 et 5), l'ancienne douane, aujourd'hui mairie (photo 6), le parc du centenaire de l'indépendance (photo 7)
La ville est aussi devenue un grand port négrier. L’Espagne n’avait presque aucune colonie en Afrique mais achetait des Africains en grand nombre à des trafiquants. Ces esclaves arrivaient, lorsqu’ils survivaient à la traversée de l’Atlantique, à Carthagène. Comme en Amérique centrale, la côte caraïbe de la Colombie compte une proportion importante de descendants d’Africains. Cette dimension contribue au particularisme des « côtiers » (costeňos) au sein d’une Colombie très diverse.
La cathédrale basilique Santa Catalina de Alejandría (photos 1 à 6) ; le parc Bolivar (photo 7) ; l'ancien palais de l'Inquisition, aujourd'hui musée d'histoire (photo 8)
A l’abri de ses murailles, Carthagène a pu résister au temps et aux attaquants. C’est un ensemble architectural magnifique autour de la la Plaza de los Coches, ex-place des esclaves car c’est ici qu’ils étaient vendus à peine débarqués, de la place de la douane, de la cathédrale et du parc Bolivar, ex-place de l’Inquisition.
Le centre historique El Centro et le quartier de San Diego un peu plus au nord comptent des centaines de bâtiments historiques civils et religieux remarquables. Presque tous ont été restaurés ces dernières années.
L'église Saint Pierre Claver, dédiée au père jésuite (1580 - 1654) qui se dévoua pour les esclaves africains , surnommé "l'esclave des esclaves" (photos 1 à 3) ; le théâtre Heredia (photo 4) ; l'ancien couvent de la Merced devenu espace culturel (photos 5 et 6) ; cloître du couvent de San Diego, aujourd'hui Université des beaux arts et des sciences (photo 7)
Deux regrets à ce propos, deux faces d’une même réalité : des rénovations trop récentes et clinquantes, qui ne tiennent pas compte du passage du temps ; une vieille ville qui vit désormais entièrement du tourisme, avec une succession d’hôtels, de restaurants et de boutiques de luxe. Les « vrais gens » sont partis vivre ailleurs. Des cloîtres séculaires ont été transformés en patios pour de grands hôtels, défigurés par l’adjonction d’étages pour caser des chambres. Ceci vaut surtout pour El Centro, un peu moins pour San Diego.
Un peu plus au sud, Getsemani est aussi un quartier historique, mais plus populaire et plus frondeur. Ici, pas de palais ni de demeures aristocratiques. Des esclaves émancipés y vivaient à l’époque coloniale. Le mouvement révolutionnaire qui aboutit à la déclaration d’indépendance en 1811 y trouve pour partie son origine. Au 20ème siècle Getsemani était devenu décrépit et livré au trafic de drogue. Le quartier a connu une renaissance spectaculaire en devenant le quartier branché par excellence. La moindre maison à restaurer se vend un ou plusieurs millions d’euros. Getsemani fourmille aujourd’hui d’activité touristique et festive, assez bruyante et alcoolisée le soir.
Carthagène ne se réduit pas à sa vieille ville, cependant. La ville est étendue et compte près d’un million d’habitants. Sans trop s’aventurer car les quartiers périphériques sont peu sûrs, on peut découvrir à pied l’île de Manga avec ses maisons coloniales qui subsistent entre les immeubles résidentiels.
Plus étonnante, la péninsule de Bocagrande et Castillogrande, au sud-ouest du centre ville. C’est une étroite langue de terre, facile à défendre jadis, densément urbanisée : tours résidentielles, hôtels, restaurants, commerces s’avancent en file au milieu de la mer. C’est le quartier chic de Carthagène. Des plages sur lesquelles il ne faut pas espérer être seul. Le contraste avec la ville historique toute proche est total.
Malgré le surtourisme et la spéculation foncière, Carthagène des Indes vaut bien le voyage.
La plage, le front de mer et le port de plaisance de Santa Marta ; la statue ne porte aucun nom, il s'agit sans doute de Rodrigo de Bastidas, fondateur de la ville.
2 - Santa Marta
Santa Marta est située sur la côte, à 220 kilomètres au nord-est de Carthagène par la route, au-delà de la grande ville portuaire de Barranquilla et du fleuve Magdalena.
Santa Marta : la cathédrale (photo 1), le palais épiscopal (photo 2), le théâtre (photo 3), le palais Tayrona (photo 4), la statue de Bolivar, mort à Santa Marta en 1830 (photo 5), la mairie (photo 6), l'édifice du conseil de district (photo 7), le palais de justice (photo 8), l'ancien hôpital Saint Jean de Dieu (photo 9)
Moins connue à l’étranger que Carthagène, Santa Marta possède pourtant un centre historique de grand intérêt. Elle fut fondée dès 1525, avant Carthagène, par Rodrigo de Bastidas, ancien compagnon de Colomb. Son histoire fut mouvementée : privée de commerce avec l’Espagne à l’époque coloniale, attaquée 46 fois par des pirates de 1525 à 1775, malmenée par les séismes, les incendies et le choléra.
Ce qui en reste aujourd’hui est hétérogène avec beaucoup de maisons du 19ème et du début du 20ème siècles, quelques édifices art nouveau. Des églises bien sûr mais peu nombreuses et largement reconstruites. Un gros effort a été fait pour remettre les édifices historiques en l’état. Le résultat est là et les touristes sont nombreux. Santa Marta est une ville bien vivante, avec une vie de quartier dans ses rues anciennes. C’est sans doute son principal attrait.
Le musée de l'or, dans l'ancienne douane ; la photo 5, de Rafael Mojica, représente le village kogui de Bunkuangega.
Le Musée de l’or mérite largement une visite. On y voit les bijoux et parures en or des peuples indigènes de la Sierra Nevada mais bien d’autres choses aussi. C’est en fait un musée d’histoire et d’ethnologie installé dans l’ancien bâtiment de la douane parfaitement restauré. Un moment curieux lorsque j’ai rencontré deux jeunes femmes indigènes en costume blanc et un bébé au sein en train de visiter la salle qui leur est consacrée.
3 – Le parc national de Tayrona
A trente kilomètres à l’est de Santa Marta, au village de El Zaino, se trouve l’une des routes d’accès au parc national de Tayrona. Après quelques kilomètres de marche ou de voiture dans une belle forêt, on découvre la mer dans un endroit très sauvage. J’y suis seul. La mer est forte et il est strictement interdit de se baigner.
Je remonte ensuite la côte vers le nord-ouest jusqu’au cap San Juan del Guía. Plusieurs très belles plages en chemin : Caňaveral, Arrecifes, Piscina, dont une ou deux seulement sont assez abritées des vagues et des courants pour se baigner. Le sentier de forêt suit en gros la côte, facile dans l’ensemble mais avec quelques passages rocheux pour escalader des collines ou très boueux lorsque le sentier des piétons coïncide avec la piste des chevaux. On croise quelques indigènes vêtus de blanc qui sont ici sur leurs terres ancestrales. Le parc ferme trois fois par an pour que les tribus puissent pratiquer leurs rites ancestraux. Le cap San Juan lui-même est assez envahi car, en plus des marcheurs, de nombreux visiteurs viennent à cheval ou par bateau. A éviter le dimanche et en haute saison.
4 – Minca et les premiers contreforts de la Sierra Nevada
A quinze kilomètres au sud-est de Santa Marta, Minca était naguère inaccessible en zone de guérilla. Grâce à sa légère altitude (600 m), c’est devenu une base de tourisme et de loisirs. On y compte des dizaines d’hôtels, restaurants, agences de voyage et boutiques – dont une boulangerie française et une épicerie pour les ambassadeurs (!).
En s’élevant dans les collines jusqu’à 1000 mètres d’altitude, on traverse bambous arborescents, forêt et la plantation de café de la Victoria sur une pente très raide, comme à nous en avions vu près de Darjeeling, au Bengale occidental. Une plantation de cacao à proximité. Belles vues vers la côte et les montagnes quand les nuages le permettent.
5 – Rincón del Mar, dernière vision de la mer des Caraïbes
Avant de quitter la côte caraïbe, je fais étape à Rincón del Mar (« le coin de la mer »), à 130 kilomètres de route au sud de Carthagène, juste au nord de la Pointe San Bernardo. C’est au bout de la petite route qui se termine entre mer et mangrove.
C’est un petit bout du monde qui vit d’une réputation maintenant bien assise. Alors que la côte au sud de Carthagène jusqu’au golfe de Urabá, face à l’Amérique centrale, est une zone active du trafic de cocaïne, Rincón del Mar vit sagement de sa plage, de la plongée sous-marine, des excursions vers les îles et des visites de la mangrove, cette dernière en cours de nettoyage avec l’association Mundo Verde. Pas de grands hôtels mais des dizaines d’auberges et de petits restaurants qui attirent une clientèle colombienne et européenne. Une ambiance nettement afro-caribéenne. L’endroit est agréable, alors que la haute saison n’a pas encore commencé, avec un tourisme actif mais à petite échelle. Pourvu qu’il le reste.
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Il resterait beaucoup à voir, de la Cité perdue, site archéologique difficilement accessible au cœur des montagnes, jusqu’à la péninsule semi-désertique de la Guajira proche de la frontière avec le Vénézuéla. Ce court séjour sur la côte caraïbe de Colombie, après nos visites sur la côte caraïbe du Costa Rica et du Panama (voir notre article précédent et notre journal de voyage dans ces pays) permet de se plonger dans l‘histoire tout en profitant de la côte, de la forêt et des premières montagnes. C’est une bonne transition pour la suite du voyage : les Andes nous attendent.
#adm888
Voyez aussi notre journal quotidien de voyage en Colombie.
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